Une fleur qui se fâne peu à peu.

J’avais une folle envie de marcher aujourd’hui. Quoique aujourd’hui était assez ironique, car l’envie me venait assez régulièrement, pour ainsi dire tout le temps. Je quittais alors les quartiers de la résidence des Lychnis, qui n’avait rien d’une résidence certes, mais j’aimais flatter mon égo de la sorte.

Un jour, ce sera une résidence complète… un jour. J’étais vêtue de mon habituel tenue chinoise coiffée à la va vite et rehaussée par mes petites ballerines en cuir que je portais tout le temps, sauf pour dormir cela va de soit. Le tout était accompagné d'un gilet bien chaud, le temps se rafraîchissant un peu. Je passais les portes de mon quartier, en direction de l’artère principale de l'académie. J’avais un peu d’argent sur moi, et je comptais pour une fois, honorer le repas du midi, que je sautais de plus en plus souvent dorénavant. Étonnant de la part de notre rousse mais personne ne le savait du moins elle l'espérait. Elle savait que Rozenn veillait au grain...

Une ou deux ruelles plus loin, je débouchais dans la rue marchande hors de l'enceinte du pensionnat. Il y avait beaucoup de monde malgré qu’il ne soit pas très tard encore. Ce n’était pas plus mal, au moins j’allais passer inaperçue. Mais pourquoi faire ? Mes cours à l’académie se passaient bien et demeuraient barbant au possible bien que les enseignants ne comprenaient pas mon comportement laxiste et me voir pour autant réussir. J'émis un léger rire et regardais autour de moi. J’espérais en mon fort intérieur, à ne pas avoir à rencontrer un de mes camarades de classe. Je les voyais trop souvent pour en plus passer mon temps libre à flâner avec eux.

Il n’y avait quasiment pas de vent, et ça me manquait. J’acheté quelques mets dans une boutique de restauration rapide, et j’allais m’asseoir en bordure des portes, restant dans le quartier et savourant ma promenade sans mon ombelle. Le temps devenait de jour en jour gris et me permettait de ne pas souffrir de ma maladie. Prenant un banc de libre, je m’asseyais en tailleur, tout en mangeant sans faire la fine bouche, ce que j’avais dans mon petit sac. J’étais fin bien.

J’étais perdue dans mes pensées sans trop savoir vers quoi je dérivais, mais lentement, le reste du monde n’existait plus. Plus rien autour de moi n’avait un sens, une image, une identité. Machinalement, je mangeais, portant les mets à mes lèvres entrouvertes et mâchant sans conviction, pour ensuite avaler sans même me souvenir du goût. J’avais les yeux fixés sur un point précis, mais je ne le voyais pas. Oui, j’étais perdue dans mes pensées, faisant fit du monde extérieur, lequel faisait fit de moi. Alors à quoi bon essayait de le comprendre ? Je considérais que tout devait aller dans les deux sens, sinon, l’équilibre n’était pas bon. A quoi je pensais ? Des myriades de choses, allant de mes envies, à mes désirs, en passant sur mes perspectives d’avenir, et sur l’académie.

Une voix lointaine, mais distincte, vint me percer les tympans comme un coup de tonnerre, dont la foudre serait tombée non loin de là. Clignant des yeux bêtement, je me redressais légèrement, constatant que je m’étais affalée légèrement sur le banc en pierre, et je levais mon minois inexpressif vers le trublion qui m’avait sortie de ma torpeur. Mais je n'eus le temps de répliquer car un autre élève m'aborda violemment. Hurlant que je n'étais pas digne d'être préfète, que j'étais loin d'en représenter l'image, qu'Alcea Rosea était descendu bien bas en me choisissant. Cette fois encore je ne pus sortir la moindre parole car à peine que je quittais le banc que l'incongru m'assène une claque phénoménale. Je sens mon dos percuter le bois. Un cri de douleur s'échappa de mes lèvres... La précédente bagarre laissait encore des séquelles sur mon corps...

Une fleur carnivore.

J’essayais de me souvenais ce qui venait de se passer. Le choc avait été plus violent que prévu, la douleur était lancinante sans que je sache si c’était mon dos ou mon visage qui avait le plus douillé. Je gardais les yeux fermés et avait la mâchoire. Je tentais d’écouter au mieux ce sombre imbécile qui avait osé venir me frapper et seulement expliquer la raison pour laquelle il m’avait attaqué. Alors que je grimaçais, je ne pouvais me retenir de penser qu’il était pitoyable mais à peine avais-je pensé cela qu’une tierce personne intervint. J’entends des cris étouffés, des gémissements. Cela me força à ouvrir les yeux. Une demoiselle se tenait droite devant moi, Je dus plissuer les yeux à cause de la lumière trouvant cette silhouette familière.

Je me relevais plus mal que bien pour me trouver légèrement courbée et je pus voir exactement ce qui se passait. Mon regard passa de la jeune femme aux cheveux blancs à l’inopportun au sol. Je sourie par déconvenue, habituellement j’aurais pu me débrouiller seule mais là j’étais en mode bras cassé, incapable de se mouvoir correctement. Je me retiens de pester, contrite de devoir dépendre de quelqu’un pour me défendre. Je me retrouve au niveau de l’âme charitable et reconnaît Yuki Tsukiyo, de la maison Narcissus. Je soulève un sourcil d’étonnement. Cela faisait un bail que nous nous ne nous étions pas vus et que nous étions occupées sans pouvoir discuter de temps en temps. J’avouais avoir cru que j’avais commis quelque chose qui avait engendré cet éloignement entre nous deux. Si j’allais l’avouer ? Non.

La foule autour de nous se croyait discrète en continuant leur chemin. Certaines femmes nous jetaient des regards outrés, d’autres murmuraient entre elles, des enfants nous montraient de manière ostentatoire du doigt, d’autres nous jetaient des regards des plus amèrs. Mais je m’en contrefichait totalement. La douleur y était pour beaucoup mais aussi la colère et l’étonnement m’empêchait de montrer un magnifique doigt à ce regroupement de personnes curieuses et mal élevées. Mais pour le moment, je n’avais pas le temps de penser à tout cela car à peine avais-j eu le temps de rejoindre Yuki que l’énergumène de pacotille se jette sur elle à peine relevé. Je n’intervins pas sachant que la belle saurait des débrouiller contre ce menu fretin. Je m’écarte juste d’elle pour lui permettre d’agir tranquillement. Je me contente de prendre un cachet dans mon sac et l’avaler avec une bouchée de pâtisseries qui restait dans mon sachet. Puis j’entendais la remarque de la Narcissus qui me fit sourire.

Je déplaçais vers eux avec quelques difficultés mais parvins à tapoter l’épaule de mon amie pour le indiquer que j’allais apporter une pierre à l’échafaudage. Je lui adresse un sourire avant de me retourner vers l’incongru qui se redressait avec peine. A peine eut-il fini que je glisse l’une de jambes vers l’arrière pour la propulser vers l’avant avec le reste de mon corps, particulier mon poing vers son ventre. Il émit un hoquet de douleur et retomba au sol, genoux à terre. Je souffle de bien être satisfaite avant de répliquer d’un ton sec :

« - Voilà ma manière d’agir en tant que préfète. Tu oses user de la violence et t’en prendre à d’autres personnes alors je ne vais pas me gêner pour te montrer que le vent semé devient tempête. »

Mais il sembla que monsieur voulait me tenir encore tête car il releva son visage, le regard haineux vers moi. Je lui répondis avec un regard condescendant au possible. Qu’il essaye… Alors qu’il tentât de reprendre son souffle, je jette un coup d’œil vers Yuki pour faire une remarque :

« - Il n’est pas simple d’esprit. C’est juste un gros con… »

Cette réplique le fit réagir il se précipita vers moi et le drame arriva. Alors que j’esquivais malgré la douleur, je sens une résistance au niveau de ma main et mon torse … Mon sachet de pâtisserie fut emporté et se retrouva ratatiné sous le corps du malvenu. Tout le monde savait que j’étais très axée sur la gourmandise et que je détestais le gâchis… Sans réfléchir, sans remarquer qu’il avait aussi dégrafé mon haut sous mon gilet chaud dévoilant un bandage sur ma poitrine et les ecchymoses présentes sur mon corps, je martelais de mon pied gauche son dos. Il allait comprendre ce que c’était la douleur. Je relèvais mon regard sur Yuki sans m’arrêter de le frapper dans le creux des reins. Je faisais exprès de ne pas frapper avec trop de force. Je voulais qu’il ne puisse plus de déplacer à ses 40 ans. Moi immature ? Garçon manqué ? Mais carrément !

« - Comment vas-tu Yuki ? Désolée pour ce petit imprévu et merci de ton aide. Ta compagnie est décidément toujours agréable.»

Parmi le dédale des rues.

Diane sourit alors que sa camarade lui parlait. Elle continuait de plus à marteler le jeune homme avec cependant moins de force qu'auparavant concentrée sur l'agréable voix de la Narcissus. Elle haussa les épaules dès qu'elle entendit le fait qu'elle était blessée et que chacun de ses mouvements la tiraillait. Le fait de donner une bonne rouste à l'énergumène lui faisait oublier facilement ses douleurs dorsales. Il n'en valait pas la peine, l'épéiste avait certes raison mais la rousse ne voyait pas les choses de cette manière. Le laisser tranquille ? Cela serait être clémente avec ce truffion et cela il ne le méritait pas. Cependant elle s'arrêta net dès qu'elle entendit les mots magiques. Café ? Casse-croûte ? Rien de tel pour calmer les ardeurs de la préfète. Oui elle avait beau être du genre garçon manqué, elle avait cette tendance cliché de se réfugier dans la nourriture pour consoler ses peines, soulager des souffrances mentales. Ce fut pourquoi elle ne frappait plus le luron, souriant grandement à Yuki mais elle agita son doigt en précisant une chose d'une voix amusée :

« - Ta compagnie ne rendra qu'encore plus meilleure ce petit encas. »

Vu qu'elle avait stoppé de jouer au marteau-pilon avec son dos, le jeune fanfaron castré dans son orgueil en profita pour ramper, échappant aux pieds de la demoiselle camionneuse et fila le plus vite qu'il fut,c'est-à-dire avec une jambe traînant et se tenant le dos. Alors que Diane lui jeta un coup d'oeil se rendant compte de son absence, ce quilui donnait un air de Narcissus condescendante envers cette larve humaine, il lui adressa un poing agressif. La réponse de la Lychnis fut claire, un salut de la main un magnifique doigt d'honneur de l'autre, scandalisant certaines mères de famille, et un sourire sarcastique. Devant cette scène on avait du mal à reconnaître la Diane des débuts. Quiconque la connaissait même qu'un peu s'en apercevrait, elle en premier lieu. Si elle le regrettait ? Oui un peu mais cela, elle ne le dirait jamais. Alors qu'elle baissait ses mains, elle émit un petit soupir avant de se retourner vers Yuki, le visage impassible.

« - Je te laisse choisir, tu me connais je ne suis pas compliquée tant que ça peut satisfaire mon gouffre, qui me sert de ventre. »

Malgré ses dires, elle mena tout de même sa camarade au cache œil en lui prenant la main sans aucune gêne et l'éloigna de cette zone. Elle savait qu'elle avait attiré l'attention et se méfiant de ce que pouvait faire le jeune fuyard et surtout qu'elle voulait éviter d'attirer les poul... ahem, policiers juste pour une bagarre de rue. Juste deux ou trois rues plus loin, toutes deux se retrouvaient des ruelles où défilaient des échoppes mêlant douces odeurs de pâtisseries mais aussi de livres neufs, d'effluves qui semblaient être de l'encens. Ce mélange de parfum aurait pu écoeurer n'importe quel visiteur mais le tout formait ici un subtil mélange chaleureux et enivrant. Diane jeta un coup d'oeil aux enseignes après avoir libéré la Narcissus de sa poigne et reporta à nouveau son regard vers celui, bleu, de Yuki :

« - Une vraie caverne d'Ali Baba, décidément ! » s'exclama-t-elle d'une voix limite enfantine, qui lui ressemblait beaucoup plus.