Son portable vibra deux ou trois fois, sans qu'elle ne le remarquât. La jeune femme s'était endormie, alors qu'elle profitait de son jour de congé, à la piscine d'Alcea Rosea. Dorant au soleil, à plat ventre, en compagnie de Moonrip. Ses Pokémon Glace, eux, s'appropriaient le bassin, n'hésitant pas à baisser la température de l'eau si un élément pertubateur quelconque osa venir les embêter. Heureusement, le peuple se montra tolérant.

Elisabeth frisa néanmoins le coup de soleil apocalyptique, à son réveil. Jugeant avoir assez pris les rayons, au teint de sa peau, elle plia ses affaires et rentra au domaine des Narcissus. Elle prit connaissance du message de son cher préfet, sur le chemin. Un restaurant ? Ne dépensait-il pas déjà assez d'argent, à la loger, à lui donner des pourboires ou encore à lui offrir des fleurs ? Cependant, la jeune femme ne put retenir un petit sourire bête, devant l'écran de son mobile. Ce à quoi elle finit par réagir très vite, faisant fi de ses rougeurs, reprenant illico presto un visage inexpressif et sans faille. De quoi avait-elle l'air, à sourire comme ça, toute seule, devant un pauvre appareil électronique ?

Se dirigeant au pas de course vers ses appartements, elle répondit affirmativement à sa demande, s'en allant méditer devant sa garde-robe ainsi que dans son bain.

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La soirée tomba vite. La Narcissus désirait se montrer ponctuelle, pour ce rendez-vous ; c'était la moindre des choses, après tout. Mais elle ne voulait surtout pas faire attendre son homme. D'ailleurs, marcher sur le ponton de cette plage, en direction du restaurant, lui rappelait bien des souvenirs. Leur première rencontre n'avait pas été un évènement classique, c'était certain. Elle s'arrêta cependant de se remémorer ces instants, jetant un vague coup d'oeil à son reflet dans une vitre, vérifiant une énième fois son apparence.

Elle constata son bronzage à la faible lueur du soir d'une agréable surprise ; si elle était restée quelques minutes de plus au soleil, elle aurait été cuite. Mais son teint s'avérait parfait, dorénavant. Elle avait opté pour la chemise violette qu'il lui avait offerte, non pas par romantisme niais et barbant, mais plutôt parce qu'elle se prêtait plutôt bien à son état d'esprit et à sa nouvelle peau. Portée avec les manches retroussées proprement et le décolleté mis en valeur, elle l'avait alliée à un petit short noir ainsi qu'à une paire de sandales cirées en guise de chaussures - noires également.

La jeune femme se défoula sur sa frange avant de la remettre en parfait état, laissant tomber ses ondulations rosées dans son dos. Bon, elle n'allait pas y passer la nuit, non ? Après tout, il n'y avait aucune raison pour que son potentiel de séduction ait régressé entre la dernière fois où elle l'avait vu et maintenant. Elle reprit donc sa marche, confiante.

Puis, Mademoiselle Richards put reconnaître de loin la silhouette de son entiché, de dos, ne le quittant pas des yeux. Une fois suffisamment proche, elle se mit sur la pointe des pieds et vint mettre ses mains sur son regard, par derrière. Esquissant un mince sourire.

« Tu as presque la même chemise que moi. Tricheur. »

« T'as pas tord. On porte presque la même chemise. Mais l'élégance n'est pas dans les vêtements qu'on porte, mais de la manière dont on les porte. N'oublie jamais ça, Elisabeth Chérie. ♥ »

Réplique qui lui valut de froncer légèrement ses sourcils, tandis qu'il baissait sa tête afin de lui embrasser la joue, comme tout amoureux le ferait afin de saluer sa compagne. Etait-il en train de dire qu'elle n'était pas élégante ? Elle regarda furtivement la vitre du restaurant, observant une énième fois son reflet, pour s'assurer du contraire, préoccupée. Elle émit un léger soupir, reprenant un petit sourire en coin tout en attrapant son bras :

« C'est mal d'insinuer que sa moitié n'est pas élégante, mon petit Alexei. Fit-elle, entrant dans le bâtiment pendant que ce dernier lui tenait la porte, en bon gentleman. »

Les yeux d'émeraude de la jeune femme firent le tour de la salle assez rapidement, captant les détails importants, ne s'attardant pas sur le reste. Le restaurant avait quelque chose de plutôt modeste, mais la décoration et la gestion de son espace lui donnait une atmosphère chaleureuse, conviviale et familière. Il n'avait rien de pompeux ou de trop chic ; il était, juste ce qu'il fallait, et semblait tout de même avoir du succès, à la vue du monde qui se trouvait à l'intérieur. Seul bémol ; aucune terrasse. Ainsi, elle devrait attendre la fin du repas pour sortir et s'en griller une. Elisabeth appréciait pouvoir fumer en attendant de se faire servir, ou en patientant pour l'addition, voire le café. Enfin, elle n'allait pas se plaindre ; partager sa soirée avec son blondinet compensait bien ce genre de détails.

« Merci, souffla-t-elle, s'asseyant sur son siège. Les cartes étaient préalablement posées sur la table, point positif. Elle s'empara de la sienne et se lança dans la lecture du menu. »

Cette pension semblait spécialisée dans les plats servant des Pokémons cuits. La Narcissus haussa un sourcil tandis que son regard progressait sur la page glacée du livret. C'était permis, de se nourrir de Pokémons ? La SPP ne faisait-elle donc rien ? Enfin, de toute façon ... il fallait bien se remplir de quelque chose. Si jamais une famine tombait, peut-être serait-elle contrainte de manger ses propres compagnons. ... Hm non, idées très glauques. Où avait-elle la tête ?

Elle leva ses émeraudes vers Alexei, lui faisant un petit sourire.

« Je prendrai du Psykokwak à l'orange, je pense. J'aimerais bien voir la tête du chef, tiens ... pouffa-t-elle, fermant sa carte. »

Elle se lança alors dans la contemplation de son préfet, attentive. Mademoiselle Richards avait réussi à dégôter un bien beau garçon, il fallait l'avouer.

Elle se mit à rigoler de bon coeur, lorsqu'elle entendit son entiché prononcer le nom de son plat. Il avait raison, après tout ... Le Galifeu, ce n'était que de la volaille, un poulet. Mais pourquoi diable ce restaurant ne servait-il pas des plats un peu plus conventionnels ? Maintenant qu'elle relisait la carte, ses yeux de jade prenant une lueur plus grave, elle remarquait qu'il ne s'agissait ici que de Pokémons utiles au combat. Pourquoi dans les plats marins étaient servis des Hypotrempe, plutôt que des Magicarpes ? Pourquoi la volaille n'était-elle pas un Heledelle bien rôti, plutôt que ce Galifeu à la chair très ferme et au caractère tout feu tout flamme. Les gens aimaient-ils se compliquer la vie à ce point ? Rien que de penser à la manière dont ils se seraient débrouillés pour attraper le Galifeu avant de le tuer, elle en avait la chair de poule. Ce n'était pas le genre de Pokémon à se laisser gentiment faire ...

Absorbée par son analyse tactique de la cause de l'arrivée de ces pauvres créatures dans leurs plats, elle enchaîna avec une réflexion approfondie concernant le Psykokwak qu'elle s'apprêterait à manger. Ne remarquant pas que depuis le début de son questionnement existentiel, elle était en train de scruter Alexei d'un oeil insistant, ses émeraudes forestières plantées dans les prunelles azurées de son amant. Mais elle se fit alarmer par l'une des serveuses, venue leur demander s'ils avaient enfin fait leur choix.

Regardant l'employée de haut en bas, l'air distrait, Mademoiselle Richards rouvrit sa carte avant de montrer le plat du bout du doigt, fixant la jeune fille dans les yeux.

« Du Psykokwak à l'orange pour moi, avec une bouteille de Vestigion 1892, s'il-vous-plaît. Dictait-elle d'un ton posé, refermant sa carte tout en passant son regard du minois de la serveuse au visage de son préfet, avant de reprendre sa profonde réflexion. »

Réflexion qui vira, par elle ne sut quel chemin mental, à un mémorial de sa relation avec le Alexei Josep Mikhail Tchernenko ici présent. Depuis quand le connaissait-elle, dorénavant ? Pourquoi et comment en étaient-ils arrivés là ? Ce fut en commençant à s'interroger à propos de tous les évènements passés qu'elle vint tâter le bout de ses pieds avec les siens, l'air ailleurs, les yeux un peu plissés, concentrée.

Elle-même ne s'en rendait pas vraiment compte. Son cerveau était, à ce moment-même, un véritable tourbillon de pensées. Elle ne se prenait pas vraiment la tête, mais voilà que son esprit était tourmenté par beaucoup, beaucoup de questions. Peut-être l'émanation d'un Pokémon bizarre qui aurait trop cuit, en cuisine ...