Quatre heures, vingt-deux minutes du matin.
A chaque seconde, la pluie torrentielle s'écrase lourdement contre des volets bien fermés. Les rafales de vent s'abatent dessus... font osciller les armatures métalliques des fenêtres des toilettes privées Narcissus. Le tonnerre s'abat d'intervalles irrégulier, illuminant le temps d'un éclair l'endroit plongée dans le noir. Une pièce de neuf mètres carrés, le sol carelé, sans ornements superflus, juste un placard hermétique, des petites vitres en hauteur et les cabines d'usages sordides et sans artifices.
Plus que l'odeur désobligente du manque d'hygiène environnant, l'atmosphère de silence n'est ébruité que par des gestes confus, de chocs épars et indifférenciés.
Blotti contre deux murs, un Hypotrempe sans constance reste dans un état incertain. Sentant les pas se rapprocher, des frissons d'effroi incontrôlés le parcourent. Statique, son corps ne bouge plus, ne répond plus... L'obscurité permanante retarde l'échéance finale, mais insupporte par cette attente interminable... Les questions s'entortillent, se brisent et se mélangent pour mieux fondre dans le brouillard de la peur... Les pas sont à portée visuelle, et la silouhette distordante finalement arrivée... Il lève un bras, dont la main tient quelque chose. De ses doigts jaillissent des arcs électriques, et leurs étincelles s'en rapproche toujours d'un peu plus près...
...
...
Pris d'un élan de douleur, Hypotrempe hurle à son âme d'un cri strident qui résonne agréablement aux oreilles de son maître. Sa peau est rougie par la décharge, et le corps endoloris par cette attaque fulgurante.
Lansfeld s'arrêta net, sursurrant des mots faussements doux à sa victime. Lui décourageant tout hurlement, qui de toute façon ne serait d'aucune utilité... Car il est seul. Ils sont seuls.
Mue par l'activité désinvolte de celui-ci, le dragon senti une vive gifle survenir de son impénétrable bourreau.
Le geste a balayé la pauvre créature du coin, se faisant heurter sur la tranche du placard imprenable. Désorienté, affaiblit et piétiné par son humiliation, l'Hypotrempe ne parvient même plus à trouver la force de tenir une posture décente. Affalé par terre, il se tortille pathétiquement dans des spasmes qui le contraignent à ne pas expirer trop fort.

Posant un soupir, Lansfeld estima que la nuit pour cet Hypotrempe allait être longue... très longue...

Une odeur du fer se mêle aux autres senteurs nauséeuses qui accablent cet endroit sordide. La faible luminosité ne permet pas d'identifier l'aggresseur, mais suffit à en situer la position. La silouhette est élancée, et semble physiquement inférieure à Lansfeld, assez pour qu'il s'élance sur lui (ou elle) et de l'empoigner par le col.
La joue est assez enflée, lui brulant la moitié du visage tandis que sa tête est déjà bien chauffée par les évènements passés. Son sang belliqueux a soif de violence, de domination et plus encore de pouvoir. Quiconque ose le déranger durant ses divertissements vulgaires et immoraux encoure sa réponse, ses excès qu'il ne peut reporter sur leurs justes cibles. Qu'ils en payent le prix.
Lansfeld prends appuit sur son genou droit avant d'armer sa jambe gauche et de décocher un coup de genou. L'obscurité l'empêche de préciser l'impact, mais il a touché quelque chose sans le moindre doute. Pas un mot depuis le début, le silence oppressant le tanne et l'enrage dans une folie toujours plus meurtrière.

Tourne alors les talons, pour s'avancer de nouveaux vers Hypotrempe. Seul compte le tazer qu'il tient fermement dans les mains, le son des pas qui doucement s'avancent vers lui, trop faible pour tenter de s'échapper...

Mais tout le plaisir de cette correction s'est évanouit.
L'ivresse de l'instant est passée, au détriment d'une scène triste et pathétique de désillusion.
L'atmosphère onirique laisse place à un ressentiment désagréable de déception, ou d'intrusion peut être ? Tout cela semblait si faux, si irréel que ses actes en soi ne semblaient que très peu consistants, à la manière d'un somnabule agissant sous le joug des fils d'un marionnettiste.
L'adrénaline tombe à une vitesse fulgurante, si bien que son sourire impie se fait plus discret. Il n'en demeure qu'une expression maussade et hostile envers l'intrus.
Jetant à terre son instrument de torture, dans ces ténèbres environnants il parla suffisamment fort pour être entendu sans avoir à se tourner vers son interlocuteur.

Crachant ses élucubrations guerrières, Lansfeld reporta sa hargne sur l'intrus. Il n'avait entendu aucun son depuis l'attaque, pourtant sur d'avoir bien touché sa cible...
Désormais à proximité de l'Hypotrempe, il l'envoya dans sa pokeball le temps de régler ce 'différent' avec cet invité silencieux. Pourtant ce noir ambiant ne semblait pas le gêner le moins du monde, et tout compte fait lui non plus.
Attendant patiemment une réponse, il s'adossa contre un des mur qu'il suspectait d'être souillé, mais qu'importe...

Ainsi c'était elle, parmi tant d'autres qui auraient pu l'entrevoir. Ce ne devait être que le destin qui avait ramené la plus sceptique dans cette fosse désolante. Elle répétait souvent que l'ambition ne devenait dangereuse qu'à partir du moment où l'on ne s'octroie de limites. Et elle n'imaginait pas à quel point son raisonnement était juste..
Au cours de son acheminement au sein de l'Usine, il avait vu et revu les statistiques de chaque pokemon, réhabilité leurs attributs et affiné toujous plus loin leurs réalisme. Il devenait clair qu'à force, ceux-ci n'évoquaient désormais qu'une continuité désagréable de chiffres désordonnées correspondant à leur valeur stratégique.
Etait-ce là tout ce qui portait à son intérêt ? Des nombres, des valeurs consises et froids de toute âme. Probablement, car de ces pokemon il n'en a jamais eu le moindre geste galant. Seulement de la donnée pure et simple, monotone et réglé au moindre millimètre, une entitée numérique en soit, sans la moindre identité.

Lansfeld écouta ces paroles sans vraiment en tenir cas. Il avait entendu qu'il s'agissait d'une ancienne ranger qui avait désormais les capacités bien certaines d'un dresseur de niveau assez haut. Ce genre de sauvageonne devait avoir vécu des années durant en compagnie de pokemon en guise de cadre social, il n'y avait évidemment à considérer son cas comme un être à part entière.

Dédaignant l'Hypotrempe qui n'avait toujours pas bougé d'un iota, Lansfeld sorti une pokeball pour le rappeler. La ball ne gérirrait pas ses blessures, mais l'isolement provoqué lui donnerai matière à repenser sa manière de prouver sa hargne au combat.
Levant les yeux d'un air de défi, il agita la ball entre les yeux de la préfète Iwasuru comme pour se moquer de son autorité atificielle.

Retirant prestemment son bras, agita une négation du doigt avec un sourire amusé. Non, il ne comptait pas céder ses pokemon à qui que ce soit, et encore moins à une donneuse de leçon qui ne connaît rien à l'enfer compétitif.

Son buste est fièrement dressé, prêt à combattre et imposer sa force devant ses répliques moqueuses.
Quoi de plus normal pour une sauvageonne, pensa-t-il. Elle n'est ni femme ni humaine, si belle de laideur, moulinant nombres d'émois à son égard qu'il ne rêvait plus que d'un simple jour fatidique de vengeance.
Impuissant malgré son sang bouillant de guerre, Lansfeld se laissa maintenir un visage indifférent, contenant toute cette rage interne. Seul un regard férocement hostile persistait derrière son masque de glace.

Un sourire narcissique se profile, provoque encore un peu plus le caratère ardent de son interlocutrice. Cette situation l'amuse, comme jamais il n'avait rit de quelqu'un... Non par moquerie, mais par un divertissement plus irrationnel, que l'explication pragmatique dont il s'affuble si souvent ne saurait suivre...
De la folie ? Du tout, simple montée d'excitation qui en devenait presque euphorique.
Il y a déjà trop longtemps qu'il n'avait plus éprouvé de tels sentiments auprès d'un tiers haissant. Lui même se sentait si vivant par ce délire monomanique..

Parfaitement et simplement. Il n'avait pas besoin de sa compassion ni de sa pitié, Hypotrempe ne tarderait pas bientôt à rejoindre l'élite, entouré d'un poignée de combattants formés dans un seul but, oblitérer l'ennemi jusqu'à le réduire en poussière...

Et cette Iwasuru figurerait en tête de liste.
Sa cible numéro une, sa proie préférée qu'il ne daignerait affronter qu'une fois marchant sous une montagne de cadavres défaits par sa force montante.
Bientôt, il retrouverai son pouvoir perdu et compterait bien la chercher aux quatres coins du globe pour lui faire ravaler ce trop plein de confiance qu'elle lui jetait ici présent.

Et sans aujouter autre mot, il lui fourra sa ball dans la main sans la quitter du dresseur...

Détournant son regard de l'adversité, les mots semblaient avoir autant de sens que les lamentations misérabilistes que pouvait souffler Hypotrempe. Lansfeld entendait le bruit des pas de la préfète décroître puis s'évanouir dans le silence oppressant de la solitude.
N'ayant pour toute compagnie qu'un Kraknoix apeuré, il laissa son pied voler dans un placard et hurler un ri de frustration.
Hypotrempe, cet imbécile.
Détroussé de son premier choix, il n'avait plus connu ce sentiment depuis des années déjà, et cette picure de rappel n'avait rien d'agréable. Cette Iwasuru risque de payer le prix fort de ses actes, car désormais il n'aurait de cesse jusqu'à lui incruster dans sa peau la peur de son dressage et de ses foudres désinhibées.
Hécaton grandissait de jour en jour, et bientôt lui même sera inarrêtable. Pour ainsi dire, Lansfeld ne rêvait que du jour où, dévalant de son pokemon dragon plus aucun dresseur ne s'oserait à compétiter contre ses bêtes de guerre.

Regardant en biais, il se laissa regarder ce Kraknoix misérable un instant durant. Il avait capturé un Griknot pour tenter de raviver une flamme compétitive, mais celui-ci n'avait de cesse d'évoluer en sens inverse.
Pire, il semblait même ravit de le voir peu à peu prendre sa place, et voir ses nombres d'apparition diminuer à vue d'oeil. Vraiment, il n'y avait plus rien à en tirer...
D'autant qu'une fois parvenu au terme de leurs évolutions respectives, Hécaton se révélera bien plus compétent pour des combats d'offensive pur. Un Libégon étant bien moins simple d'utilisation, il devrait être réservé à des combats bien spécifiques et extrêmement complexes. Chose qui ne devait probablement pas arriver avant un moment sur Alcea.

Entre temps, il aurait largement de quoi décider du sort de celui-ci. Surtout que le nombre de pokemon autorisé étant très minime, la question devenait assez ardue.
Rappelant son pokemon, il quitta à son tour ces lieux sordides. Se promettant de ne plus y retourner, du aux souvenirs assez peu sereins que cette nuit risquait de fomenter pour lui ainsi que ses pokemon...