Dix-huit heures cinquante-deux.

Anya retint un grognement en jetant un coup d’œil à sa montre.


Passons.


Ô ironie.


Sa montre affichait à présent dix-neuf heures précises.

Alléluia, le voilà.

Immense soulagement intérieur.

Allez, on se redresse et on décroise ses bras. Histoire de faire semblant d’être une parfaite lady. La blonde rappela ensuite Nirondelle dans sa pokéball, en attendant que le brun arrive à sa hauteur. Parce qu’autant l’avouer, elle préférait éviter ces scènes un peu gênantes et maladroites où l’on attendait l’autre sans rien faire . Et surtout, cela lui ferait un souci en moins pendant le repas. On ne savait jamais, un pokémon vol plus puissant pourrait décider de prendre en chasse l’hirondelle, et cela, elle ne le voulait pas. Nirondelle était rapide, mais bon…Elle voulait éviter de prendre le risque, on n’était jamais trop prudent.

« Hey'! Anya! » lança Clive en lui faisant la bise.

Tempête sous le crâne de la dite Anya pendant quelques secondes. C’était le WTF complet, l’ébahissement le plus total, pour elle qui n’utilisait que des hochements de tête en guise de salut instaurant une certaine distance plus ou moins respectueuse entre elle et son interlocuteur. C’aurait presque pu être touchant...mais non. Sur le moment, elle se sentit surtout crétine, complètement stupide. Evidemment. A quoi s’était-elle attendue, aussi. Clive resterait Clive, d’un naturel certainement plus ouvert et sociable qu’elle. Il fallait s’attendre à quelque chose de ce genre. Et puis au fond, ce n’était pas comme s’il avait fait quelque chose de grave. Il n’y avait pas mort d’homme. Juste une petite invasion de son espace vital –néanmoins bien dans son style. Quelque chose que pour une fois elle pouvait supporter ; il lui avait sauvé la mise, après tout. Elle se rappelait un peu trop bien de l’épisode. Elle avait pris la décision d’aller en forêt, histoire de chercher un nouveau pokémon sauvage pour son équipe. On pouvait dire qu’en effet…elle en avait trouvé un. Au bas mot niveau trente. Pour une des premières fois de sa vie, elle avait vraiment connu la peur. Et puis voilà que le Lychnis que pourtant elle n’arrivait pas à supporter – il passait son temps à la taquiner, peut-être à cause de son côté très inaccessible et distant- était arrivé à sa rescousse. Elle avait bien dû admettre qu’elle s’était trompée à son sujet. Difficile à croire, et pourtant. Elle qui l’avait pris pour une copie de son demi-frère par alliance : fêtard, gros buvard, et cancre. Il ne fallait pas se fier aux apparences, hein. Elle s’était faite avoir comme une bleue, en décrétant directement que c’était un incapable. Autant dire que pour une fois, elle était heureuse – oui, heureuse- de s’être trompée. Cliché ou pas, à présent, leur relation s’était pacifiée – elle n’irait pas jusqu’à dire qu’ils étaient amis, mais bon… plutôt de bonnes connaissances, pour le moment. Enfin, elle réussit à reprendre sa contenance habituelle et à répondre.

«Salut !»

Et avec le naturel requis s’il vous plaît. Elle haussa mentalement un sourcil : visiblement, il s’était mis sur son trente et un. Eh bien. Attention délicate s’il en était. Non pas qu’elle fut tellement attachée au style vestimentaire – elle-même état d’un classicisme indécrottable-, mais bon...Ne pas aller au restau habillé comme un clochard, ça passait toujours mieux, n’est-ce pas ?

«Si, justement. Tu as ( Elle regarda sa montre pour, elle l'espérait, la dernière fois de la soirée. ) exactement deux minutes de retard. Impardonnable. »

Oui, c’était presque une tentative d’humour foireuse. ( Et non, elle n’allait pas dire qu’elle était là dix minutes avant l’heure prévue. Sur le coup, c’eut été tendre le bâton pour se faire battre. )

« Je pensais qu’on pourrait aller au restaurant de la plage. Ca ira ? »

Et c’était surtout parce qu’ils étaient juste à côté. Non. Elle n’avait pas envie de marcher ce soir, elle avait déjà donné.

Et Anya eut un sourire en coin devant le manège – un peu grotesque, mais distrayant - du Lychnis, qui finalement avait semblé prendre sa réplique pour ce qu’elle était : une tentative d’humour et non pas un reproche. Elle savait qu’elle était exigeante et parfois franchement casse-pied, mais il croyait vraiment qu’elle allait se formaliser pour si peu de retard ? Deux petites minutes ? Etre retard, pour elle, était quand même moins grave que poser un lapin. Parce qu’être en retard, c’était quand même faire l’effort de venir. Surtout qu’en l’occurrence, comme elle lui avait proposé ce restaurant un peu à l’improviste, c’était déjà miraculeux qu’il n’ait pas eu un quart d’heure de retard. Pour le coup – une fois de plus-, les erreurs étaient dans son camp.

Et alors qu’ils marchaient vers le restaurant qu’elle avait choisi, Anya tiqua. Elle fronça les sourcils, alors qu’elle levait la tête pour planter son regard violacé dans celui, gris, de son interlocuteur. Eh merde. Il allait vraiment falloir qu’elle se mette à acheter des chaussures avec des semelles plus épaisses ou des talons hauts, parce que là, ce n’était plus possible. Elle était obligée de lever la tête pour parler à la majorité de ses connaissances, et détestait ça. La faute à Mère Nature qui l’avait fait naître trop petite. Son ton se fit sec, presque agressif :

« Ce n’est pas la peine, tu sais. J’avais dans l’idée de t’inviter, pour te remercier de la dernière fois. »

La dernière fois faisant bien évidemment référence à sa petite mésaventure avec ce fameux pokémon. L’idée d’avoir une dette envers quelqu’un l’agaçait profondément. Elle se sentait comme...aliénée. Comme privée de sa liberté, alors qu’il s’agissait pour elle de quelque chose d’essentiel, elle qui se plaisait à agir en électron libre. Elle ne voulait rien devoir à personne, jamais. C’était presque une question d’honneur, de fierté. C’était bien pour cela qu’elle voulait rembourser sa dette le plus vite possible- ce qui évidemment n’impliquait pas de couper les ponts, mais seulement de rétablir une forme d’équilibre. Alors si en plus Clive se mettait à vouloir lui payer le restaurant, la situation n’allait pas s’arranger. Même si cela pouvait paraître peu habituel pour une fille de payer –voire quasiment mal vu-, autant dire qu’elle s’en fichait royalement. C’était sa vie, elle en faisait ce qu’ elle voulait, elle agissait comme elle l’entendait ; cela avait toujours été comme cela, et le serait toujours.

Même après être entrée dans le restaurant, son humeur ne s’arrangea pas. Anya était déterminée à camper sur ses positions et ne pas céder sur ce point, quoiqu’il arrive. Mais attaquer de front n’était pas toujours la bonne solution ; il serait toujours possible de revenir sur le point de qui paierait l’addition plus tard. Alors, pour le moment, autant mimer les signes extérieurs de la décontraction. Elle fit sembler de s’amuser de la pseudo-plaisanterie du Lychnis- même si l’enfant, ici, ce n’était certainement pas lui. Plutôt elle de l’avoir jugé trop vite, mais passons sur ces détails.

Le restaurant était peu fréquenté à cette heure, ce dont elle se félicita. A vrai dire, c’était une des raisons pour lesquelles elle avait proposé cette heure-là . S’ils pouvaient manger tranquillement sans être dérangés par un brouhaha incessant, c’était tout bénéfice pour eux. Quant au cadre, chaleureux, convivial et agréable, il n’y avait rien à en redire. C’était complètement autre chose que le vacarme du réfectoire, avec moins le côté individualiste du campus. Un peu de changement ne nuisait pas, non ?

Finalement menée avec Clive à une table libre, elle ôta son manteau et s’installa à sa chaise, pour ensuite s’intéresser au menu.

Et le drame arriva. Elle fut tout bonnement incapable de choisir un plat.

C’était horrible, ce sentiment d’être complètement perdue en parcourant la carte d’un restaurant. Il y avait tellement de choix. A peine Anya avait-elle repéré un plat qui la tentait, qu’à la page suivante, un autre plat tout aussi succulent se présentait. Misère. Cela devrait être interdit par la loi de proposer autant de menus. Note pour elle-même : ne plus aller dans ce restaurant, c’était un lieu de dépravation culinaire ; avait-on idée de tenter autant les clients, franchement. Et avec ça, Clive se moquait d’elle en lui tirant la langue ; elle répondit en lui faisant les gros yeux, l’air faussement fâchée. Bon. Elle n’allait quand même pas tirer son repas à pile ou face…A moins que. Victoire. Elle avait trouvé quelque chose qui lui convenait parfaitement. En entrée, une salade composée et en plat principal, une escalope de veau avec des légumes verts. Et pour faire passer le tout, un thé glacé.

« Aventurière un peu inconsciente alors » lança-t-elle avec un rire bref. « Bah, ce n’est pas la première fois que je tombe sur un pokémon sauvage trop fort pour moi. L’autre jour, je suis bien tombée sur un Migalos sauvage un peu énervé. J’ai essayé de le combattre, mais mes pokémons n’étaient pas assez forts pour le vaincre. Du coup, j’ai préféré faire marche arrière. Je ne voulais pas qu’ils soient blessés pour rien. »

Et elle avait définitivement pris la bonne décision ce jour-là, même si cela avait été difficile de l’admettre sur le moment. Elle s’était sentie affreusement humiliée, mais c’était moins pire que si ses pokémons avaient été blessés. Les blessures à l’ego, elle pouvait le supporter. Une perte totale de confiance de ses pokémons envers elle, moins. Mieux valait savoir se retirer quand l’adversaire était trop fort. Et puis, elle s’était rattrapée par la suite : elle n’était plus sans défense face aux pokémons sauvages d’un niveau raisonnable. Maintenant, si elle ne les capturait pas, elle pouvait au moins les mettre KO.

Pendant que le serveur prenait les commandes, la blonde réfléchit. Elle ne savait pas trop quoi dire, elle qui n’avait jamais su se raconter. Qu’est-ce qu’elle pourrait bien raconter pour satisfaire la curiosité du Lychnis ?

« Ce n’est pas comme s’il y avait beaucoup à raconter sur moi. Je viens de Frimapic, je suis en master d’élevage et j’ai eu dix-huit ans en décembre dernier. Pour le moment, mon équipe se compose de Gobou, Flamajou et Nirondelle. J’ai un côté assez rat de bibliothèque, mais ça ne m’empêche pas d’aimer sortir de temps en temps en pleine nature , par exemple pour aller chercher des pokémons. J’ai tendance aussi à aller assez tôt aux terrains d’entraînements, vu que je préfère éviter les heures où il y a trop de monde. Et...je ne sais pas, qu’est-ce que tu veux savoir d’autre ? »

Le tout dit en se sentant affreusement stupide. Les présentations, ce n’était vraiment pas pour elle. Mais elle pensait avoir fait plus ou moins le tour. Inutile de commencer à parler de la famille, c’était sujet sensible, et elle n’avait vraiment pas envie d’y penser maintenant. Ca serait le meilleur moyen pour plomber l’ambiance.

L’arrivée du serveur mit un terme momentané au supplice de la blonde. Introvertie ? Pas du tout, qu’allez-vous donc penser là –ô ironie. Qu’il était dur de faire connaissance avec quelqu’un. C’était tellement plus simple quand on pouvait se contenter d’entretenir des relations superficielles avec un certain nombre de gens. On se voit, on se croise, on se salue, on échange éventuellement deux mots et l’affaire est réglée. Cette attitude lui convenait très bien comme ça…d’habitude. Et du coup, ce soir, Anya en faisait les frais en se retrouvant comme une pauvre idiote incapable de trouver un sujet de conversation, réduite à profiter de l’arrivée d’un serveur pour ne pas avoir à ouvrir la bouche.

Pathétique.

« Bon appétit à toi aussi. »

Parce que oui, un minimum de politesse s’imposait. Quand même. Et avec le sourire, s’il vous plaît ; pour une fois qu’elle se sentait détendue, tranquille. S’aérer l’esprit en n’ayant pour perspective que de passer ce qui s’annonçait comme une bonne soirée, voilà qui faisait du bien. Il n’était pas question de penser à des sujets un peu sérieux comme les cours, la compétition qui faisait rage sur le campus ou autre tracasserie de ce genre. Absolument pas. En tout cas, ce n’était pas elle qui allait amener ce genre de sujet. Soyons frivoles pour un soir. Ahem.

Le compliment – ou conseil ?- que lui adresse Clive fit sourire Anya au-dessus de son assiette. Un sourire entendu, plus réservé . Evidemment qu’elle continuerait à protéger son équipe, comme un suzerain protégeait ses vassaux. Jusqu’au dernier moment. Tant qu’ils formeraient une équipe. Elle, elle pouvait bien supporter les insultes, les médisances, les bassesses de ce type ; mais qu’on s’attaque à ses pokémons, certainement pas. Perdue dans ses pensées, elle n’eut que le temps d’entendre que le Lychnis hésitait entre une carrière de dresseur et une de connaisseur- ce qui au passage, lui apprenait qu’il était vraisemblablement originaire d’Unys puisqu’en effet, le métier de connaisseur était typique de cette région. Pour cela, elle pouvait s’estimer heureuse d’avoir toujours –ou presque – eu l’élevage comme ambition, sa vie en était du coup facilitée.

« Je suis sûre que quel que soit le choix que tu feras , tu t’en sortiras très bien. »

Ce n’était pas vraiment un compliment – comme si elle allait s’abaisser à de la flatterie ! -, plutôt une simple constatation. Clive s’en sortait déjà bien en ce moment – en témoignaient ses deux badges, n’est-ce –pas -, alors il n’y avait pas de raison qu’il ne s’en sorte pas dans son futur choix de carrière. Avec son assurance, il lui donnait l’impression de pouvoir se débrouiller n’importe où. Pas comme elle, n’est-ce pas, mais elle, elle arrivait à donner le change et feindre une certaine confiance en soi presque quelle que soit la situation. Plus ou moins.

« Quant à un entraînement commun, ma foi, pourquoi pas. Ca fera une bonne expérience. » finit-elle par lâcher avec une étincelle de défi dans le regard.

Cela serait enrichissant aussi bien pour elle que pour ses pokémons, à n’en pas douter. Anya n’allait pas toujours pouvoir rester à combattre des pokémons sauvages, hélas. Il fallait qu’elle et ses pokémons se mesurent à de vrais dresseurs – et donc passer à la vitesse supérieure. Elle avouait-même si cela lui arrachait la bouche – qu’elle avait un peu pris son temps. Et même si la différence de niveau entre eux était très sensible, cela n’allait pas l’empêcher de donner tout ce qu’elle avait. Fierté oblige. Il allait voir ce qu’il allait voir. Elle ne resterait pas longtemps celle que l’on doit toujours protéger. Le temps était venu pour elle de prendre son envol. En espérant ne pas finir comme Icare.

Une question, vite, penser à une question. Pour se donner une contenance pendant que son cerveau fonctionnait à plein régime, elle prit une gorgée de thé. –pendant que son interlocuteur la regardait droit dans les yeux.Regard qu'elle soutint franchement et fièrement. Jamais elle ne baisserait le regard devant quelqu'un.

« Tiens au fait, je me demandais, ça fait longtemps que tu es à l’académie ? » (Elle fit une petite pause,le temps de peser le pour et le contre, et se lança. Une petite confidence ne la tuerait pas. ) « Personnellement, oui. J’ai fait les sept années de cursus normal, et comme j’avais trouvé ma voie dans l’élevage, j’ai décidé de continuer en master. On verra bien ce que ça donnera... »

Miracle. Elle se sentait un peu moins pathétique que tout à l’heure, même si ce n’était pas encore ça.

Un silence gourmand s’installa, seulement interrompu par le cliquetis des couverts. Anya elle-même mangeait avec appétit. La viande était tendre, les légumes cuits exactement comme il le fallait, la sauce délicieuse. Un restaurant de bonne qualité...Finalement, peut-être bien qu’elle reviendrait ici – à condition de trouver quelqu’un qui en valait la peine. Toujours était-il que le début de réponse de Clive la laissa un peu songeuse. Ils n’étaient pas si différents que ça, en fin de compte. Elle aussi était arrivée à Alcea Rosea en partie parce que la situation familiale ne lui convenait plus. Une belle-mère qui la considérait comme un fardeau, un demi-frère insupportable et une demi-sœur capricieuse, superficielle et enfantine, on avait déjà vu mieux – sans compter que le paternel qui n’était jamais là, et souvent en voyage en compagnie d’autres femmes que la sienne, n’est-ce pas. Heureusement qu’il y avait son autre demi-frère pour relever le niveau ; enfin quelqu’un de potable dans cette famille recomposée qui n’en avait que le nom. Sacré Jonathan, qui lui avait offert Gobou... Mais cela, elle le gardait pour elle, elle n’allait pas commencer à interrompre les gens – surtout que c’était elle qui avait posé une question.

S’apprêtant à boire une gorgée du liquide ambré, elle reposa son verre sous le coup de la surprise. Ainsi, Clive était le demi-frère du préfet des Narcissus ? Ca, pour une surprise, c’était une surprise. Elle aurait presque pu croire à une plaisanterie de la part du brun, sauf que cette révélation était trop énorme pour être un mensonge. De plus, quel intérêt aurait-il eu de mentir à ce sujet ? Se rendre intéressant ? Non, elle ne pensait pas : déjà qu’il était devenu un des plus puissants dresseurs de l’école, il n’aurait vraiment pas eu besoin de s’inventer une filiation en plus. Conclusion : il disait bien la vérité. Les deux frères, visiblement, ne s’entendaient pas. D’un côté, cela lui semblait logique. Si vraiment ils avaient été en bons termes, elle l’aurait croisé au moins une fois au domaine. Or, ce n’était pas le cas. Là aussi, la situation de son interlocuteur lui faisait penser à la sienne. L’ironie poussait même jusqu’à ce que Nicholas et Clive soient dans la même maison. Elle se demanda, vaguement intéressée, s’ils se connaissaient, mais écarta vite cette pensée. Elle n’allait pas gâcher ce repas en pensant à lui. Quant à Kean...à vrai dire, elle connaissait surtout son préfet de vue et de réputation. Il fallait dire aussi qu’elle ne se faisait pas particulièrement remarquer, que ce soit par ses notes ou par un comportement qui nécessiterait qu’on la recadre ; elle faisait tranquillement son petit bonhomme de chemin sans rien demander. Mais comme il aurait été sans doute malvenu de faire part de ces réflexions, elle se contentait de hocher la tête, signifiant à Clive qu’il avait son entière attention - qu'il n'imagine pas que ce n'était pas parce qu'elle ne disait rien qu'elle se moquait éperdument de ce qu'il racontait.

Une question sur l’élevage ? Clive ne savait pas dans quoi il se lançait. Si elle commençait par là, ils y seraient encore dans plusieurs heures… Heureuse de pouvoir parler de sa passion, elle souriait, son regard s’illuminait; on pouvait définitivement dire que la glace était brisée.

« Alors…Je ne vais rien t’apprendre en commençant par dire qu’il s’agit simplement prendre soin d’un pokémon, créer des liens forts avec lui, apprendre à le connaître dans tout le détail de son caractère, et l’emmener à donner le meilleur de lui-même. Mais à la différence des dresseurs, un éleveur a moins en tête cette idée de compétition, puisque son but n’est pas de devenir maître pokémon. Une fois sa pension créée, ses occupations deviennent assez nombreuses : s’occuper des pokémons qui lui ont été confiés, les entraîner, déterminer quel est le régime alimentaire le plus adapté à chacun, s’occuper des œufs...Et pour répondre à ta seconde question, et bien, pour le moment, j’essaie de mettre tout cela en place avec mon équipe, mais il est évident qu’on peut faire ça avec tous les pokémons…La preuve, j’aide actuellement un Menthae à prendre soin de son Cradopaud. »

Et voilà qu’elle devenait bavarde. Un comble.

A la fin de son explication, Anya se sentit la gorge sèche. Elle n’avait pas l’habitude de parler autant, et surtout pas à la suite. Mais, passionnée par son sujet, elle s’était un peu laissée emporter. Et le pire, c’était qu’elle avait fait un résumé sommaire de ce que c’était que d’être éleveur. Si elle avait commencé à entrer dans le détail, qui savait jusqu’où elle serait allée ? Bonne question. Elle aurait pu parler pendant plus de vingt minutes, à vue de nez. Mais ce n’était pas son genre, et puis, quel était l’intérêt d’avoir une discussion si ce n’était qu’une seule personne sur les deux qui parlait ? Aucun. Une discussion nécessitait un minimum d’échange, sinon ce n’était tout au plus qu’un monologue, ce qui, honnêtement, ne la tentait pas.

-Non, je n’en ai jamais tenu, mais ce n’est pas l’envie qui me manque. Ça doit vraiment faire quelque chose de voir un œuf éclore, tu ne penses pas ?

C’était une question un peu rhétorique . Après avoir passé du temps à observer un œuf, à s’en occuper, à le garder au chaud, voir apparaître le pokémon qu’il contenait… Cela devait être une expérience inoubliable. Anya avait eu beau avoir reçu Gobou alors qu’il était encore minuscule, ce n’était pas pareil que de l’avoir vu naître, d’avoir été la première personne sur laquelle le pokémon avait posé les yeux. Elle en était un peu déçue d’ailleurs. Leur lien en aurait sûrement été renforcé, même actuellement, il n’y avait pas grand-chose à redire sur leur relation. Enfin passons. Quand elle aurait sa pension, cela serait certainement son lot quotidien. Rien d’y penser, elle avait encore plus hâte d’avoir fini et ses études et de s’installer comme éleveuse. Où encore, elle ne le savait pas, mais elle verrait bien. Loin de Frimapic, ça c’était sûr. Elle y avait laissé trop de mauvais souvenirs.

Délaissant sa rêverie momentanée pleine de pokémons à entraîner et d’œufs à voir éclore, elle prêta à nouveau attention à ce que lui disait Clive. Il avait besoin d’aide ?

« Bien sûr, je vais voir ce que je peux faire. N’hésite pas à me contacter dès que tu veux qu’on voie ça. »

Un pokémon qui n’écoutait pas, hein. Elle réfléchissait déjà au problème. En tout cas, Anya doutait que ce soit à cause d’un dressage trop laxiste ou que le Darumarond en question ait été tellement chouchouté qu’il en soit devenu capricieux. Cela ne collait pas avec Clive. Quelques idées lui venaient à l’esprit, mais tant qu’elle n’avait pas vu le pokémon en question, elle ne pourrait pas faire grand-chose.

« Mais je peux déjà dire que ton Darumarond ne te respecte pas, ça me paraît évident. Un pokémon qui n’écoute pas son dresseur ne le respecte pas. Il faudrait donc faire en sorte que tu gagnes son respect. J’ai quelques idées pour remédier à ça, mais je préfère quand même voir ton pokémon avant d’essayer de les mettre en application. »