La pudeur a des limites que la bizarrerie ne connait pas. La serre était pourtant un lieux calme et tout bonnement naturel, nul ne pouvait penser y trouver un pack d'improbabilité condensé dans un coin de la serre. Et pourtant, entre les rangées étroites et les pousses de toutes plantes diverses et variées, on pouvait trouver dans un petit coin une jeune femme partiellement dénudée. Elle était allongée, simplement vêtue d'une petite jupe légère et d'un haut à bretelles fines. Étendue sur une serviette de plage, la partie la plus notable était sans aucun doute sa chevelure rose, qui, bien que nouée en chignon, désignait un personnage étrange. Il était certes bien difficile de découvrir de qui il s'agissait sans bien la connaître mais le côté loufoque de la scène donnait un indice assez imposant. Une paire de jumelles posée à ses côtés, griffonnant sur un carnet de note des choses sans intérêt pour presque tout le monde, elle semblait vraiment être une plagiste paumée.

Martha était en effet en plein repérage pour le magnifique plan qu'elle avait mis en scène avec le préfet de sa maison. Armée de ses binocles, la championne de l'arène Roche regardait avec attention l'intérieur des salles de classe vides. Oui, la fin des cours avait sonné depuis plus de vingt minutes et Martha se dorait la pilule sous la chaleur étouffante de la serre dans l'espoir d'être tranquille.

Espoir qui semblait ne pas vouloir se concrétiser. Un type aux cheveux noirs avait ouvert la porte de la serre. Martha avait grincé des dents et espéré qu'il reparte aussi vite qu'il était venu, sans la voir de préférence. Immobile dans son coin, cachant son carnet sous sa serviette, elle espérait vraiment qu'il ne ferait pas tout foirer. Au pire des cas, elle l’assommerait et inventerait une histoire comme qui il avait tenté d'abuser d'elle ou un truc du genre. Ca marchait à tous les coups...

La serre... Mieux valait que je laisse mon petit Pyronille rentré dans sa pokéball si je voulais m'y rendre... Je n'avais pas vraiment envie qu'il risque de mettre feu à une des plantes dans un instant d'innadvertance... Surtout que je m'y rendais pour m'occuper de mes orchidées. Mais il ne s'agissait de fleurs banales. Ces orchidées étaient noires. Noires d'encre. Noires comme la nuit. En un mot comme en cent, elles étaient complètement hors-normes de par leur couleur si spéciale... Et je prenais plaisir à venir m'en occuper quand l'envie m'en prenait. Je savais qu'il y avait des jardiniers mais... J'aimais aussi faire les choses par moi même. Ainsi, j'avais réussi à récupérer des graines de ces plantes si spéciales et si rares, en cultivant dans un coin...

Je rentrais donc dans la serre, mon Polichombr voletant autour de moi, Arty, mon Polarhume, ayant préféré rester dans sa pokéball. Il est vrai qu'il faisait chaud ici, et que les hautes températures n'étaient pas faîtes pour lui... Ainsi nous n'étions que deux, Volty' et moi. Pourquoi nommer Volty' un Polichombr ? Simple hommage au grand Voltaire, rien de plus. Mais bon, il fallait déjà le comprendre. Je retirais ma veste et la posais sur mes épaules. Non, il faisait vraiment chaud ici... J'avançais alors le long des allées, me dirigeant vers mes fleurs, lorsque je remarquais la présence de... Ludwig ? Que venait donc faire une des championnes d'Astria ici ? Et puis, dans cette tenue... Mais il fallait avouer que derrière cette excentricité manifeste, il y avait de l'esprit. Peu nombreuses seraient les personnes qui viendraient ici pour bronzer... Mais bon, ce n'était pas mes affaires.

Je m'approchais, m'arrêtant à quelques mètres d'elle et me tournant vers mes orchidées. Je la saluais tout de même d'un léger signe de tête accompagné d'un sourire, avant de constater l'état des fleurs, m'accroupissant pour mieux les voir. Hum, tout avait l'air d'aller... J'allais tout de même leur donner un peu d'eau, la terre semblait bien sèche. Elles ne devaient pas avoir pu profiter d'un peu se fraicheur depuis quelques jours... Pendant ce temps, Polichombr voletait autour de miss Ludwig, en grand curieux qu'il était.

Volty', n'embète pas la demoiselle hein !

Je m'éloignais tout en parlant, partant chercher un arroisoir, avant de revenir, quelques minutes plus tard, l'instrument de jardinage rempli d'eau en main...

Bon, le jeune homme avait l'air de ne pas tenter le diable et se contentait juste d'arroser quelques fleurs. En même temps, c'était normal dans ce genre d'endroit. Seul son horrible pokémon s'amusait à virevolter autour d'elle de façon tout à fait insupportable. Si elle avait pu, elle lui aurait mis un bon coup de jumelles pour le remettre à sa place, mais le type spectre ne permettait pas plus ce genre de fantaisies que les règles de bienséances de la vie en communauté.
Tentant tant bien que mal de résister contre la volonté de hurler sur la créature immatérielle, Martha cru être soulagée en entendant le propriétaire du pokémon demander à son truc de se tenir correctement en compagnie d'une dame. Malheureusement, le répit ne fut que de courte durée et le chewing-gum dut solliciter la force de ses nerfs lorsque le garçon retourna à ses occupations, ne se souciant pas de savoir si son pokémon avait écouté ses ordres.

C'était pour ça qu'elle gardait toujours les siens dans leur pokéball ! C'était pour ça qu'elle ne les laissait jamais sortir ! Les pokémons finissaient toujours par gêner et déranger ceux qui n'en avaient pas besoin ! Bande de sales bêtes mal éduquées ! Elle lui ferait comprendre qu'on n'embête pas une championne d'Astria impunément !

Se redressant pour s'asseoir dans une position autant aguicheuse que gênée, Martha se retourna vers le jeune homme avant de s'adresser à lui d'une voix calme et timide. Son visage avait des airs de supplication et à moins d'être homosexuel ou vraiment anxieux vis à vis de la jeune femme, il ne devrait pas rester indifférent à cette masse de sex-appeal lancé par la jeune femme aux cheveux roses.

"Excusez moi... Hum... Est-ce qu'il serait possible de demander à votre polichombr de ne pas se mettre sur la trajectoire du soleil s'il vous plait ?"

Autrement dit "loin de son espace vital". Elle voulait avoir la paix et s'il pouvait sortir rapidement, ça ne serait pas plus mal... Elle avait un bilan d'exploration à faire pour un projet digne de son attention dont les enjeux valaient de l'or. Ou du moins un trophée.

Mon arrosoir en main, je versais doucement l'eau à mes plantes. Il ne fallait pas y aller trop fort, je ne voulais pas en abimer les pétales... Je savais bien que les jardiniers s'en occupaient de toutes façons, sauf quand ils voyaient que je l'avait fait. Et quand ce n'était pas le cas depuis plusieurs jours, ils le faisaient... Mais bon. Il allait aussi falloir que je coupe quelques feuilles, sinon, les fleurs allaient étouffer. Je partis donc prendre un sécateur et revint, commençant à couper quelques feuilles trop gênantes pour les tiges. Mais je fut arrêté par la voix de la demoiselle aux cheveux de chewing gum. Ce que je vis était... Enfin, je fus tellement surpris que je m'entaillais l'index avec mon sécateur. Je le portais alors à ma bouche pour lécher le sang qui coulait, fronçant les sourcils.

Hum. Volty' ! Viens ici ! Et va jouer ailleurs, tu déranges la miss. Bon, okay...

Face à son air implorant, je n'avais rien à répondre. Du moins, je n'y arrivais jamais. Je sortis alors Arty', afin qu'il aie un camarade de jeu. Je les regardait alors s'éloigner.

Bon, et pas de bêtises ! Sinon gare à vous deux !

Je me retournais face à la miss Ludwig, un peu troublé... Que ce soit par son air que par sa position ou sa tenue. Mais. Il fallait que je me reprenne ! Je clignais des yeux et secouais la tête. Tss. Qu'elle cesse de jouer aux aguicheuses. Les joues un peu rouges (disons que c'était la faute du soleil et de la trop grande chaleur.), je repris mon travail, lançant au passage quelques mots.

Au passage miss Ludwig... Que faites vous donc ici ?

Martha sourit intérieurement face à la réaction assez éloquente du jeune homme. C'étaient vraiment tous les mêmes. Elle avait beau essayer avec quinze spécimens différents, ils avaient beau la savoir d'Astria et éminemment supérieure, ils ne pouvaient se retenir d'agir comme des singes en rut. Non, vraiment, même s'il était étrange pour une jeune femme de courir après ses semblables, il n'y avait pas moyen qu'elle se penche davantage sur la question de traîner avec un de ces mâles en chaleur. C'était presque décevant à regarder. Elle pouvait certes toute de même noter la décence du jeune garçon qui évita de la lorgner trop longtemps, s'acharnant à retourner travailler pour détacher son attention de la jeune femme.

Lorsqu'il la débarrassa de l'insupportable polichombr, elle eut pu presque avoir une ombre de reconnaissance pour son sauveur mais il n'en était rien. Un bon dresseur et un homme responsable aurait surveillé ses créatures avant qu'une dame ne lui fasse la moindre remarque à propos de leur comportement ! Mais à l'entente de la question du petit curieux, Martha sourit de nouveau. Il n'était jamais bon de fourrer son nez dans les affaires de la Team Astria, tout le monde le savait.Il en paierait les frais avec un sacré pourcentage d'intérêt.

Se laissant retomber sur sa serviette, la dixième membre d'Astria s'étira bruyamment afin d'attirer l'attention du jeune brun sur elle. Elle s'allongea ensuite dans une pause fort bien adaptée au bronzage mais qu'elle savait également très... Distractive. Les bras au dessus de la tête, le reste du corps bien étalé à la vue de tous, elle profitait très largement de sa situation pour faire tourner le pauvre jeune homme en bourrique. Lorsqu'elle parla cependant, bien que son ton soit un peu mielleux, ses propos gardaient une cohérence qui aurait pu la rendre innocente.

"Et bien vous voyez, la serre est chaude, humide et bien exposée au soleil... Il est très bon pour le corps de rester là quelques heures tous les jours. Ca amincit la silhouette et rend la peau agréable au regard comme au toucher. Et vous ? C'est la première fois que je vous vois ici..."

Presque. De toute façon ça ne faisait que trois jours qu'elle venait ici et si elle l'avait vu avant, elle ne serait pas venue à nouveau. Elle espérait juste que l'image de son corps le ferait baver durant quelques semaines, lui rendant la vie un peu moins agréable qu'à l’accoutumée. C'était une punition digne de Martha Ludwig et s'il fallait qu'elle recommence, elle n'hésiterait pas une seule seconde. S'il s'acharnait, le jeune homme risquait de repartir de la serre en marchant comme un pingouin, c'était certain.

Je devais lui accorder ceci, son raisonnement était juste et sensé. Mais j'avais une mauvaise impression... Une intuition qui me disait que ce n'était pas tout... Mais je ne fis pas de commentaire... A son timbre, à sa voix... Je décelais quelque chose d'étrange. De bizarre. De faux. Quelques chose qui sonnait mal. Je ne trouvais pas la mélodie dans sa voix, comme je la retrouvais chez la plupart des gens... Mais elle, il y avait ce petit moins qui me faisait tiquer. Je continuais tout de même à élaguer mes bosquets, le doigt couvert de sang. Je l'entendis alors bailler bruyamment et regarda une demi seconde, du coin de l'oeil, sans même trourner la figure... Elle se mettait encore dans des positions suggectives... Mais elle ne m'aurait pas deux fois...

Si vous le dites miss... enfin, faites tout de même attention à me pas recevoir de coup de soleil... Ce serait dommage...

Je continuais alors mon jardinage, cherchant parmi mes orchidées une fleur convenable... Pendant plusieurs minutes, je cherchais... Avant de finalement trouver celle qui conviendrait... Une orchidée noire et indigo poussant un peu à l'écart... Je pris mon secateur et la coupais donc délicatement, la humais et me relevais... Cette fleur aurait sans doutes fait de nombreux jalous par sa teinte et sa rareté... Je me dirigeais alors vers le tapis de la demoiselle et lui souriait. Je lui déposais égalememt le végétal sur le rebord de sa serviette.

Enfin, prenez ceci et excusez moi pour la gène occasionnée par mon Polichombr...

Le jeune homme était poli. Trop poli même, ce n'était même plus drôle. Martha décida de retourner l'ignorer, priant pour qu'il parte rapidement afin de pouvoir retourner à son exploration. Chose qui ne se déroula forcément pas selon son plan, vu que le jeune homme, loin de partir, se dirigea dans sa direction armé d'une redoutable fleur noire. La beauté de la fleur surpris Martha qui ne s'attendait à rien de ce genre de la part d'un garçon. Etait-ce cela su'on appelait romantisme ? Mouais, c'était sympa mais était-ce vraiment utile ? Haussant les sourcils, elle se redressa en direction du jeune homme qui s'excusait pour le méprisable comportement de son pokémon. Sa voix était loin d'être agressive, juste comme une enfant qui pose une question sans vraiment attendre de réponse.

"Merci... Mais cette fleur n'aurait pas pu être plus heureuse sur sa tige ? Je suis censée en faire quoi maintenant ?"

C'était tout bête mais elle ne savait vraiment pas quoi en faire. De plus, une fleur noire contrastait avec son look très coloré et clair. Elle devrait se trouver une robe noire pour aller avec. Elle avait un idée du style qu'elle voulait mais la fleur ne tiendrait pas le coup. Elle avait l'air si fragile et sensible, comment pourrait-elle l'entretenir ? Martha voyait dans l'image du garçon un tueur de beautés. Certes elle était magnifique et sans conteste rare, mais quelle valeur avait quelque chose de mort ? Même en voyant le bon côté des choses, Martha ne pourrait que se clamer propriétaire de ce trésor au mieux quelques jours. Triste récompense. Tant pis, elle ferait avec. En attendant, le jeune homme allait devoir fournir quelques indications. S'il lui donnait une solution pour continuer à entretenir la fleur, Martha pourrait se retrouver seule propriétaire d'un véritable bijou floral, comme elle le méritait de part son statut de Narcissus et de membre de la légendaire Team Astria.

Ce qu'elle était censée en faire ? Et bien, ce qu'elle voulait. Je ne savais déjà même pas si la fleur lui plaisait, mais j'allais tout de même l'aider... Hum... Déjà, lui expliquer comment l'entretenir. Puis, si celle ci fanait, comment en faire pousser d'autres au cas où elle apprécierait le végétal. Mouais... Tout un programme en somme. Je partis chercher un vase transparent que je remplissais d'eau avant de revenir pour lui poser dedans. Hum... Une seule orchidée. Je la trouvais bien seule dans ce vase... Hum... Je repris le vase et allais chercher quelques autres fleurs, de quoi composer un bouquet.

Après tout, j'en avais tout un parterre... J'allais y ajouter trois fleurs similaires ainsi que deux bien spéciales. J'étais le seul à posséder de quoi les faire grandir, et j'avais du y consacrer des heures de manipulations et de nombreux croisements... Des orchidées noires d'encre aux pétales bordés d'un liseré d'or. Celles ci, elles n'étaient qu'à moi, et si les céder ne me faisait rien, donner le moyen de les recréer aux autres était hors de question. Je revint alors vers la demoiselle et déposais le vase près d'elle.

Même sur sa tige, une fleur finit par mourir. Autant en profiter avec soi plutôt que de les laisser en terre et être obligé de se déplacer pour voir un parterre de fleurs pas toujours harmonieux. Mieux vaut les garder et les organiser à son goût. Et puis, les fleurs ont souvent une durée de vie éphémère...

Je soupirais alors. Oui, il était bien dommage que ces fleurs si belles ne vivent que si peu de temps. Je contemplais les orchidées un instant avant de reporter mon attention à la demoiselle aux cheveux chewing gum... Je déposais un petit sachet en plastique à côté du vase et repris la parole.

Bref, cette poudre est un produit que j'ai mis au point... Il suffit de la verser dans l'eau des plantes et de les laisser six heures pour qu'elles puissent absorber tous les nutriments contenus dedans... D'autres questions ?

Je souriais tranquillement. J'espérais qu'elle aie compris du premier coup, je devais encore m'occuper de mes orchidées carmins et de celles azurées...

C'était inattendu. Déjà que Martha ne se voyait pas se balader dans tout le campus avec une simple fleur, avec tout un bouquet c'était... Inattendu. Et d'après les consignes que lui avait laissé le jeune homme, Martha allait devoir avorter sa séance de bronzage-espionnage. Quoi ? Partir ? Ca, jamais ! Pas tant qu'elle n'avait pas trouvé une piste pour ce qu'elle cherchait ! Maintenant, il fallait faire comprendre au jardinier en herbe (lolilol) qu'elle n'avait pas l'intention de partir, même pour sauver la beauté d'un truc destiné à mourir en quelques jours. En soit, ce n'était pas si difficile, mais il fallait qu'il comprenne son sens des priorités et qu'il trouve une solution. Elle, elle en avait peut être une à proposer d'ailleurs, et qui ne manquerait pas d'arranger ses affaires.

Lorsqu'elle posa la question à l'apprenti botaniste, elle eut encore une fois l'air d'une gentille fille, presque un peu niaise même. Elle n'avait pas oublié l'affront de pokémon, bien au contraire, mais un sourire et un air gêné peuvent apporter davantage de sympathie, c'était certain.

"Je vois, merci beaucoup ! Cependant... Heu... J'aimerais pouvoir rester ici toute l'après midi pour profiter un maximum du soleil avant qu'il ne se couche. Serait-il possible de mettre les fleurs dans un vase temporaire en attendant ? Vous avoir à mes côtés pour m'occuper de si belles fleurs me mettra plus en confiance."

Et c'était reparti ! Martha avait réellement l'intention de faire tourner le pauvre jeune homme en bourrique. Et ce n'était pas son air moe du moment qui allait dire le contraire. Oui si, justement, parviendrait-il à faire une bonne distraction ? En tout cas, elle serait ravie de laisser le poisseux faire le salle boulot. Elle n'avait pas envie de se salir pour maintenir en vie trois brins d'herbes éphémères.