Les apparences étaient parfois trompeuses. Motomiya Hiroshi, dans le cas présent, ne crachait pas gratuitement sur les livres ─ il leur reconnaissait une valeur culturelle et pouvait en approuver. Mais quitte à choisir, il préférerait mille fois être en randonnée avec ses pokémons à la montagne qu'entre quatre murs à décortiquer des revues scientifiques. Réprimandé par son professeur principal et mis en retenue à la demande de l'enseignant (pour ne pas avoir rendu son travail dans les temps), il passait aujourd'hui un dimanche ensoleillée à la bibliothèque centrale du campus pour la première fois de sa vie.

« Ahh... j'me fais chier. »

Il devait rendre ce devoir dans la soirée : un rapport détaillé sur un pokémon de choix, un Rattata, avec toutes les encyclopédies à sa disposition. Sincèrement, il pensait qu'il y avait beaucoup plus intéressant à savoir qu'apprendre qu'ils avaient un taux de reproduction très élevé. Il s'étira longuement et en silence pour ne pas gêner les autres étudiants. Il pouvait faire une pause, non ? Il n'avait écrit que deux pages, mais il n'y avait pas grand-chose à dire... (bien sûr que ça ne l'intéressait pas !)

Il laissa tomber sa dissertation : il reviendrait écrire quelques lignes un peu avant l'heure de fermeture de la bibliothèque. Lui, il voulait plutôt lire une bonne bande dessinée.
De retour à sa table un quart d'heure après son départ, les bras chargés de comics et mangas, il ne put retenir un : « C'est des livres comme ça qu'il nous faudrait plus ! »

Une épée grise me trancha l’épaule. La petite ligne en haut à gauche de mon champ de vision diminua légèrement. Au même moment, une main froide est passée sur mon cœur. La ligne bleue, appelée « barre des PV », est une donnée visuelle de ma force vitale. Il m'en restait un peu plus de 80%. Non, cette phrase n’est pas tellement appropriée. Je m'étais rapproché d'environ 20% de la mort ─

« Au contraire, dans ce genre d'endroit, les livres comme ça devraient être bannis. Cela est certes une forme d'art, mais cela est pour gamins ou pour des gens assez attardés. Comment peux-tu lire cette chose, tu grilles ton cerveau, bien que je doute que ça soit déjà foutu, vu que tu aimes ce genre de lecture. »

Hiroshi savourait la lecture du premier tome de Sword Art Online quand une personne casse-pied et insupportable apparut. Ramené assez violemment à la réalité, il subissait un sermon dans les règles de l'art, qui n'eut pas pour effet de le décourager. Quand elle finit sa tirade, il fronça les sourcils : « Et j'peux savoir pour qui tu te prends ? » Elle ne pouvait pas être plus âgé que lui, raison de plus pour ne pas se laisser faire.
Il referma le livre devant lui ─ il continuerait sa lecture un peu plus tard, là, il avait affaire à une peste, qui ne partirait manifestement pas de sitôt ! « C'est plutôt grand ici, va voir ailleurs ! » En même temps, son visage lui disait quelque chose, mais il ne parvenait pas à mettre un nom dessus. Il ne se doutait pas le moins du monde qu'il se prenait la tête avec un membre des astrias et tant mieux, peut-être.

« Je ne me prends pour rien. Je suis une fille intelligente qui a été dérangé par un imbécile qui crie dans la bibliothèque. On ne t'a jamais appris, qu'il ne faut pas faire de bruit par ici. » C'est qu'elle ne manquait pas d'air, en plus ! « À jacasser comme une pie, de nous deux, c'est bien toi qui en fait le plus ! » rétorqua-t-il avec agacement devant ses remarques (puis, c'était pas un imbécile !).

Bon. Il était peut-être en tort, il n'était pas sans reproche mais un « chut, moins de bruit » aurait suffi !

Elle en faisait toute une histoire et il n'aimait pas perdre son temps avec une sale mioche (méprisante et insolente). En tout cas, elle ignora royalement sa demande (son ordre ?), semblant perdue dans ses pensées. Elle reprit la parole pour son plus grand déplaisir, le fixant d'un air impérieux : « Une question, connais-tu dans cette école les astrias ? »

Qui n'a jamais entendu parler d'eux, crétine ?

« Et si je te dis oui ? » Décrits comme des chefs officieux qui remplissaient pourtant des devoirs en toute légitimité, Hiroshi ne savait pas exactement où situer les douze sur l'échelle hiérarchique de l'académie et au final, s'en fichait bien, puisqu'il se confronterait tôt ou tard à eux, individuellement, dans une conquête de leurs badges.

Pour l'heure, il attendit qu'elle lui révèle le pourquoi de sa question. Après tout, il ne voyait pas le rapport.

« C'est déjà bien de les connaître. Certaines personnes ne les connaissent pas. » Merci de ne pas me mettre dans le même sac qu'eux ! À la base, elle le critiquait. Pourquoi lui parlait-elle comme si de rien n'était maintenant ? « Et quel est ton avis sur cette organisation ? » poursuivait-elle. Elle tournait autour du pot, il détestait ça. Pourquoi lui répondre ? Il ne répondrait pas. Il avait l'impression d'être interrogé, nom d'une pipe ! « Mon dieu, mais de quoi tu te mêles !» Il emprunterait le livre lors d'une prochaine visite à la bibliothèque. Il se leva, le remit à sa place et revint à sa table en soutenant le regard de son destinataire (parce qu'il ne fuyait pas, non non, il n'avait pas de temps à perdre pour être exact). Elle n'avait pas l'air de vouloir lui lâcher la grappe, très bien ─ il partirait de lui-même. Mais avant de filer, il allait devoir expliquer à son professeur le pourquoi du comment il n'a pas pu travailler en paix... et la raison semblait toute trouvée.

« Comment tu t'appelles, toi ?» lui demanda t-il en la regardant de haut.

« ... » Il était vrai que ce nom lui disait quelque chose (un nom associé aux meilleurs résultats de l'examen d'entrée théorique obligatoire d'Alcea Rosea) et cette appartenance expliquerait son attitude critique et insultante.
Cette révélation le surprit quelque peu mais il n'avait pas peur : il était même plutôt excité. « Riley, c'est ça ? » Le seul fait de prononcer ce nom lui salissait les lèvres. « J'en ai strictement rien à foutre que tu sois de la team Astria ! » C'était quoi ? Un rat de bibliothèque ? Une p'tite intellote ? Il la sous-estimait peut-être, mais il s'entendait à ce que leurs membres... soient plus imposants.

La gratifiant d'un sourire plein d'orgueil, il se présenta à son tour : « Hiroshi Motomiya, tu ferais mieux de retenir ce nom. » Il lui manquait peut-être de respect mais il avait sa fierté et il y tenait : personne ne lui cracherait gratuitement dessus en l'insultant d'idiot. Et pour lui, la défaite était inenvisageable. En tout cas, pour le moment. Enfin ! Il ne voulait pas respirer une seconde de plus le même air qu'elle. Il quitta la bibliothèque, quand même grognon : il aurait préféré être tranquille.