Sa matinée avait pourtant bien commencé. Will était dans son lit, profitant de cette légère somnolence pour se rendre compte que ce jour de repos était bien un cadeau du ciel. Il pourrait se prélasser à souhait jusqu'à midi, du moins il avait eu cette espoir fou jusqu'à qu'un fracas s'abattit sur la porte et il se cognat presque contre le mur qui collait son matelas. Se demandant bien qui était assez dingue pour se lever si tôt un jour férié, il découvrit non sans surprise Rozenn vêtue pour affronter le climat polaire qui régnait l'extérieur. Son visage se déconfit devant cette apparition du malin et l'adolescent eut bien de la peine à comprendre la raison de sa présence devant chez lui malgré son discours. Il était vrai qu'elle avait parlé d'un remise en forme l'autre jour, mais il n'avait jamais accepté sa proposition ! Comment pouvait-il être consentant pour faire du sport ? C'était une activité tout aussi inutile que fatigante, alors à quoi bon s’essouffler pour rien ? Il aurait bien protesté, mais voilà, la demoiselle avait déjà claqué la porte lui laissant un ultimatum comme unique information. Il se tourna vers sa penderie, râlant entre ses dents :

«  La démone ! Le pire c'est qu'elle profite que je ne sois pas bien réveillé pour me faire tenir une promesse que je n'ai pas faite... »

Il rouvrit la porte quatorze minutes et trente secondes plus tard malgré ses jacassements, habillé d'une doudoune terne et du dit survêtement châtain avec un de ses sourires forcés qu'il portait à chaque fois qu'il était irrité. Juste assez tard pour qu'elle s'impatiente et trop tôt pour qu'elle puisse le châtier de son manque de ponctualité, c'était la meilleur manière qu'il avait trouvé pour se venger, du moins pour l'instant. Fi se trouvait à ses côtés, maintenant bien réveillé par l'arrivée du Ponyta, plutôt content de ce remue ménage. Maintenant qu'il était face à l'ennemi, les traits de Will se durcit et il lâcha froidement :

«  Contente ? Maintenant je peux juste te préciser que je n'ai jamais, je dis bien JAMAIS accepté une telle chose ! Je ne suis quand même pas suicidaire au point de vouloir te suivre dans tes délires de préfètes ! Mais vu que tu es là, je suppose que tu vas me menacer de je ne sais quoi pour que je vienne finalement , donc gagnons du temps. Allons faire cette foutue course, mais c'est juste par ce que je te trouve misérable, il faudrait vraiment que tu trouves d'autres à embêter ... »

Sans attendre un réponse de sa part, il commença le trajet vers le terrain de sport, traînant les pieds et frissonnant de ce vent glacial, avec son Caninos qui le suivait de près. Sincèrement il commençait à se demander si Rozenn ne venait pas d'une autre planète pour vouloir rester dehors avec un froid pareil... Il soupira de nouveau et il songea que plus vite se serait fait plus vite il pourrait retourner au chaud....

«  Alors Rozenn tu viens ou tu préfères rester planter là comme une idiote ? »

Au moins il aurait essayé un fois dans sa triste existence de faire une réplique cinglante, juste pour faire classe comme dans ces dessins animés. Il avait échoué monutalement, mais au moins il avait réussi à la bloquer quelques instants et même s'il était maintenant à terre, il était plutôt heureux d'avoir mis son amie en échec momentanément. Fi avait essayé de prendre la défense de son maître, mais il savait très bien que s'il la mordait, il en subirait les représailles de l'adolescente au cheveux d'encre. Will la regardait d'en bas, ronchonnant à moitié à cause du choc et aussi que sa fierté avait pris un coup parce qu'il se faisait malmené par une personne bien plus petite que lui. Mais il savait très bien que Rozenn était bien la plus forte personne qu'il connaissait alors finalement le jeune homme ravala son égo en se relevant, n'écoutant à moitié ces leçons de moral qui l'agaçaient. Il connaissait déjà son discours par cœur et il prit air las de toutes ses réprimandes.

«  Tu te prends pour ma grande sœur ? Si ça t'embête autant tu devrais faire comme toute personne normalement constitué, c'est à dire PROFITER de ton jour férié pour dormir plutôt que vouloir te geler dehors. Mais puisqu'on est là faisons ton échauffement.... »

Toutefois un rictus transparut sur ses lèvres, parfaitement conscient que si elle n'était pas là, il ferait probablement rien de ses journées. Il détourna son regard, ayant assez de voir cette figure de dictatrice et s'échauffa grossièrement, tellement peu habitué à faire du sport. Bien entendu il se retournait de temps à autre pour voir quels mouvements il devait exécuter, mais son visage affichait une mine bien peu motivé, comme toujours. Fi tournait autour de lui comme pour lui demander ce qu'il était en train de faire, le fatigant encore plus. Cela ne se voyait pas qu'il tentait d'éviter sa mort par hypothermie en faisant cette danse bizarre qui demandait à mobiliser une bonne partie de ses muscles ? Il se concentra d'avantage sur ses jambes, pour éviter la crampe en pleins milieu de l'exercice et donc se faire taillader par Rozenn, et quand cela fut fait il soupira. Pourquoi finissait-il toujours par lui obéir ? En y réfléchissant, cela devait sans doute être la peur qu'elle le réduise en pâté qui devait à être l'origine de cette soumission. Les yeux d'ambre du jeune homme se tournèrent vers la position approximatif des terrains de sport. Il devait bien y avoir deux kilomètres à vol de Roucoups. Désespéré il marmonna :

«  Pourquoi courir jusqu'à là bas ? Il ne serait pas plus facile d'y aller en marchant, avec ce froid il doit surement y avoir du verglas... Remarque avec tes yeux d'abomination, je suis certain que tu peux faire fondre la glace avec ton regard.. »

Et là, avec son fidèle pokémon, il se tapa une accélération digne d'un sportif pour sauver sa peau. D'ici quelques mètres, Ponyta ou la démone le rejoindrait et le massacrerait, c'était une certitude, mais quitte à mourir autant que ce soit après une course poursuite épique non ? Il aurait vraiment dû se taire, comme toujours...

Inspirer, expirer, tout ça pour essayer de calmer son rythme cardiaque et sa douleur sur le côté. Foncer comme un forcené n'était pas vraiment une bonne idée, surtout que Rozenn avait fini par le rejoindre avant même d'être arrivé à destination. L'écharpe entre ses mains, il regardait son amie et Ponyta courir, grinçant des dents. Comment pouvaient-elles avancer aussi aisément ? C'était un mystère qui restait de taille, toutefois il lui faudrait la remercier pour l'avoir aidé à tenir jusqu'au terrain. C'était un comble quand même, surtout qu'à la base il ne voulait pas du tout venir, mais même s'il avait une mauvaise langue, l'adolescent savait reconnaître quand il devait rendre grâce, sans doute. La demoiselle continuait ses tours, alors que le froid s'intensifia avec la brise glaciale. Will se frotta les bras, songeant à suivre le conseil de la jeune fille et reprendre la course. Mais il voulait encore profiter de ce moment de pause qui ne se reproduirait pas. Voyant que son maître peinait, Fi se colla à ses jambes pour le réchauffer. Le jeune homme laissa transparaitre un léger sourire, ému par le dévouement de son compagnon. Il s'accroupit et il lui caressa affectueusement la tête, murmurant dans un souffle :

«  Maintenant ca va mieux donc ne t'inquiète pas. Ce n'est pas cette sorcière qui va m'achever, tu sais n'est-ce pas mon beau ? »

Mais déjà la démone lui fit de le rejoindre et cette fois il obéit docilement, n'ayant pas d'ajouter un argument de plus pour qu'elle le torture dans les vingt-quatre heures qui venaient. Peu à peu, il parvint à caler son rythme à celui de la préfète et l'entrainement commença vraiment, à la manière d'un devoir bien trop ennuyeux. Il resta silencieux pendant les dix premier tours, essayant de se concentrer sur son souffle. Son Caninos le suivait de près, tentant de temps à autre des accélérations pour que Will et lui fasse la course, mais en vain. Toutefois, le garçon ressentit une certaine nostalgie face à cette neige qui entourait le terrain. Unys devait bien être sous cette poudre de cristal elle aussi...

«  … Tu penses que nos parents piochent déjà dans les réserves de bois ? Je me rappelle encore quand tu as voulu faire un match et que la pile de troncs d'arbre est tombée à cause de moi. Cette fois là aussi tu m'avais aidé d'ailleurs, quoique tu m'avais remontée les bretelles ... Je ne t'ai jamais remercier à cause de tes réprimandes... »

En y réfléchissant leurs combats avaient toujours animé ses journées dans cette montagne de malheur. Soudainement, Will trébucha, pas doué comme il était, mais la chute fut évité de justesse. C'était ça de parler en courant. Toutefois il se permit une dernière phrase, pour se débarrasser de ce devoir ancien comme un vulgaire déchet.

«  ...Merci pour cette fois là et aussi pour tout à l'heure,mais ne prends pas la grosse tête, sans notre lutte ou cet entraînement rien ne serait arrivé, alors c'est quand même de TA faute au final... »

Et il se tut enfin, essayant de supporter cette douleur dans les genoux pour essayer de tenir la cadence. Au moins il avait été franc, si on lui avait laissé suivre sa vie de paresseux, jamais il n'aurait à remercier un monstre pour une seconde de pitié...

Brusqué par cette tape amical, Will fixa Rozenn comme s'il avait vu un fantôme. Il venait probablement de rêver, mais il avait eu l'impression que cette diablesse sans cœur fut émue par ses mots. Remarque, il était vraiment très rare qu'il la remercie, simplement parce qu'il redoutait de la voir s'habituer à ces politesses. Elle serait d'avantage rassurée dans ses choix et elle viendrait l'embêter encore plus avec ses délires de coach santé, ce qu'il ne voulait surtout pas ! Il tenait à sa paresse après tout...

Cependant, le défi qu'elle prononça se mit en marche, déjà la demoiselle aux lunettes accélérait et les deux pokémons sa suivaient avec cette flamme de compétitivité. Avec un peu de retard, l'adolescent soupira et augmenta sa cadence de ces pas à la manière d'un crescendo parfait. Peu à peu son cœur devint épileptique et il eut l'impression que ses pieds ne touchaient plus le sol tellement il allait vite. Il n'avait plus froid et il en oubliait presque que s'il était là, c'était simplement parce que sa camarade l'avait convoqué de force. Une douleur lancinant s'installa dans ses jambes pourtant il ne ralentit pas, car pour la premier fois depuis longtemps il sentait vivant. C'était ce que devait ressentir les pokémons quand ils couraient dans les plaines sauvages, le vent les giflant avec ce tressaillement qui vous réchauffez le cœur. Il devrait vraiment pratiquait sérieusement le sport au lieu de faire semblant, il aurait sans doute bien plus de satisfactions. Mais voilà, quand l'effort serait terminé il lui faudrait retomber sur terre, comme toujours...

Car même s'il se dépassait, Will ne put rattraper son amie. Quand il dût s'arrêter devant elle, ses jambes vacillèrent avant de le lâcher, provoquant sa chute sur le bitume. Il haletait et ses membres tremblotaient, sous l'inquiétude de son Caninos. Il en était sûr, ce moment de bonheur n'était que pour le narguer avant que tout son corps soit ankylosé par l'acide lactique. Il parvint à se lever non sans difficulté, se tenant contre la rambarde qu'il devait rejoindre. Il ferma les yeux, tentant de calmer son cœur et il articula amèrement :

« Tu veux vraiment me tuer … J'ai l'impression qu'on me plante des couteaux dans les jambes à cause de ta stupide course ... »

Il rouvrit les paupières et zieuta la préfète qui se trouvait à côté. Le froid se faufilait dans ses vêtements, pourtant il tenta de ne pas trop frissonner, de peur que sa souffrance s'amplifie. Après un moment de silence il leva la tête au ciel et lâcha avec une certaine tristesse.

« Avec toi je ne suis même pas sûre de pouvoir revoir pas famille … En plus à ces vacances ma sœur revient... Tu devrais la rencontrer, elle est bien plus vive que moi... »

Sa voix teinté de mélancolie, il ne pouvait pas nier que ses proches lui manquait. Même si cette école avait un bon climat, il ne réchauffait pas de cette solitude des hommes qui sont loin des siens...

Peut-être était-ce la fatigue et le froid qui lui faisaient parler de sa famille, du moins il se sentait étrangement vide, accroché à cette minuscule barre de fer. Il s'était toujours dit que les autres n'avaient pas vraiment besoin de savoir ce qu'il ressentait vis à vis de cet éloignement, surtout que c'était lui qui avait décidé de venir à l'académie pour fuir le climat montagnard de son village. Mais il n'était pas différent des autres, il aimait sa famille et soufrait de la situation. Un instant, il se demanda si c'était aussi le cas de la démone, mais à en juger son sérieux, il la voyait mal regretter son choix. Ce n'était pas comme si c'était son cas, Mais il lui arrivait de temps à autres de souhaiter rentrer chez lui un peu plus tôt...

Toutefois, il avait été surpris de voir son amie dans l'herbe humide à son arrivée, il n'aurait pas cru que cette course l'aurait autant fatigué. Mais Rozenn était du genre à s'investir totalement quand elle faisait quelque chose, donc sa surprise n'avait pas leur d'être. Il parvint à se redresser un peu, se mordant la lèvre pour ne pas crier de douleur. Comme si cela ne suffisait pas, Fi poussait un peu sur la jambe de son maître pour attirer son attention, ce qui le fit grimacer péniblement. Les dieux voulaient vraiment le torturer …

Cependant la suite des événements devint étrange. Il sentit quelque chose lui serrer la taille et qui semblait essayer de le rassurer, alors qu'il n'en avait pas vraiment besoin. Il lui fallut bien quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait de Rozenn et il fut figé devant cette vision. Pourquoi faisait-elle ça ? Il n'avait pas besoin qu'on lui remonte le moral, surtout que cela lui rappelait affreusement les étreintes de son idiote de sœur, sauf qu'à l'époque il ne pouvait voir que son pull. De ce côté là, la demoiselle ne faisait pas le poids, c'était elle qui disparaissait dans son ombre, pourtant c 'était bien Will qui se sentait comme un bambin qui recevait un câlin de son aînée. C'était peut-être à cause de cette étrange sentiment de nostalgie qu'il ne s'en dégagea pas. De sa main libre, il hésita à la toucher, puis finalement il lui tapota gentiment la tête comme prévu, avec son expression neutre habituelle.

«  … Toi aussi tu vas les revoir, ne fais pas comme si tu vas rester là pour ces vacances... »

Il ne voulait pas abuser de cette étrange compassion qu'éprouvait la démone en cet instant précis. Le jeune garçon ne désirait pas qu'elle le voit comme une chose à protéger et à ménager, comme son étourdie de sœur . Car au fond il avait toujours voulu être sur un pied d'égalité avec les autres et surtout avec ses amis...

Mais voilà, cette parenthèse singulière se finit par une incitation à courir. Il reprit son visage fatigué, la fixant bien droit dans ces orbes d'un argent sombre. Elle croyait vraiment que cela allait suffire à le convaincre ? C'était un peu naïf de sa part, mais la connaissant, la préfète allait probablement le menacer. Il soupira et reprit en lâchant enfin la barrière :

«  … Tu crois encore au père Noël à ton âge ? Je suis pas fou au point d'accepter n'importe quoi après quelques mots gentils. Je veux bien te concéder un jour de la semaine ; mais c'est surtout que Fi n'arrête pas de mordiller la jambe pour recommencer que je peux accepter cette torture... »

On avait pu voir un instant le visage devenir aussi blême que les nuages qui traversaient le ciel. L'idée de devoir se lever plus tôt le premier jour de la semaine l'horrifiait du plus haut point, mais il sentait que s'il négociait il le regretterait plus que jamais. La démone serait capable de rendre les entraînements plus durs pour son insolence. Il zieuta Fi qui semblait bien joyeux devant le Poffins que lui offrait sa camarade. Il était vrai qu'il ne lui en avait jamais fait goûté. L'adolescent lui préparait des friandises assez singulières quand il avait accès à la cuisine, alors il était très probable que son Caninos croyait que Rozenn lui proposait un jeu. Il laissa échapper un rire jaune, désespéré par la naïveté de son fidèle compagnon. La prochaine fois il lui ferait comprendre qu'il pouvait croquer dans ses étranges mixtures. Il fit quelques pas vers son pokémon, pour ne pas dire qu'il titubait jusqu'à lui. Finalement son fidèle ami compris qu'il faillait croquer dans le Poffins au lieu d'attendre la Lune violette. C'était déjà ça de moins à lui apprendre...

Maintenant à sa hauteur, Will passa ses doigts dans la fourrure de son ami à poils et en fixant Rozenn, se demandant ce qu'il y avait de si intéressant de regarder le ciel. Peut-être que la démone allait invoquer la pluie, ou bien la neige vu comment il tremblotait. Elle en était capable, ses cheveux de jais ne pouvait que prouver son appartenance aux sorcières. A ses pensées il soupira, se rendant compte à quel point il était exténué. Même si la préfète était une persécutrice, elle restait quand même l'une de ses rares amis paradoxalement. Bah elle devait réfléchir à ses responsabilités de préfets ou quelque chose qui faisait d'elle une personne sérieuse. A cette pensée il mobilisa ses jambes encore douloureuse avec des petits sauts. Il ne comprendrait jamais ce besoin de se remplir de devoirs divers, après tout il restait un flemmard dans l'âme....

Enfin la demoiselle annonça qu'il restait une heure avant les cours et donc leur départ imminent. A ses mots il appela Fi à l'odre et attendit qu'il s'assit pour placer sa dernière tentative de suicide de la matinée.

«  Tu crois que j'ai besoin de ton accord pour agir ? Il fait vraiment trop froid, si on ne se grouille pas on va devenir des statues de glace... Je rentre!»

Sans attendre une réponse il tourna les talons et il se dirigea vers le chemin qui l'emmènerait vers les pavillons, suivi de près de Fi. Toutefois la fréquence de ses pas restait faible, comme s'il attendait que sa camarade la rejoigne. Il jeta un regard derrière lui dans un souffle et de son visage ennuyé, il ajouta avec lassitude :

« Et c'est d'accord pour Lundi, je n'ai pas envie de me faire tuer par une démone dans ton genre à cause d'un simple refus.»

Etait-il maso ? Mais après tout Will ne pouvait pas nier qu'il aimait bien l'embêter par simple esprit de vengeance, et aussi pour lui faire comprendre qu'il ne se laisserait pas tout le temps faire accessoirement . Après tout c'était de sa faute s'il avait l'impression d'être un oiseau tropical au pôle Nord !

Will avançait doucement sur le bitume, laissant le froid s'infiltrer sous ses nombreuses couches de vêtements, légèrement impatient. Il n'aimait pas spécialement prendre son temps quand il s'agissait de rester dehors en pleine hiver, pourtant il ne pouvait pas se résoudre à accélérer, du moins pas tant que Rozenn ne le rejoigne. Même s'il n'arrivait pas forcément à être franche avec elle, il pouvait cependant céder ses quelques gestes comme preuve d'amitié. Il ne pouvait pas simplement faire comme tout le monde et proposer de rentrer directement au lieu de mourir de froid, simplement parce qu'il ne voulait pas qu'on ait l'impression d'être important pour lui. C'était puéril, mais notre adolescent avait décidément du mal à ne pas considérer les autres comme des menaces. Même s'il adorait la préfète, il ne pouvait pas nier qu'elle était bien trop stricte pour un flemmard comme lui...

La demoiselle l'avait rattrapée, prenant la place que Fi lui laissa à son arrivée. Le caninos avait tellement l'habitude de ce schéma qu'il n'avait pas vraiment besoin de réfléchir pour comprendre la situation. Il était en quelque sorte le gardien de la place de Rozenn, même si son maître ne se rendait pas compte de ce détail. Elle semblait ravie d'être nommée démone, comme fière de sa méchanceté. Pourtant quelque chose agaçait notre jeune garçon, un sentiment qu'il ne reconnaissait pas. Peut-être avait-il eut l'impression que le sourire de sa meilleure amie était entachée par une tristesse trouble, comme si ses mots avaient finalement réussi à atteindre cette déesse des Responsabilités. Mais il n'eut pas le temps de lui demander que déjà elle partait devant avec la Ponyta qui avait suivi son signal. Et là quelque chose d'exceptionnelle se produisit dans cette île perdue...

Ce n'était pas ce qu'il avait désiré. Il n'avait jamais voulu la poursuivre, mais ses jambes étaient parties toutes seules à sa poursuite. Fi ne comprenait pas non plus et il galopa comme il put derrière, jappant avec force. Will courait d'une cadence effréné, tentant cet ultime sursaut de volonté pour rattraper l'ombre qu'il poursuivait. Pourquoi ? Il n'avait juste pas envie de perdre quelqu'un d'important pour lui encore une fois. Sa sœur l'avait déjà laissé derrière elle, suite à une de ses millièmes critiques. Il ne sut jamais si son départ était vraiment du à ce qu'il lui avait dit ce jour-là, mais au fond il redoutait que ce soit le cas et qu'il n'avait jamais pu s'excuser. Quelque soit le nombre de lettres qu'elle envoyait, il n'était pas vraiment facile de lui répondre à un dresseur itinérant et puis il n'avait jamais eu le courage de lui demander la vérité. «  Tu ne sais même pas faire attention à un verre d'eau ! Tu ne pourrais pas survivre si nous n'étions pas là ! Tu n'es qu'un poids pour Papa et Maman... » Ces mots durent raisonnaient encore dans sa tête, lui permettant d’accélérer encore malgré ses genoux douloureux. Il avait été idiot, il ne lui avait jamais dit qu'il l'appréciait, qu'il était quand même un peu heureux qu'elle était sa grande sœur même si elle était casse-pied . Il n'y pouvait rien si l'image de Rozenn et de Kelly s'entremêlait dans cette fuite, peut-être à cause des regrets d'enfant qu'il ne put oublier. Par miracle, il parvint à attraper le bras de la démone corbeau, permettant ainsi l'arrêt de cette course miraculeuse. Il était exténué, son cœur pulsait irrégulièrement, mais au moins il avait pu l'atteindre...

« Je... Tu ... Le... Du...»

Mais pour lui dire quoi ? Will avait oublié ce léger détail. Il se sentait idiot, idiot de lui avoir couru après pour une supposition fausse, idiot d'avoir cru qu'elle était sur le point de l'abandonner comme son aînée. Il ne pouvait certainement pas lui dire, ce serait encore plus honteux...

« … Du thé... Ca ne te dirait pas de se réchauffer devant un thé avant d'aller en cours ? Tu sais j'ai reçu une théière électrique dans mon dernier colis, donc ce serait une occasion de la tester... Et puis mes parents ont envoyé des gâteaux, ce serait bête de les manger seul....»

C'était la pire proposition qu'il aurait pu faire. Quelle idée d'inviter la démone à déjeuner avec lui... La connaissant elle allait encore être énervée de voir son manque totale de rangement si elle ne remarque pas les assiettes de la vieille encore sales dans l'évier. Mais c'était tout ce qu'il avait pu trouver pour prétexter ses actions. De plus il n'avait pas encore mangé et un peu de compagnie rendrait son repas un peu moins monotone..