Je bâille. C'est pas que chuis blasé. C'est juste que j'viens de me réveiller. Chuis encore affalé sur mon pieu, à moitié sous la couette après une nuit agitée. Hey, j'ai pas baisé! C'est juste que j'ai mal dormi. Je sais même pas pourquoi d'ailleurs. Et j'ai pas qu'ça à foutre de me rappeler le pourquoi du comment. Surtout si c'est encore pour une histoire de cul qui c'est mal passée. Je cherche mon phone à tâton. Je l'attrape sur ma commode de nuit. Je vérifie l'horaire. Presque neuf heures du matin. Je soupire, je me redresse. J'entre-aperçois de faibles rayons toquer aux carreaux. Je me lève enfin, j'ouvre les volets, me protégeant instinctivement de la lumière qui agresse mes prunelles émeraudes. Une fois que c'est fait, j’ouvre légèrement la fenêtre pour aérer la piaule. J'file à la douche pour sortir complètement du brouillard. Rien à r'dire, ça fait vraiment du bien dès le matin de sentir l'eau couler sur mon corps. Fraiche, délicate, vivifiante.

J'en sors après plusieurs minutes passées dessous. Serviette autour du torse, je la remonte à mes cheveux pour m'essuyer et me sécher partout ensuite. Je me dirige vers mon armoire où j'ai stocké une masse impressionnante de fringues. Aller hop, calbut, chaussettes, pantalon blanc, T-shirt bleu nuit. J'enfile le tout, tripote mon ras-de-cou dont je ne me sépare jamais, je place mes lentilles sanguines et c'est fini. J'mets ma ceinture, je chope mes pokéball, mon portable que je glisse dans ma poche. Je fais le tour de la pièce d'un regard. Bon bah j'ai rien oublié. Ma veste immaculé, j'fous mon sac sur mes épaules et j'me casse de ma piaule. Direction le réf' pour grignotter quelque chose avant de commencer la journée. Une fois que j'ai quelques chose dans le bide, j'remballe le plateau, j'me tire de la cantine, pas de cours avant lundi, mais je sais que la bibliothèque est ouverte. Je soupire, j'ai envie d'insulter les abruties qui passent devant mwa en me dévisageant comme une bête curieuse.

Je parcours les couloirs, dévale les escaliers, change de bâtiments avant d'arriver enfin à la bibliothèque. Qu'est-ce que j'viens foutre là hein? J'ai besoin d'infos complémentaire sur la légende du Léviator rouge. Et je n'abandonnerai pas tant que je ne serai pas assuré de tout ceci. J'vais mettre à mort le mythe, et j'vais leur montrer à tous ces crétins qui en rigole. Je serai le premier à capturer le Léviator rouge du Lac Colère. Je connais le chemin jusqu'au livre consacré à ce chapitre. Je l'attrape, m'adosse sur l'étagère derrière moi, pose mon bag au sol et je commence à feuilleter l'ouvrage. J'ai beau lire, et réfléchir à ce qui est marqué, hormis témoignages et études foireuse, je ne trouve rien d'intéressant. Y'a rien dans c'foutu bouquin! J'ai pas le choix, faut que j'me tourne vers la réserve, mais il va me falloir une putain de bonne excuse pour y accéder. 'Fin pour moi, mentir peut se révéler comme une seconde nature.

Je m'apprête à ranger le bouquin lorsque j'entends une voix. Je me retourne pour voir d'où elle provient. Déjà que j'ai rien pigé, mais en plus quand je vois qui vient me parler, c'est limite si j'flippe pas. Une gonzesse, habillé comme si elle sortait de sa cambrousse. Vache, t'as été trainer dans les hautes herbes ou quoi? Pis qu'est-ce que tu m'veux? Pourquoi tu m'regardes comme ça en souriant comme une bécasse. Tsss, j'ai pas le temps. Je range le bouquin et je te réponds tout de même sans t'adresser un mouvement de rétine.

J'passe pour un gros asocial? Et alors? Je suis asocial! J'ai un sale caractère, chuis casse couille, bref, je ne compte pas changer.

Sérieux, c'est bien ma veine. J'vais pas en cours, ça m'évite de croiser les têtes de glands habituelles et forcément, j'tombe sur un cas isolé. Putain quel bordel. Déjà qu'elle est sapée comme à la cambrousse, mais en plus de ça elle parle comme une campagnarde. Une pov' cloche de la cambrousse des pieds à la tête. Elle s'exprime comme une vache espagnole. J'comprends que dalle à c'qu'elle baragouine en plus. Et elle semble convaincue d'être à fond dans le juste. J'aime pas les paysans. Leur linguistique pourrie leurs manière de pecnauds, bref, y'a rien du tout à leurs envier. Toutefois, je prends quelques secondes pour te dévisager. Faut dire que t'es pas si mal. Un peu plus p'tite que mwa, mais j'aime beaucoup tes yeux sombres comme le charbon, assortis à tes cheveux de couleur ébène. Concernant les courbes, y'a du potentiel. Au moins c'est pas démesurés et coulant. Équilibrée je dirais, et c'est pas plus mal. Tu passes pas pour un écrémeuh de cette façon.

Je remonte mes iris qui s'arrêtent un moment sur tes ourlets de chair qui bougent. T'es enfin décidée à me redire ce que tu voulais. D'une voix un peu plus audible, j'entends ta demande. Le gros souci, c'est que dans ton dialecte de campagnarde, j'pige que dalle. J'explose de rire. J'peux même pas m'retenir tellement tu m'fais marrer avec ta tronche, la tête penchée sur le coté, ce p'tit coté timide. Bwahahaha c'que t'as l'air cruche! Et le p'tit s'il te plait en bonne soumise. Tsss, décidément, toi tu m'fais bien marrer. J'crois que j'ai trouvé le bon poichigeon qui va devenir mon souffre-douleur attitré. Je ne tais pas mes éclats, ce qui semble te mettre mal à l'aise.

Je me tiens les côtes, tellement j'me fends la gueule. Je tente tant bien que mal de cesser mes moqueries. Une fois remis de mes émotions je me remets à tâtonner l'étagère pour en sortir le bouquin que j'venais de ranger quelques minutes plus tôt. Je reporte mon attention vers toi et je te tiens l'ouvrage en te questionnant.

Je te tends le bouquin que j'avais dans les mains. J'ignore ce que tu comptes en faire. Et c'est justement pour ça que tu m'intrigues. Les recherches sur le Léviator rouge du Lac Colère, c'est mon truc, mon rêve, mon ambition. Qu'est-ce qu'une pignouf campagnarde dans ton genre foutrait des informations qu'elle pourrait y trouver d'intéressant. Bordel, ça m'intrigue, mais une chose est sure, tu trouveras que dalle là dedans. J'hésite à te le dire, et tu me prends de vitesse. Tu te répands en excuse, tu te confonds, persuadée que c'est d'ta faute. Bah, c'est qu't'as raison en plus. Si tu pouvais articuler quand tu parles, j'pense que ça faciliterai grandement la communication. Et aussi... Tu peux pas parler du sujet au lieu de partir dans ton putain de délire? J'pige que dalle maintenant! Pourquoi tu m'parles de langage des signes maintenant? Le seul signe que j'vais t'faire c'est un bon fuck bien placé. Tu vas voir c'que c'est que le langage des signes ouais!

J'me dis qu'il vaut mieux que je ne réponde pas. Pis de toute manière, même si je voulais le faire, les regards insistants d'une bande d'abrutis finis commence à me gaver. Je t'observe un court instant, puis dévie mes prunelles vers les mécontents. Ta seconde intervention me laisse de marbre pendant quelques secondes. Tsss, si j'pige bien, tu poursuis la même légende que moi. Bon, laisse moi un moment, le temps que je renvoies ces débiles reprendre leurs activités. J'exhibe mon majeur dans leur direction et je les envoie chier à haute et intelligible voix.

Clair net et concis. Ouais, chuis des Narcissus, et j'm'en cache pas. J'ai un sale caractère, une tendance à la prétention, à monter rapidement sur mes grands chevaux quand on s'débrouille bien pour me souler. So, ça c'est fait. Je te chope par le bras, je ne te laisse aucunement le choix de partir. Je lâche dans un souffle en t'amenant avec moi dans un coin plus reculé de la bibliothèque.

Je t'observe du coin de l'oeil par dessus mon épaule. Ma paume enserre ton poignet. Tu serres l'ouvrage contre ta poitrine, tes yeux encore écarquillés sous la surprise, j'ai l'impression que tu réalises pas encore c'qui t'arrive. Tant pis, j'ai pas envie de t'expliquer ou d'me prendre la tête avec les détails. Une fois éloigné du troupeaux de blaireaux qui sillonnent ce lieu, je te laisse dans un coin, mes rubis inquisiteurs posés sur ta personne. Je te dévisage, je te questionne. Mon ton est dur, mais je n'y fais pas gaffe. Je veux des réponses et c'est tout.