Elle se faufilait, adoptant l'attitude la plus fantomatique possible, à travers la horde d'étudiants matinale, bien que ce jour fut un jour de congé, pour tous. Armée d'une seule et unique Pokéball, son visage marqué par une inexpressivité totale. Tout témoin jurerait sur la mauvaise humeur apparente de la demoiselle ; elle qui, habituellement, offrait un sourire poli à ses confrères Narcissus, en guise de salut. Que nenni ; elle ne voulait tout simplement pas se faire suivre.

Ce jour-là était le jour de la cueillette. Les yeux perdirent sa silhouette, au loin, au détour d'un pont du pavillon des Spiraea.

Le jardin nippon des justiciers était un havre de paix fleuri, véritable coup de coeur qui sut la marquer lorsqu'elle était encore une rouge. Coin calme, très bien entretenu, dôté d'une source fraîche dont l'écoulement apaisait les esprits. Un endroit parfait. La Narcissus brandit alors sa Pokéball, puis en laissa sortir le contenu.

Le fantastique Méganium à la couleur dorée salua sa dresseuse, venant lui donner un petit coup de tête affectueux. Sa main le lui rendit, donnant une légère caresse à son Pokémon, tout en lui faisant signe de faire le moins de bruit possible, avant de se diriger dans un coin un peu plus reculé des jardins, à l'abri des regards.

La créature, détendue, dorait au soleil sur une pelouse verte et douce. La jeune femme avait disposé plusieurs petites fioles sorties de son sac, juste en dessous de ses pétales. Le pollen du Pokémon était de meilleure qualité, lorsque celui-ci se sentait bien. Les yeux végétaux de la jeune femme scrutaient les points de fuite du jardin, de façon plutôt nerveuse. L'utilité de cette poussière naturelle ? Regardez-donc votre Pokédex. Puis concluez.

Il lui sembla entendre un bruit, au loin. Tapie au creux d'un buisson, sous l'ombre d'un cerisier. Le Pokémon, appréciant les rayons chauds et agréables de ce soleil doux, se mit à songer, yeux clos. Continuant de pollenniser le sol. Le regard du préfet demeurait stable, et à l'affût, oreille tendue. Seule la respiration de sa créature ponctuait le silence alentours. La jeune femme se mit à soupirer. Peut-être devenait-elle un peu trop paranoïaque. Elle sortit donc sa boîte à tabac métallique, puis commença à sortir une feuille.

Mais elle avait le sentiment de ne pas être seule. Etre trop observée pourrait s'avérer facheux, non ? Quoiqu'il en fut, Moonrip n'eu pas l'air de s'en préoccuper plus que ça, ce qui signifia que l'individu n'avait rien de méchant. Roulant sa cigarette avant de la coller délicatement d'un léger coup de langue, elle la porta à son bec puis se l'alluma, paupières closes, savourant le met nocif. La jeune femme se mit ensuite plus à l'aise, s'allongeant aux côtés de son Méganium, levant ses iris de jade vers le ciel, dont l'azur était tâcheté de quelques nuages massifs et bas.

Elle esquissa un léger sourire, puis tenta le tout pour le tout.

« Le voyeurisme est une tare. »

Peut-être passera-t-elle pour une folle auprès d'une personne imaginaire. Ou alors, peut-être frappera-t-elle dans le mille. En tous cas, c'était lancé.

La chance lui sourit alors. Un bruit sourd, aquatique, se fit entendre à proximité ; accompagné de pas rapides et de remous vifs, ainsi que de petits cris de plaintes d'un Pokémon apparemment sensible à l'eau. Elle fut surprise de constater que cette sensation d'avoir été observée se révélait véridique. Mais, ne s'attardant pas davantage sur cette coïncidence, elle redressa son buste, essayant de voir ce qu'il se passait, derrière les broussailles. Le Méganium releva sa tête, attentif, ayant été alarmé par l'agitation. L'intrus fut alors dévoilé au grand jour, tandis qu'il séchait un Sabelette encore déstabilisé par sa mésaventure.

Il s'agissait d'un homme dont la vue ne lui était pas totalement inconnue. Un Spiraea, qu'elle devait avoir surement déjà croisé, au temps où elle demeurait encore dans le pavillon des justiciers. Assez grande taille. Cheveux noirs, yeux sombres. Une petite barbichette caractéristique, qui l'aura aiguillée dans son identification. L'individu vint lui aussi s'allonger au soleil, prenant ses aises. Elle n'en dit rien, mais préféra aller se blottir contre son Pokémon, afin de camoufler les fioles. Tandis que le garçon répondait à sa réplique précédente.

« Il ne s'agissait pas de voyeurisme! C'est qu'il m'est rare de voir des gens de Narcissus se prélasser dans le coin. J'ai l'habitude des coups pendables. »

Son oreille écouta à moitié, ses yeux focalisés sur le Ouisticram qui s'aventura un peu trop près de Moonrip. Elle s'apprêtait à faire quelque chose, mais le Pokémon de feu fut bien vite rappelé à l'ordre. Un léger soupir de soulagement s'échappa. Elle se détendit, adossée contre sa fleur, replaçant son attention sur l'homme.

« Je m'appelle Yano Miyazaki. Voici mes pokémons, Cornetto et Masa. »

Leurs yeux se rencontrèrent par la suite. Elle esquissa un faux sourire, essayant de masquer sa fraude, tant bien que mal. Ne bougeant plus d'un poil.

« Elisabeth ... Et lui c'est Moonrip. Fit-elle, sa main venant caresser son dos. Comment sais-tu que je suis une Narcis... »

Un bruit cristallin se fit entendre. Un choc, une chute. Ses yeux se firent ronds, la stupéfaction ne lui ayant pas laissé le temps de terminer sa phrase. Elle se retourna rapidement, faisant fi du secret, constatant avec horreur ses fioles renversées dans l'herbe, une poudre dorée reluisant à la lumière du soleil. La jeune femme se recula, se pinçant le nez, tout en essuyant les résidus végétaux restés sur sa jupe. Le Méganium se releva à cause de l'agitation, observant ses pieds et son pollen, au sol.

Elisabeth poussa un long soupir, penchant sa tête sur le côté d'un air blasé. Dorénavant assise aux côtés du dénommé Yano, ayant manqué de tomber sur lui, par la précipitation. Elle lui jeta un coup d'oeil dérouté, faisant la moue. Puis sortit de sa poche un long portefeuille en cuir, employant une expression plus que déterminée.

« Allez, fais pas ton timide. Combien tu veux, pour ton silence ? Disait-elle d'une traite, cherchant désespérement des billets qu'elle n'avait plus depuis que ses parents lui avaient coupé les vivres. Oh, il devait bien lui rester des pièces, non .. »

Désespérée.

Elle perçut alors un vif mouvement de main de la part du dénommé Yano, signe que la corruption ne serait donc pas nécessaire. Un net soulagement la gagna, lui faisant pousser un long soupir. Apparemment, le bougre était même prêt à marchander avec elle ; propos auxquels elle acquiesca, docile. Chanceuse qu'elle était, de ne pas être tombée sur un Spiraea désireux de nuire à la réputation du préfet Narcissus féminin. Le jeune homme se releva alors ; ses yeux d'émeraude le suivaient, attentifs. Il ajouta.

« Tu ferais mieux de ramasser avant que quelqu'un d'autre n'ait l'idée de venir nous rejoindre. Je doute qu'une Narcissus soit bien vue, encore moins une "traître"... »

A laquelle elle rigola sans complexe, tout comme lui. Elle comprit alors qu'il la chariait. Encore heureux, après tout ; ce n'était pas comme si sa trahison avait été décidée par sa propre personne.

« Les gens se souviennent de moi à ce que je vois ... Fit-elle, souriant en coin tout en s'approchant de son Méganium et du bazar. »

Cependant, des bruits de pas l'alertèrent ; une vive montée d'adrénaline l'anima, tournant la tête vers le bruit. Elle vit alors son camarade s'emparer de sa Pokéball, laissant échapper un Ouisticram de couleur anormale, mauve. Un shiney, tout comme sa fleur. Elle était intriguée.

« Va les distraire un moment, je sais que tu en es capable. »

Le singe de flammes disparut alors au détour d'un buisson. Des petits cris de primate. Les hurlements alarmés de jeunes filles affolées. Puis le rythme rapide d'une course, s'éloignant peu à peu de leur position. La jeune femme faisait des yeux ronds, n'ayant toujours pas bougé ; étant restée à l'affût de tous bruits, concernant les évènements. Un énième soupir sortit d'entre ses lèvres.

Ce fut alors avec précaution qu'elle se chargea de ramasser le pollen, sortant une petite pelle de son sac. Dos au garçon.

« Vu tout ce que tu es en train de faire pour moi, la première offre sera gratuite, je pense. Puis, des explications disais-tu ? ... »

Elle se tourna légèrement vers lui, le fixant. Que pouvait-elle bien lui dire.

« Je ne peux pas vraiment t'en fournir. Mes parents ne m'envoient plus d'argent, donc je me débrouille comme je peux. J'ai un autre job, mais disons que ça, c'est du bonus. »

Honnêtement, elle n'avait pas été assez modestement élevée pour que sa paie puisse subvenir à ses besoins de jeune princesse gâtée. Elle le reconnaissait bien, mais n'assumait que très peu. Obligée d'acheter son tabac, d'aller faire son shopping hebdomaire, et de ne consommer que des produits de marque. Egalement scandalisée de devoir payer les potions de l'industrie de son père, qui ne lui envoyait désormais plus rien.

Oh, elle retiendra toute plainte. Sauf si l'on y invite.