Je suis en train de digérer mon repas. Je traine des pieds pour aller en cours du moins presque. Il y a un nouvel enseignant dans les bâtiments d’Alcea Rosea. Je me demande comment il se comporte avec les élèves de mon groupe, de mon genre à afficher clairement qu’on ne fiche pas grand-chose. J’espère juste ne pas être déçue et pour m’amuser. Je m’installe et étrangement pas au fond. Ce n’est pas mon habitude. J’ai beau rarement travailler, je reste attentive aux cours. Paradoxe quand on connaît mes attitudes en classe. Mais bon j’aime jouer sur les apparences ne pas montrer qui je suis réellement vis-à-vis des personnes que je ne connais pas. Je ne suis pas une miss m’as-tu vu. Voilà pourquoi, je déballe mes affaires sur ma table et commence à faire des boulettes de papiers avec des tracts de clubs que j’ai reçu. Je suis au deuxième rangée et je débute des lancers de boule de cellulose vers la corbeille. Seul le premier lancer rate sa cible. Je me lève pour remettre le tract vagabond avant de retourner à ma place quelques secodnes près de l’arrivée du professeur Kyle Scotfield.

J’arrive à peine à poser mon arrière-train sur mon siège que je sens son regard à travers la pièce. Tiens, m’aurait-il dans le collimateur ? Surement. Bof, j’hausse imperceptiblement des épaules, impatient de voir ce qui va se passer. Et bah je ne suis pas déçue. Partagée entre l’envie de lui répliquer mon avis sur ses mots et sa légère condescendance vis-à-vis de moi. Hum, il semble vouloir jouer au chat et à la souris. Vais-je tomber dans son jeu ? Non mais je ne peux me retenir de lui lancer un regard de défi. Soit il me prend pour une demeurée, soit il me teste cash sans préavis en essayant de briser le mur qu’a forgé ma méfiance dès qu’il s’est adressé à moi. Je lui souris, me penche à l’arrière pour me balancer sur mon siège avant de lui répondre sur un ton narquois, nullement touchée sur le fait qu’il me parle d’Aquali :

« - Il peut être à la fois un bon attaquant mais aussi un bon support dans un match si on doit utiliser plusieurs pokemons lors d’un match. Dans un milieu aquatique, il est très puissant pouvant se jouer des autres. Mais il reste néanmoins fragile quand on ne connait pas ses capacités. Capacités qui le limitent pas mal comparé à un Staross par exemple. »

Bon, je m’arrête là. Je n’aime pas réciter un cours ou dire ce que je sais. Je déteste étaler ma science comme le disent certains. J’ai beau être une Lychnis ça m’empêche pas de travailler bien que je ne fais pas plus d’efforts qui d’avoir la moyenne voir plus si la situation le demande lors des examens. Une autre question suit, bon sang j’ai être les capacités d’un Menthae mais est-ce que j’ai l’air d’un rat de bibliothèque ou pire est-ce que j’ai l’air aussi grande gueule et conne au point de perdre mes moyens face à des questions aussi basique ? Je soupire, me laissant « tomber » pour poser mes coudes sur la table gardant toujours mon sourire insolent :

« - Tout dépend de quoi elle souffre et qu’importe le pokemon. On peut utiliser divers objets comme les remèdes, des potions, mais le plus agréable pour les pokémons reste les baies et leur jus. Si possible, si le dresseur est proche d’une ville, soigner son pokemon s’il possède de quoi apporter les premiers soins et l’emmener dans un centre pokemon. C’est bon vous avez fini de me bassiner avec des questions qu’un dresseur doit connaître pour mériter de posséder un pokemon et de s’en occuper ? » Je crache, lasse de me faire prendre pour une incompétente.

Je souffle un bon coup et vivement avant de finir par une concession :

« - Par contre, je pense que vous pouvez nous apporter plus que cela et cela j’aimerais le découvrir. »

Oui j’aime apprendre par curiosité, pour ma culture et non pour les résultats d’un quelconque examen. Malgré que le professeur soit quelque peu irritable au point de me faire chier dans la colle, je pense que je peux avancer. Si je vais lui dire ? Plutôt crever.

Je tique face à la réplique qui suit. En privé ? Mais qu’est-ce qu’il raconte le compère ? Bon sang, voilà pourquoi je déteste me prendre la tête avec les enseignants ni avec leurs cours. J’ai les bases, j’ai des capacités je n’ai pas juste l’envie comme les Menthae de m’en vanter. Je fais que le strict minimum. Oui je gâche mon potentiel et alors ? J’arrive à tenir la route alors qu’il s’agit d’une école élitiste. Je n’ai pas besoin qu’on me mette sous les projecteurs. Je le fixe, interloquée et intéressée par le discours qu’il va tenir sous nos yeux. Je jette un regard à l’arrière. Certains de mes camarades, qui parcourent la bibliothèque et qui laissent traîner leur oreille par ci par là, lui jettent des regards courroucés, il semble qu’il s’agisse des Menthae et de quelques Narcissus. Les Lychnis, quand à eux offrent un spectacle quelque peu pitoyable que je ne préfère pas décrire.

Je me frappe le front légèrement alors que M. Scotfield est lancé puis j’agite la main, feignant d’ignorer les dires de mon aîné. Tout ce qu’il dit je le sais déjà. C’est une visions quelque peu utopiste mais je ne peux pas changer les mœurs bien que je sois maintenant préfète. Je ne suis pas du genre à me donner une bonne image auprès des élèves ou des enseignants. Je ne peux changer les personnes même si j’essaye au moins de faire bouger leur derch aux Jaunes, prouver qu’ils ne sont pas un groupe composé de fêtards attardés. Ils ont pu rejoindre cette école, il fallait donner le change, montrer qu’ils méritaient leur place. Oh, j’ai beau demandé, forcé, harcelé mes comparses Lychnis sont du genre je m’en foutisse. Je penserais à créer une mini dictature en y pensant…

Le contact d’un livre sur notre table me ramène sur terre mais je ne sursaute pas. Je relève les yeux vers mon enseignant. Puis sa dernière réplique surgit dans ma petite cervelle. Je pose mes coudes sur la table et repose mon menton sur mes mains entrecroisées. Je penche ma tête d’une manière quelque peu insolente sans rien dire en le fixant. Je lui adresse un sourire carnassier puis je lui prends la feuille de manière douce, polie trop polie même. Je ne pipe aucun mot et sort un crayon de mon sac de cours. Le questionnaire m’interpelle un peu mais j’y réponds sans gêne. Tout en remplissant le papier, je réponds enfin :

« - Je pense avoir prouvé que je ne suis pas celle que tout le monde croit que je suis. Je n’ai pas besoin d’en faire plus, dis-je d’une voix claire en cochant deux cases. Même si l’image des Lychnis qu’on me colle à la peau, est vrai. Nous sommes qu’une bande de branquignoles qui ne méritent pas leur présence à Alcea Rosea ou qui se prennent pour des rois depuis l’entrée en ces lieux. »

Je relève le visage, tapotant ma joue avec le crayon et tentant de réfléchir sur une question qui me fait hésiter puis je retourne dans mon travail tout en continuant à parler. J’en profite pour croiser mes jambes et adresser un doigt aux curieux qui murmurent en nous fixant. Oh je me fiche bien de la présence de M. Scotfield. On me dérange alors je le montre. Je ne m’excuse donc pas et reprends d’une voix un peu amusée.

« - Chiche. Vous pouvez m’interroger en cours, je vous montrerais de quoi je suis capable, juste évitez de toujours m’interroger tout le temps. Ca me lasserait. Si vous voulez que j’insulte mes camarades de connards glandeurs, je le ferais avec plaisir même si je le répète souvent hors cours. Je m’en fiche clairement de paraître lèche-bottes, tout simplement parce que je sais que je ne le suis pas. Pourquoi aurais-je besoin de justifier mon comportement à des personnes qui jugent les gens sans les connaître ou par jalousie ? »

Je me lève brusquement et pars m’asseoir près de lui, imitant les jeunes élèves ou mes demoiselles qui tiennent à connaître la réponse à telle ou telle question. Je ne cherche pas à provoquer, ni à prouver quelque chose. J’ai juste voulu le faire.

« - Voilà qui règle le souci de si j’ai peur d’être une vendue. Oh s’il y a d’autres rumeurs tanpis. Cela m’amusera plus qu’autre chose.» Je terminequelque peu hilare face à aux expressions faciales de certains élèves.

Oh mais qu’il est agréable dis donc. J’ai écouté son baratin et il a le culot de ne pas m’écouter ? La moindre des choses de respecter la parole d’autrui même si ce qu’il dit n’est de la bouse en boîte. Il me donne un surnom de merde en plus. Hé bah, moi qui a cru que Kyle Scotfield serait différent d’un professeur basique. Et bah non, il s’arrête à cette limite élève-enseignant, nous prenant comme si on a tout à apprendre. Je tapote doucement la table de mes doigts, croisant son regard sans rien dire, montrant une légère contrariété. Je ne sais ce qu’il pense mais il est sur le qui-vive et cela me déplait fortement. Et lui le pire professeur ? S’il en est fier tant mieux. Je m’en contrefous de savoir qui est le meilleur professeur selon une catégorie. Je préfère largement me confronter à lui que vers mon passé. Cette fois, j’ignore complètement les murmures qui rodent autour de nous concentrée et attentive. Oh je suis loin d’être sage et servile totalement gaga des paroles de mon enseignant. Je l’écoute tout simplement.

Il désigne brusquement le questionnaire et soulève un sourcil. J’ai fini son papier. Quand je fais un travail je le fais à fond et du mieux que je peux. Mon dieu, je sens que la discussion peut virer dans le rouge si jamais l’un de nous deux dépasse la ligne et il l’atteint avec sa dernière réplique. Il pense que je fais partie des cons naïfs qui se croient protégés dans cette bulle que nous accorde Alcea Rosea ? Surtout que les brimades entre élèves ne sont que gaminerie et de la gnognotte par rapport au monde extérieur. Pas mal d’entre nous élèves le savaient, juste que plusieurs ne le montrent pas préférant nier cela en plongeant dans cette atmosphère insouciante. Un truc m’étonne et me calme un peu. Son exemple a l’air précis, très précis. Je ne préfère pas m’enliser dans un sujet privé et aucune hypothèse ne traverse mon esprit, la colère d’être prise pour une chochotte occupe la majeure partie de mes pensées.

Je tends la feuille vers mon professeur sans avoir rien ajouté car sachant que je l’ai rempli entièrement. Je lui adresse un sourire narquois. Je me lève et me rassoit à ma place avec tout le charme que je possède, c’est-à-dire quasiment rien. Je fais tournoyer un crayon entre mes doigts toujours en essayant de garder le contact visuel avec M. Scotfield. J’attends un peu avant de prononcer d’une voix quelque peu blanches, des souvenirs surgissant de ma mémoire :

« - Tout le monde est con de toute manière. Con et naïf. Con mais réaliste. Con tel un arriéré. Con via une méchanceté gratuite… Tellement de cons. Je pense être dans le lot et en avoir rencontré suffisamment pour que vous n’ayez besoin de préciser ce genre de chose. »

Je m’interromps un instant, observant les rangées de livres en suivant un rayon de soleil filtré à travers l’un des rideaux de la bibliothèque. Je me tiens droite et continue un peu sans aucune animosité, sans aucune rancoeur :

« - Même si je suis encore jeune et que je n’ai pas encore assez vécu pour être catégorique. Evitez juste de tous nous catégoriser. C'est clairement chiant. Je ne veux pas me montrer narcissique mais je ne fais partie du groupe de cancres. Je fais juste à ma manière.»

J’aperçois une feuille au sol, je me baisse et la ramasse. Il s’agit d’une feuille de brouillon. J’hausse des épaules sans daigner lire son contenu. J’en fais un avion de papier et que je lance à travers la salle une fois le pliage terminé, visant une corbeille non loin de là. Alors que je suis l’envol de l’appareil de papier à travers la pièce, je prends à nouveau la parole et demande d’une voix douce, ton qui me surprit légèrement :

« - J’imagine que les élèves sont passés par ce questionnaire mais je ne vois pas pourquoi vous me parler de ce genre de choses. Il n’est pas préférable de faire cela en cours ? Etant préfète depuis peu, je connais tout de même mon rôle bien que parfois cela peut devenir un poids.»