Le crépuscule tombait sur l'horizon, où le soleil mourrait lentement en embrasant le ciel de rayons rosés, faisant rougeoyer les eaux de la mer. Un spectacle magnifique. Paisible.

L'entraînement du jour s'était bien passé, autant pour mes pokémons, que pour moi, à l'épée. Nous avions fait notre maximum. & j'avais estimé que mes compagnons avaient droit à une pause, c'est pourquoi je leur avais proposé d'agir comme bon leur semblait. Réflexion faite, j'avais choisi de m'accorder un temps de répit, & j'avais enchaîné en annonçant que j'irais voir la mer. C'était à prévoir, Martial avait souhaité m'accompagner, & Flamme avait alors préféré s'étaler sur mon oreiller, avec un regard d'excuse. J'avais donc remonté la couverture sur elle, pas vexée le moins du monde qu'elle veuille se reposer, puis j'avais pris délicatement mon précieux étui noir avant de quitter la chambre, suivie d'un petit pokémon bleu fort enthousiaste.
Voilà comment j'en étais arrivée à me tenir là, debout sur la plage face à la mer, sous le soleil couchant. Mon épée était à ma ceinture comme toujours, mais ce soir-là je ne comptais pas m'en servir. Non ce soir-là, c'était à une toute autre forme d'exercice que je comptais le consacrer. Mes yeux d'émeraude brillaient d'une lueur étrange, que je n'aurai su décrire moi-même. Mon Ptitard nageait & jouait dans les vagues, heureux comme un prince, profitant de cette pause bien méritée. Une légère brise soufflait dans mes cheveux, mais je ne m'en préoccupais guère. C'était un instant paisible, pour oublier l'espace d'une seconde tous nos tourments, nos rages & nos souffrances, pour nous offrir une seconde de nostalgie, une seconde de répit. Un instant comme il n'en existait hélas que trop peu, désormais que je n'avais plus que mes pokémons, ma lame & mon désir de vengeance.
L'étui que j'avais emporté gisait désormais à mes pieds, & mon cher violon avait pris place contre mon épaule. Le regard toujours posé sur mon ami aquatique, j'entamais un air doux & mélancolique.

De nouveau une légère brise se lève. Les vagues semblent battre la mesure, si lente & si paisible. Rien ne me perturbe. J'entraperçois Martial qui se détourne au son du violon, & cesse de bondir dans les eaux pour m'écouter, avec cette fascination qui le prend chaque fois que je sors l'instrument de son sombre étui. Mes yeux se closent sur cette image du visage captivé de mon cher têtard, & je me perds totalement dans la mélodie. Une berceuse, rendue mélancolique par les souvenirs qui y sont attachés. Mon archet caresse les cordes en douceur, mes doigts dansent agilement sur le manche d'ébène, sans que je n'y réfléchisse un seul instant. Cela m'est devenu si familier, si naturel, depuis si longtemps.

Rien ne pourrait briser l'harmonie de cet instant, pas même la voix inconnue qui retentit en un simple salut. Rien, absolument rien ne pourrait me détourner de la douceur de ce son, ou de mon violon que je redécouvre à chaque fois avec le même plaisir indescriptible. Rien, je reste imperturbable, perdue dans les affres de la mélodie, de cette seconde d'oubli. Je suis bien. Juste bien, pour une fois. Mes sentiments si terribles & contradictoires valsent avec mes souvenirs si tendres & pourtant douloureux, au son de l'instrument & de la paix du moment.

Rien ne pourrait me détourner du cher objet & de la berceuse, sinon la dernière note. & invariablement, celle-ci finit par arriver. Mon archet reste suspendu au dessus des cordes encore quelques instants, tenu par une main légèrement tremblante, si légèrement qu'il eut fallut en être tout près pour s'en apercevoir. Mes yeux reste clos encore quelques instants, contenant l'émotion qui brûle en mon être entier. Depuis longtemps, si longtemps, je n'avais plus été si calme, oubliée du temps & des mes tourments. Invariablement, ceux-ci se rappellent à moi lorsque s'achève la mélodie, &, tremblant légèrement, il me faut encore quelques instants pour atterrir.

Enfin, mes bras se baissent, au bout de chacun se trouve une part de l'instrument ; d'un côté l'archet, de l'autre le corps. Mes yeux d'émeraude se rouvrent sur l'horizon rougeoyant. Quelques secondes passent encore, & mon visage fermé se tourne vers l'origine de la voix entendue tantôt. Une jeune fille se tient là, entourée d'une Tiplouf épanouie & d'un Kraknoix renfrogné. Ses cheveux blonds volent au vent, & son regard d'océan brille d'une lueur étrange où se mêle une certaine curiosité. Un regard bleu qui me trouble sans que je ne parvienne à en comprendre la cause. Ou plutôt sans que mon esprit n'accepte de faire le lien.
Mais bien évidemment, je n'en montre rien. Solitaire renfermée que je suis.

- Bonsoir, mademoiselle.

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