Je croise les bras alors que l’interpellé me répond sagement et poliment. Je ne peux m’empêcher d’afficher une moue satisfaite face aux manières du jeune garçon mais aussi à son ambition. Mais plus il avance dans son discours, plus il attise ma curiosité tout en laissant émerger une pointe de culpabilité. La révélation du rapport de la Team Astria est toujours dans les esprits. Cela me lasse. Je sens mes épaules s’affaisser. Mon regard glisse vers Malosse sans que je ne dise quoi que ce soit. Lukas, ainsi que se dénomme le Spiraea, semble être blessé et est déterminé à se venger. Je peux comprendre, moi qui déteste les mensonges. Je retiens un rire jaune et montre plus un sourire contrit, qui ne s’efface qu’un peu face aux compliments et la remarque assez cocasse de mon camarade. Mes yeux croisent à nouveau les siens lorsqu’il termine sa réplique.

Je suis à moitié entrée dans une torpeur que seules mes pensées accompagnent. Il est trop naïf, pire que moi qui est une vraie tanche dans les relations avec autrui. Je me mords l’intérieur de la joue pour me ressaisir. Je vais l’aider dans sa recherche. Cependant, il faut, non je dois lui montrer aussi un autre point de vue. Je lui tapote l’épaule pour le dépasser et chercher dans parmi la rangée de livres près de nous pour en sortir quelques dossiers que j’ai déjà feuilleté, ceux qu’Elisabeth a vu sur mon bureau il ya de cela quelques temps. Je le tends vers Lukas et le retire de suite avant qu’il puisse même frôler les documents. Puis je lui parle avec un ton quelque peu hargneux comme si j’ai besoin de cracher ce venin trop longtemps ancré en moi :

« - Mirage a tué des personnes, des dresseurs et donc des pokemons. Mirage a joué avec la vie d’êtres vivants tout autant que la Team Astria. N… Ils sont tout aussi coupables qu’importe leur appartenance. Crois-tu pouvoir changer cette guerre qui dure depuis des années ? Si oui, je te donnerais ces documents car il te faut une autorisation. »

Si je le teste ? Non, loin de là. Je fais juste mon travail de préfète, travail que j’exècre à cause de la connotation qu’on donne à ce rôle : larbin de l’académie. Si j’ai accepté ce rôle c’est pour tenter de faire comprendre à une partie des Lychnis qu’il faut se débarrasser de la gangrène que sont ces deux groupes. Je serre un de mes poings en pensant à mes actes passés, à ma bêtise qui me ronge depuis l’explosion du tournoi. Des roucool passent au dessus de nous, voletant avec des Poichigeon, peu inquiets par l’importance de cette rencontre entre Lukas et moi. Je tape mon front avec le dossier et jette un regard en biais vers mon jeune camarade.

« - Tu devrais te méfier de tout le monde même des personnes qui te semblent les plus sympathiques, les plus proches de toi. L’académie est réputée pour ses élèves mais des graines empoisonnées sont semées partout, peut-être que j’en suis une… » Je termine d’une voix amusée et narquoise.

Moi qui suis réputée d’être franche et ne pas mentir, je n’arrive pas à être clair, à rester ambigue. Tut compte fait, je dois être hypocrite et manipulatrice. Mes choix, mon entrée dans cette académie me changent, trop même…

Oh ? Je semble exaspérer mon interlocuteur dont le regard paraît plus dur. J’hausse imperceptiblement les épaules, indifférente à ses sentiments. Je préfère contrôler les miens qui veulent sortir tel un tsunami contre le Spiraea dont la vision des choses est trop manichéenne. On dirait presque un animal blessé, aux abois, qui cherche à mordre tout ce qui bouge. Il ne sait pas ce qui se passe, il ne sait pas les racines qui sont la charpente de cette guerre. Il veut faire bouger les choses ? Bonne chance mon ptit gars. Il n’avait pas assez le bon esprit. Il ne fait pas se venger d’une personne mais des groupe, de leur existence-même. Mon bras tenant le dossier s’abaisse et je faillis presque à lui donner les documents parce que son image utopiste ne me touche pas mais entendre le nom de Martha Lugwig confirme mes doutes et stoppe mon geste.

Je soupire et lui adresse un sourire sarcastique. Ce n’est pas plus la préfète qui agit, qui parle. Je lui plaque le dossier contre la poitrine pour me rapprocher de lui, trop près de lui. Je le fixe fortement. Je sens mon visage se crisper. Même l’atmosphère autour de nous semble s’alourdir, un silence tendu pèse sur nos épaules. Je ne m’en soucie pas. Je remets une mèche rousse en place et mitraille de mon index les documents parlant des débuts de la Team Astria et de l’apparition de Mirage. Puis je parle enfin :

« - Mourir pour la paix ? Ne te crois pas pour un héros, Lukas. Si tu veux changer les choses, tu dois vivre. Crois-tu que ta mort changera les choses ? Regarde ce qui s’est passé lors du tournoi. Crois-tu que les disparus et les morts ont réussi à stopper cette guerre ? Ils n’ont fait que l’envenimer ! Le rapport de la Team Astria publié aux yeux de tous est là pour que les élèves se bougent et détruisent les deux groupes. »

En ai-je trop dit ? Surement mais il fallait que je remette ce jeune homme sur le droit chemin. Je m’éloigne de lui passant ma main sur mon front et caressant de l’autre mes pokeballs que je garde dorénavant toujours sur moi. Je rejoins la table avec l’amas de livres et des feuilles volantes. Je m’assois dessus, croise les bras et reporte mon regard sur Lukas. Je suis attristée. Je ne sais plus combien de personnes ont pensé comme lui, combien de personnes, malgré toute la bonne volonté qu’elles possèdent, ont essayé de se convaincre, de convaincre les autres autour d’eux de la même vision des choses que le blond qui me fait face. Je maintiens mon regard mais je suis pensive. J’ai vécu, vu, subi trop de choses pour penser ainsi Je réponds alors d’une voix brusquement ailleurs, neutre, sans aucun sentiment :

« - Si tu crois pouvoir m’écraser, essaye donc de m’affronter soit dans un combat entre nous deux soit lors d’un match pokemon et tu verras que ta voie sera semée d’embûches de plus en plus hautes. Certains de la Team Astria sont largement plus puissants que moi et qui sait quelles sont les capacités de Mirage…, je continue d’un ton un peu plus ironique et faisant sortir Simiabraz. Voici un exemple Lukas. »

Je fais revenir mon pokemon et pars m’asseoir et désigne le siège en face de moi, invitant Lukas à s’installer afin qu’on ait une discussion plus calme et un sujet moins houleux. Il veut que je l’aide pour trouver des informations ? Hé bien allons-y.

Oh là là mais il est empoté le mioche quand il veut ! Il m’a à peine écouter et continue son odyssée contre les gros vilains méchants. Je soupire fortement et baisse mon visage soutenu par mon bras. Ce n’est pas la peine d’essayer de le faire changer d’avis, il s’est enlisé dans ses convictions. Je ne suis pas la bonne personne pour l’en sortir et je n’en ai pas envie. J’ai d’autres choses à penser. Ma venue dans cette salle était pour mieux réfléchir seule, loin des murs de l’académie. Mais la loi de Murphy a fait en sorte que je ne sois plus en paix qu’importe les lieux où je me réfugie pour fuir mes souvenirs. Lukas m’en rappelle certains.

Je relève le regard, ma frange soulevée par une légère bise qui traversait les lieux. Je le fixe intensément me fichant de la gêne causée. Je me balance ensuite sur mon siège, oubliant la fragilité de l’objet et scrute le plafond fissuré. Je ne préfère pas briser ses espoirs, sa volonté bien qu’elle soit idiotement crédule. Oui, j’ai la flemme d’essayer de débattre. Je veux me débarasser de sa présence, pas qu’il m’irrite mais il m’importune. Je n’ai rien contre lui. Dans un autre contexte, j’aurais été plus agréable mais il a décidé de faire des recherches sur un sujet brûlant. Oui, je suis sur la défensive, oui j’ai envie de lui foutre une torgnole pour qu’il arrive à intégrer que rien n’est simple juste parce qu’on le décide. Mais apparemment il a été déçu et il va continuer à l’être.

Je l’entends s’asseoir et je retombe au sol afin de me positionner face à lui. Je me penche légèrement en arrière pour pouvoir poser mes jambes sur la table, me fichant des pans de ma tenue qui glissait légèrement sur le côté. Je l’écoute. Ces menaces me font clairement ricaner. S’il savait… Il voit le monde encore de manière quelque peu innocente, enfin plus naïve que ma vision de choses. Mon ricanement s’interrompt petit à petit pour mieux le laisser argumenter. Il a de drôles de références que je comprends. Je me demande si c’est un bon signe… En effet, Lukas ressemble pas mal à Naruto mais il risque de tomber de haut par rapport à Dattebayo-kun. J’hausse des sourcils en entendant la comparaison Martha et Sasuke le dark emo kikoo. Martha a loin d’être ce genre de femmelette d’après ce que j’ai entendu et de ce que j’en ai vu. C’est à mon tour de me faire identifier à un personnage. Rock Lee ? Je ne peux m’empêcher d’esquisser une moue sceptique. Certes j’ai la for ce de combat du compère sans les déplacements badass bien sur et je possède surement ce grain de folie qui me vaut d’aller chez les Lychnis. Mais je suis loin d’être aussi intègre que lui, pas aussi vraie, aussi pure.

Lukas interrompt son délire mangaesque pour retourner à nos moutons : sa recherche sur la Team Astria, sujet qui me tape de plus en plus sur le système. Je serre un poing qui se retrouve à frapper légèrement la table comme pour marquer les points sur les i. Je le darde d’un regard assassin. Il ne sait pas ce que c’est. Il n’a pas vécu vraiment le prix. Moi oui. J’avais la même pensée que lui avant l’incident du tournoi. Mais maintenant tout a changé. Pas un seul jour ne passe sans que je ne brise un miroir car je ne supporte pas de me voir. Oui c’est déprimant, faible, pitoyable et cliché mais c’est ce que je ressens depuis que j’ai du payer le prix.

« - Le prix ? Réalises-tu vraiment quel est le prix à payer ? Les sacrifices des autres ? Ton propre sacrifice ? Supporteras-tu voir un de tes sacrifices te supplier de lui laisser la vie ? De voir que personne ne se fait confiance ? Si tu penses que oui alors lis donc ce dossier tu en sauras sur la naissance de la Team Astria et de Mirage.»

Je soupire face à son discours. Je me frotte les temps pour garde mon sang froid. Cela marche pour quelques secondes puis je l’entends de parler de la perte de son frère, qu’il reprend pour exemple pour parler de sacrifice. Ahahaha ! Connerie sur connerie. Il ne peut pas comprendre ma vision des choses, il n’a pas vécu ce que j’ai vécu. Oh oui je sais que j’ai l’air d’une égoïste qui se croit pour le centre du monde mais Lukas ne veut pas saisir les nuances. Il n’a pas sacrifié quelqu’un lui, il a subi un sacrifice. Ce n’est pas la même chose. Je n’interviens pas de suite, lasse d’entendre son discours de vengeance. Oui, il parlait comme ce gros bêta de Sasuke dans le manga Naruto, ce petit insolent aveuglé par la vengeance. Il va se perdre s’il continue. Je baisse mes bras et me cale contre ma chaise préférant ne pas voir le jeune homme me dire qu’il ne connaît pas Mirage, qu’il agit ainsi pour son frère. On ne fait pas ce genre de promesse : de mourir pour des idéaux, de mourir pour quelqu’un. Je ne le pourrais pas.

Un silence plane autour de nous. Je ne dis rien mais ma colère ne semble pas vouloir s’atténuer. Je me redresse et me positionne correctement, un coude sur la table, et le visage posé dans la paume correspondante. Je le fixe attendant qu’il relève le visage. Il veut des informations, il va en avoir mais avant je vais lui dire une partie de horreurs que j’ai pu réaliser pour qu’il comprenne ce qu’est le sacrifice. Mon sourire se fait sarcastique, mon regard dur et mon ton froid :

« - As-tu déjà tué quelqu’un ou même blessé quelqu’un te sens-tu capable de voir ta victime s’écrouler devant par peur, implorer ton pardon et le frapper quand même, toi, jeune Spiraea aimant le sens de la justice ? Parce que moi oui. Je me suis salie les mains, j’ai fait couler du sang. Es-tu capable de supporter les regards des proches des personnages sacrifiées ? C’est ça un sacrifice, le sacrifice de ta vie d’antan. Je suis désolée pour ton frère mais ce n’est pas un sacrifice tu n’as pas eu à choisir sa mort. »

Je m’arrête, ma voix se délite. Je ne devais pas montrer que je culpabilise, que je regrette mes actes. Je ne cherche pas de la pitié. Je ne veux pas me justifier. Je jette un regard sur la pile de livres près de moi. Je caresse l’une des tranches des ouvrages comme pur oublier un instant le serrement de mon cœur, serrement qui me tiraillent bien trop souvent désormais. Mais Lukas doit comprendre. Je soupire à nouveau, crispant mon autre poing. S’il y a envie de répliquer qu’il se lance mais je l’écouterai que peu car je reprends me fichant de lui couper la parole :

« - Toi qui est si intègre et idiot de surcroit. Crois-tu vraiment que ton frère te laisserait mourir pour lui, pour vos idéaux ? Je pense qu’il préférerait que tu vives pour lui pour réaliser justement vos idéaux. »'

Je respire fortement pour faire comprendre aussi un autre chose. Je le fixe intensément avant de prononcer d’une voix doucereuse :

« - Tu te souviens de la bombe au tournoi ? Du message, qui est vrai, collé sur les panneaux près de l’administration ? Tout ça n’est que la partie immergée de Mirage. »

Oh là là il me fait mais il me fait un caca nerveux mélodramatique ! Je ne veux pas être une héroïne, je suis tout le contraire. Il croit que j’en suis fière ? Mais pauvre petit péteux, il ne comprend pas. Il est trop tête de mule pour saisir les nuances. Si j’abandonne la partie je ne sais pas. Je me lasse vite et ce n’est pas moi. Mais le jeune Spiraea me rappelle des sentiments qui m’ont déjà assez rongé. Il est trop optimiste, ses pensées sont trop ancrées dans un état d’esprit qui n’est pas le mien, que je ne peux pas ressentir, que j’ai du effacer de ma mémoire car il m’est impossible de penser à nouveau de manière aussi naïve. Il hausse le ton, je me retiens de rire. Que la Team Astria arrête ? J’ai essayé je n’ai pas réussi même avec l’aide de diverses personnes alors lui ? Mais cette fois je n’essaye même pas de me moquer de lui. L’envie s’est évaporée aussi vite qu’elle est apparue. Puis il termine par une question simple et légèrement agressive dans la formulation. Cette fois, je ne peux me retenir et lâcher un énorme éclat de rire. Au moins sur ce point-là, il n’est pas si bête que ça, le petit chevalier ! Mon rire se répand parmi les murs créant un léger écho, provoquant des bruissements de pas.

Mon dieu, il me fera passer dans toutes les humeurs possibles, ce Lukas. Je me reprends tant bien que mal, à croire que j’avais besoin de rire, d’évacuer cette tension sur mes épaules de dissiper cette atmosphère lourde qui régnait dans la salle d’archives. Si je le tourne en dérision ? Loin de là de me montrer irrespectueuse mais vu dans l’état d’esprit dans lequel il est il vaut mieux que je m’expliquer sans me justifier :

« - Hé bien, tu apprends vite. Je suis loin d’être parfaite. Je ne suis pas celle qui veut montrer qu’elle est forte, qu’elle est la Calamity Jane. Je suis le contraire. Je n’ai pas à te dire de me faire confiance, je n’ai pas à me justifier pour toi. C’est à toi de voir. »

Puis pensant que la discussion est close en attendant qu’il me pose des questions, je me cale correctement sur mon siège et prend un livre pour voir s’il y a les informations à propos des évènements divers d’Alcea Rosea, concernant l’académie en elle-même et non que sur les deux groupes, voir ce que les autres personnes ont essayé de faire, voir comment ils sont parvenus à vivre malgré cette guerre. Je n’ignore pas Lukas, je veux juste changer de sujet car nous sommes tous les deux ancrés dans nos positions, lui plus que moi d’ailleurs. Cela ne sert à rien de discuter de cela davantage. De toute façon, me dis-je en tournant une page, il est là pour rechercher des informations. Fais donc petit homme, fais donc.

Je suis en train de feuilleter les ouvrages et les dossiers, grognant à chaque fois que je me retrouve bredouille ou avec des données que je possède déjà. Mais la réplique de Lukas me fait lever la tête vers lui par réflexe. J’ai une manie de fixer les personnes qui m’adressent la parole par politesse. Mais ses dires me firent écarquiller les yeux. Ne pouvait-il pas être clair au lieu de tourner autour du pot. Mon dieu c’est trop alambiqué mais au moins ce que j’ai saisi est que la discussion est loin d’être terminée. Mes épaules s’affaissent mais je ne dis rien, ma main toujours posée sur un livre ouvert. Une flopée de questions surgit tel une attaque Surf dont je ne peux maîtriser les flots. Je commence à lever les mains faire signe à Lukas de ralentir le rythme pour que je m’y retrouve que j’ai le temps de mettre une marque page. Mais ce dernier est lancé. Maudit caractère des Spiraea.

Je me rends compte qu’il me plonge davantage dans un sujet marécageux. J’ai l’impression de m’enfoncer encore plus dans les ennuis et les souvenirs. Mais il le ne sait pas et jamais je ne lui dirai quoi ce soit. Je ne me confie jamais à une personne qui ne me fait pas confiance. Je cherche de quoi retrouver où j’en suis dans mon livre tout en écoutant la dernière question du jeune blond. Je remarque qu’il en veut particulièrement à Martha Ludwig. La vengeance risque de devenir un règlement de compte pur et dur. Tanpis, je n’interviens plus, je ne veux plus le prévenir des dangers qu’il encourait d’aller sur cette voie. Il ne m’écoutera pas ni la raison. Le livre claque et je regarde toujours intensément Lukas sans rien dire avant de commencer d’une voix impassible :

« - La Team Astria règne sur l’académie. Mirage leur barre la route. Ils doivent alors montrer leur autorité, leur force et se débarrasser de Mirage. N’insulte pas les champions comme des attardés. Ils font partie de l’élite d’Alcea Rosea et sont loin d’être pour la plupart. Ne pas parle pas sans savoir. »

Je m’interromps pour fouiller dans mon sac et sortir une canette légèrement fraîche d’eau gazeuse à la pêche. J’en pose une sur la table la proposant à Lukas. Je l’ouvre d’une main et en boit une gorgée comme si ce geste m’aide à mettre mes idées au clair. Je jette un regard au Malosse avant de lui adresser un sourire d’excuse. C’est loin d’être amusant et agréable de voir deux personnes plus ou moins en conflit. Mais je me dois de répondre. Je brise alors le silence avant de reprendre, la canette toujours en main que je fais tournoyer un peu.

« - Crois-tu vraiment qu’on va laisser des jeunes gérer toute l’académie ? Réfléchis un peu. »

Je reprends une gorgée pour prendre du courage et de la contenance avant d’aborder le sujet sensible. Plus j’y pense plus mon corps se tend. Je soupire à nouveau, quelques mèches de cheveux allant me chatouiller la nuque. :

« - Avec la bombe et le rapport posté aux yeux de tous, je pense que Mirage a fait de la pub justement. Pas la bonne mais une pub quand même. Mirage cherche juste à marquer les esprits en visant que la Team Astria. Pour les blessés du tournoi, les morts, les innocents… cela doit être un mauvais calcul, une perte de contrôle des évènements. On ne saura jamais… »

Je ne dis rien de plus, savourant la boisson fraîche qui éveille mon corps par ses bulles et mes sens par le son des bulles d’air qui éclatent, par le goût de l’eau qui chatouille mes papilles. Rien qu’une simple boisson me permet de m’évader même si ce n’est que pour quelques secondes. Mais la lassitude m’envahit. C’est pourquoi j’ignore la question à propos de Martha. Cela ne me concerne pas.

Alleluia du silence ! Je peux me concentrer dans la lecture. Seul le bruissement des pages tournées brisant le silence enfin détendu. Mon corps se détend. Il m’arrive même à regarder vers la fen^tre pour suivre la course des nuages alors que je suis bredouille. Mes recherches ne sont pas fructueuses mais je m’en doute. Il faut que j’aile fouiner ailleurs. Mais au cas où, je dois chercher toute la documentation pour peut me révéler un seul détail qui pourrait me permettre d’avancer dans ma quête vers une paix, vers la fin de la décadence d’Alcea Rosea. Je bois une autre gorgée de ma boisson avant de choisir un attaché caisse et l’ouvrir. Un nuage s’échappe et je me retiens de toussoter. J’agite de la main pour dissiper ce nuage mais Lukas semble vouloir jouer sur mes nerfs jusqu’au bout. Je me fige quand j’entends sa plainte.

L’attaché caisse tombe sur la table brutalement mais l’autre petit mioche ne s’en aperçoit pas, totalement obnubilé de me faire comprendre ses idées. Même ses comparaisons avec ce manga commencent à vriller les tympans. Je ne dis rien me contentant de le fixer, en tapotant la table avec chacun des mes doigts. Je me sens d’humeur sarcastique. Mais je le laisse terminer son discours montrant qu’il est un bon garçon, le gentil petit héros capable de tout réussir malgré les sacrifices. Je me retiens même de corriger certains points mais mon poing se crispe. Les jointures blanchissent légèrement. Et la goutte qui fut débordé le vase c’est quand il me demande comment obtenir son laisser passer pour Mirage.

Je frappe la table violemment, me lève renversant le siège et me dirige vers lui de vie allure et l’aggripant par le col. J’en ai profité pour faire tomber un de mes pokeball, refaisant apparaître Simiabraz afin que ce dernier gère Malosse et le rassure sur le fait que je ne voulais pas faire de mal du moins réellement à Lukas. Il fallait que le Spiraea comprenne que ce n’est pas un jeu, un manga qui se déroule sous les toits d’Alcea Rosea. Entrer dans Mirage avec cet était d’esprit ? Hors de question. Vouloir rejoindre le groupe pour une vengeance pure ? Non ce n’est pas possible. Je connais assez bien, trop bien le groupe pour accepter qu’il entre dans le cercle.

« - Ecoute-moi bien. Katerina était une de mes proches, Alexei un peu moins mais il était sympathique. Respecte leur nom bien que tu le connais pas. Reina, Martha, Drake viennent d’être intégrer au groupe, normal qu’on ne parle pas d’eux dans les archives. T’es con ma parole. »

Je le lâche et lui tourne le dos, ruminant dans mon coin pour ne pas hurler. Non, je ne peux pas. Je me retourne et la cogne d’un coup de poing dans le torse. Bon sang, ça fait du bien de se lâcher ! Simiabraz ne s’y attende pas mais est assez rapide pour bondir et rattraper Lukas afin qu’il ne subisse pas plus de dégâts. Quand à moi, je se repose sur la table, jetant un regard d’excuse à nouveau vers Malosse. Puis j’attends que le jeune blond reprenne ses esprits avant de parler d’une voix forte et encore emplie de colère :

« - Tu veux de la force en voilà ! Tu crois vraiment que Mirage acceptera un gamin comme toi ? Tu crois vraiment que cela plaît à ce groupe de devoir agir ainsi ? Tu crois vraiment qu’ils sont là pour régler des problèmes d’ego ? Tu crois vraiment que la Team Astria et Mirage sont là pour régler des problèmes entre des individus ? Tu parles d’idéaux. Justement parlons-en des idéaux ! Les groupes agissent selon des idées et non des règlements de comptes puérils même si leurs actions sont immatures.»

Je m’arrête en reprenant mon souffle le plus calmement possible avant de reprendre mon harangue :

« - Ce n’est pas ainsi que tu deviens fort, Lukas. Ce n’est pas ainsi que tu créeras la paix. Je ne suis pas la vanter pour dire que je sais tout mais j’ai déjà vu des personnes comme toi essayer de se venger. Elles ont mal fini. Ne me rappelle pas ça. Cette guerre a suffisamment causés des drames, des pertes.»

Je croise les bras et soulève un sourcil en faisant la vaine tentative de Lukas de me convaincre de sa volonté. Il m’imite cognant la table avec une certaine force. Je renifle par dédain puis je l’observe avec un sourire ironique. Simiabraz me rejoins comme si de rien n’était, tapotant mon épaule afin que je me suis calme. Je soupire, je n’y arrive pas au moins pas entièrement. Le jeune Spiraea a trop tiré sur la corde sensible. Je ne peux pas me laisser faire et lui laisse agir comme bon lui semble. J’essaye de retrouver un rythme cardiaque normal pour ne pas le massacrer, mon pokemon feu m’y aidant du mieux qu’il peut. Pour le rassurer je lui tapote une de ses pattes, lui indiquant que je vais retrouver son sang-froid. Mais il a du sentir la tension revenir sur mes épaules alors que Lukas reprend la parole. Je ris à nouveau. Bien sur je n’ai pas compris ta manière de penser vu que je ne pense pas comme toi, petit *bip* ! Mais je me tais vite le laissant déblatérer des paroles stupides.

Cependant je tombe des nues. Hé bah voilà quand il voulait ! Au lieu de me faire un caca nerveux pseudo héroïque mais qui reste merdique –oui stop la censure soyons franc ! -, Lukas me dit enfin une cause quelque peu plus noble et moins enfantine et kikoolol que mister Sasuke. J’esquisse une moue satisfaite content qu’il oublie aussi de faire des comparaisons avec des mangas ou toute sorte d’ouvrage. Même Simiabraz arrête de me masser les épaules, occupé à essayer d’arrêter l’hurlement de Lukas. J’aperçois alors le tremblement du blond. J’hausse les épaules. C’est l’heure du feu d’artifice… Rah, encore une vision utopiste d’une vierge effarouchée. Encore une fois, il ne saisit pas que cela n’est pas si simple. Je suis lasse et je réière un soupir désespéré. Je me rapproche de lui, caressant la tête de Malosse au passage et me baisse un peu pour être à hauteur du regard du Spiraea puis lui adressa des paroles d’un ton impassible :

« - Pas mal de monde pense ainsi mais n’ose pas le dire. Tu oses c’est déjà cela et tu agis. C’est déjà pas mal. Mais comment veux-tu d’un jeune garçon ou même un petit groupe puisse faire ? Tu as bien vu Mirage n’y parvient pas malgré leur... solution radicale. »

Oui j’ai hésité cherchant une formulation correcte qui ne me rongerait pas les sangs. Je tends le bras et lui fout une bonne pichenette sur le front, me fichant de laisser une marque sur son visage. Je retourne à ma place, Simiabraz étant parti visité la salle par curiosité. Je remarque cela et décide de faire sortir tous mes pokemons. Je déteste les enfermer dans des pokeball sauf quand il le faut. Aquali et Altaria surgissent rejoignant leur ami de feu, allègre de pouvoir sortir et de dégourdir les pattes. Je souris et reprend ma lecture du moins presque je tiens à dire une chose le regard dirigé vers Lukas :

« - Maintenant que tu as fini ta gueulante. As-tu des questions avisées ? »

Hé bah, c’est qu’il ne pense qu’à sa tête le comparse. Il fait comme si mes paroles n’ont pas existé ! Le saligaud ! Et le coup de pied ? C’est de la gnognotte ? Attends que je te foute une autre rouste ! Je croise le regard de Simiabraz qui semble me prévenir de ne pas commettre d’erreurs et de céder à mes envies. Je regrette brusquement de l’avoir fait sortir celui-là… Il est la voix de la raison qui me freine dans mon impulsivité. Mais je ne peux m’empêcher de soupirer et de caler mon visage entre mes mains, coudes posés sur la table. Mon dieu mais quelle tête de mule. Clame, ma vieille, calme. Moins tu t’énerves, plus vite cela se finira rapidement. Je ne veux absolument pas m’attarder sur ce genre de conversation qui dérive vers un sujet qui me déplaît, qui éveille ma colère de jour en jour.

Je relève le visage, ennuyée mais à l’écoute. Oh, ne vous y fiez pas, je suis loin d’agir en tant que préfète et l’assume complètement. J’avoue que je profite clairement de ce statut mais j’essaye de tout de même de tenir mes amis Lychnis et que leur réputation de flemmards et fêtards change quelque peu par le respect. M’enfin, là n’est pas le sujet. Je croise les bras et fixe Lukas pour mieux l’écouter. Je ne sais pas si mon visage exprime ce que je ressens mais mon esprit pense clairement comme « cause toujours mon pote, tu m’intéresses. » vis-à-vis des paroles de Spiraea. Et malheureusement, je commence à râler dans un murmure face aux questions. Il ne sait du tout et son ignorance me désole. On voit aussi qu’il ne suit pas les cours… Simiabraz recommence à me masser les épaules et je prends la parole alors qu’Aquali et Altaria semblent sortis prendre l’air.

« - Tu devrais suivre tes cours… L’école a douze ans et Astria est apparue peu de temps après. Je ne saurais pas te dire quand précisément. Je n’ai pas la mémoire d’un Menthae. Mirage a surgi plus tard ce que disent les premiers témoignages en tout cas. Mirage des élèves comme toi ? Hahahaha. Ne te surestime pas cher Lukas ! »

Oui je me sens d’humeur cassante. Lukas ne saisit pas les nuances que j’ai cité précédemment. Je n’aime pas parler dans le vide ou qu’on fasse semblant de m’écouter. C’est désagréable. Oh je ne cherche pas à être le centre du monde mais avoir du tact et être bienséant n’est pas si complexe que cela. Oui, je tiens aux bonnes manières bien que je montre le contraire par certains de mes agissements. Je me lève, m’appuyant de mes deux mains pour mieux m’imposer et je reprends :

« - Tout le monde est menteur Astria ET Mirage sauf que les seconds sont plus discrets. Tous ne sont qu’une bande d’adolescents qui ont voulu jouer aux grands. Nous avons fait des erreurs et nous sommes cons tout simplement. D’autres questions plus perspicaces ? »

Alleluia ! Qu’Arceus me bénisse ! Il a compris ! Je me retiens de me mettre à genoux et de me prosterner au sol pour remercier le pokemon légendaire de ce don ! Comment cela j’exagère ? J’ai peiné, j’ai parcouru monts et vallées pour parvenir à faire avancer un peu la mentalité de Lukas Debenek ! Alors j’ai droit à une récompense, à une preuve que mes efforts ne sont pas vains ! Et la voici ! Simiabraz s’en rend compte et s’amuse à jouer avec sa flamme pour créer un halo de lumière. Je me retourne vers lui lui adressant une moue outrée par sa mutinerie. Il me répond par un énorme sourire. Je le hais parfois. Un soupire échappe de mes lèvres cette fois ayant pour destinataire le Spiraea avant d’agiter ma main pour le dire que je ne lui en tenais pas rigueur, du moins pas trop. J’avoue que le coup de tout à l’heure m’a permis me défouler et d’évacuer une partie de mon stress.

Tout cela me travaille trop que je me jette sur mon sac près de la table pour sortir un sac en plastique rempli de madeleines. J’en sors une pour Simiabraz, en propose une aux autres pokemon présents et écoute Lukas qui pose étonnement une question hors de propos, plus sensée, plus réfléchie. En réponse je tends une pâtisserie vers le jeune homme qui montre un peu de jugoette tout compte fait. J’attends qu’il prenne le gâteau avant de faire les cents pas tout en mordant dans mon encas. Ceela me turlupine, je n’ai jamais pensé cela de cette manière, bien que je me doute qu’il y avait une hiérarchie dans la Team Astria. Je réfléchis faisant planer un long silence. Même la salle semble inerte. Plus aucun bruit ne traverse les lieux. Je remarque à peine Simibraz qui arrive à me voler quelques gâteaux. Je me mets alors à parler à la fois pour répondre mais aussi pour l’interroger. Ma voix se fait lointaine alors que les mots quittent mes lèvres.

« - Pours les enfants, c’est parce que nous sommes cons, encore en traîn de murir d’apprendre les choses de la vie que ça dérape. Pour les adultes, ils ne font rien par impulsivité comme nous. Peut-être qu’ils veulent nous évaluer, peut-être qu’ils veulent s’amuser. Je n’en sais rien. Mais je pense que oui, il y a des adultes derrière tout ça et qui nous observent.»

Je frissonne légèrement, me rendant compte que je suis peut-être observée par une instante plus grande, plus forte que la Team Astria. Il faudra que j’enquête là-dessus… J’arrête mes cents pas et jette un regard sur la masse de papier sur la table. Tout compte fait, j’ai plus de boulot qu’il n’y paraît. La paresse m’envahit, dire que je suis passée par ici pour être tranquille et juste trouver des indices… Je peste un peu dans un murmure avant d’avaler tout rond une madeleine. Je me retourne ensuite vers Lukas :
« - Garde ce que je t’ai donné pour trouver des informations, tu le rendras quand tu veux. As-tu d’autres questions ?»

Mais il va me lâcher oui ? Je crois qu’il n’a pas du tout saisi le message du casse-toi on a fini de parler point. Je passe ma main sur mon front, exaspérée. Ok, tu ne veux pas subtil Lukas ? Tu vas être servir et le pire dans tout cela ? Ca m’arrange. Je n’ai plus besoin de me réfréner. Simiabraz ressent ma colère mais aussi mon impatience et soupire, rentrant tout seul dans sa pokeball, accroché à ma ceinture, en appuyant sur le bouton correspondant. J’esquisse une moue triste lorsque je m’en rend compte. Je sais que je l’ai déçu mais il sait à quoi s’en tenir avec moi. Je ne suis pas de nature patiente et le Spiraea vient de me faire dépasser le point de non-retour. Je m’approche de lui, feignant de l’écouter.

Cependant sa dernière réplique m’éveille à nouveau, titille encore ma lassitude de voir à quel point Lukas n’a pas retenu la moindre parcelle de mes paroles précédentes. Je suis assez proche de lui pour lui poser une main sur l’une de ses épaules. Mon visage est baissé. Mes épaules tressautent, mon corps est parcouru par un rire nerveux. Ma poigne se serre sur lui sans que je le fasse volontairement. Ira, le pêché de la colère me submerge, mon corps refuse d’écouter les dernières de raison que je possède. J’inspire fortement tout en relevant trop brusquement mon visage pour fixer Lukas. Mon sourire se fait carnassier. Il faut que je mette les points sur les i. Pourquoi je défends autant Astria et Mirage ? Parce que je sais ce qu’il en est sans pour autant tout savoir et saisir les nuances. Mais au moins, j’ai une partie de la véritable histoire avec moi. Ma voix se fait acide et sèche quand je commence enfin à répliquer :

« - Prendre le meilleur dresseur ? Mirage ne recrute ni de m’as-tu vu, ni de personne qui attire les regards ! Il peut devenir un adversaire potentiel, une recrue potentielle pour chacun des groupes. Crois-tu vraiment que Mirage, comme le porte son nom, cherche à jouer avec de la puissance, à se donner une bonne image ? C’est du domaine de la Team Astria et encore elle sait être subtile. Chacun des groupes exploite le potentiel et tout élève capable de faire bouger les choses. »

Je le relâche, mes poings serrés prêts à frapper à la moindre remarque désobligeante. Je recule de quelques pas pour éviter de donner un coup gratuit bien que le comparse Spiraea le mérite. Je m’aperçois que j’ai encore le sachet de madeleine dans mes mains. Je soulève un sourcil interrogateur et voit que la dernière pâtisserie est réduite en miette. Je peste fortement, ferme le sachet et le jette sur la table. Puis je pivote à nouveau sur moi-même pour terminer avec une dernière réplique réaliste, cassante et avec froideur :

« - Ne regarde pas en surface, ne te fie pas des apparences. Tu fais une opinion bien fermée sans te donner le temps de réfléchir. Fais preuve de jugeotte ! Que ce soit pour Mirage ou Astria. Bien que j’en sache plus que toi, ce n’est pas avec cette mentalité que je te dirais plus de choses. Tu n’es pas prêt.»

Tanpis s'il me tient rigueur tanpis s'il ne veut pas me comprendre; j'ai suffisamment donné. Je prie juste qu'à nouveau il fait preuve de discernement comme précédemment.