Il bailla à s'en décrocher la mâchoire, se grattant négligemment la nuque au pied du lit, avant de gagner la salle de bain. Il aperçut son visage reflété dans le miroir, le filet de bave qui descendait de la commissure de ses lèvres qu'il essuya d'un revers de manche. Au réveil, comme nombre d'adolescents de son âge, il était aussi réactif qu'une tortue anémique. Ses cheveux défiaient la gravité, refusant de se soumettre à la dictature du gel coiffant. Résigné à la volonté divine, il se débarrassa de son vieux pyjama mal foutu pour le port d'une tenue plus décente. Puis, il se tourna dans la direction de ses deux comparses qui dormaient encore : « C'pas facile de sortir de la nourriture de la cantine, vous savez ?»

À l'académie d'Alcea Rosea, le menu " petit déjeuner " se prenait entre sept heures et neuf heures et pour bien commencer sa journée, il ne pouvait pas faire sans.

Le ciel était d'un bleu pur, parsemé de nuages blancs dont l'ombre se portait sur les édifices de l'école. La fraîche brise du matin faisait danser le feuillage des arbres, grattouillant leurs feuilles et soufflant sur son visage, lui procurant des frissons qu'il ne pouvait pas ignorer. Au détour de plusieurs couloirs dans le bâtiment des cours, il pénétra dans le réfectoire de l'académie, où il distingua d'emblée ceux qui stimulaient leurs esprits engourdis avec des cafés bien serrés et le reste - ceux qui, par exemple, fixaient le mur en silence, les couverts à l'envers.

Servi dans le quart d'heure d'un déjeuner japonais traditionnel (toutes ces bonnes arômes le mettait de bonne humeur), il se traîna jusqu'à la première chaise à sa portée, poussa la chaise en arrière du pied, et s'installa sans demander l'autorisation à la demoiselle déjà présente et son pokémon... qu'il venait tout juste de remarquer.

« ... b'jour ? »

Hiroshi retourna le bonjour du pingouin avant de prendre le temps de détailler son plateau. Du « tofu bouilli » à tremper dans un bouillon travaillé à la sauce de soja, un poisson grillé, de l'omelette japonaise, de la soupe miso et du riz doux et moelleux. « Merci pour ce repas. » Tout sourire, il sépara ses baguettes avec adresse et entama la dégustation, goûtant avec gourmandise à un peu de tout sans aucun ordre particulier. Il prenait un bout d'omelette et le portait à sa bouche quand l'étudiante se présenta d'une voix blanche : « Sayuri Iwasuru. »

Elle devait avoir sensiblement son âge. Un corps aux proportions naturelles, des cheveux ramenés en arrière à l'aide d'un élastique et un regard brouillé ─ doit pas être du matin celle-là, conclut-il. Il se présenta également : « Hiroshi Motomiya, bon appétit ! » puis se focalisa à nouveau sur ses plats. La minute qui suivit fut vide de mots, ponctués seulement par le bruit des baguettes de bois qui picotaient ici et là.
Son bol terminé, il allait se lever se resservir au cuiseur de riz mais il ne pouvait pas s'empêcher de noter le repas ridicule de la jeune fille : « Tu manges pas beaucoup. » Même le Tiplouf avait plus d'appétit (d'énergie ?) qu'elle. De retour à la table, l'estomac apaisé, les papilles ravies, il engagea la conversation avec sa voisine : « Dis, t'es en quelle année ? Tu te débrouilles au combat ? » Il était curieux. Il était compétitif, aussi.

Ne t'inquiète pas pour la longueur de tes posts, j'écris pas tant non plus. ;)

« Je suis en septième année, et le seul moyen de savoir si je me débrouille en combat est de m’affronter, non ? » Elle a parfaitement compris où je voulais en venir ! Pour lui, les meilleurs échanges se réalisaient dans le contexte de rivalités amicales. Son envie de se mesurer aux autres était redoutable et caractéristique de sa pensée de vainqueur – la défaite était parfois inévitable même s'il détestait l'admettre et dans ce cas, elle était instructive. Elle était fraîche comme un drap séché, cependant, il avait le sentiment qu'ils s'entendraient bien ! « Et toi ? » Il lui sourit avant de se lever de table pour débarrasser son plateau avant de retourner prestement aux côtés de son aînée.

« Qu'une seule façon de le savoir, j'me trompe ? » Il ne faisait que reprendre son discours, hein ! Sans la brusquer, il se pencha sur la table en fixant droit des yeux la jeune fille : « Sayuri, t'es libre aujourd'hui ? Ça te dirait de faire un tour au battlefield ? Il n'est pas utilisé cet après-midi. » Il trainait toujours là-bas avec sa bande pour des défis de toute sorte (il se donnait les moyens de réussir), mais on ne le suivait pas tout le temps - avec sa facilité à s'attirer des ennuis.

« D’accord. On dit à 15h00 dans le battlefield ? » Il hocha vivement la tête : l'horaire était parfait. Il était aussi heureux qu'elle relève son défi : le cas contraire, ce n'aurait pas été la première fois que cela lui serait arrivé, mais ça laissait toujours un goût amer d'incompréhension en bouche. Il ne concevait pas un jour sans se mesurer aux autres : c'était dans sa nature ! Et être pris pour un p'tit fêtard ? Très peu pour lui. Il voulait devenir plus fort, plus vite, ne cachait cette détermination à personne, bien qu'il ne s'expliquait jamais.

Tiplouf était visiblement partant pour un petit match amical, avec sa maîtresse. Cette réaction lui plut beaucoup : si seulement ses pokémons étaient aussi enthousiastes que lui ! « À tout à l’heure Motomiya, » le salua-t-elle simplement. Il lui dit au revoir de la main, avec un sourire qui trahissait son excitation : « 'plus, Sayuri ! » Qu'est ce qu'il avait hâte de l'affronter ! La tête pleine de scénarios et d'images, il regagna sa chambre ─ un peu plus tard, il reviendrait au réfectoire avec ses amis pour qu'ils prennent leur petit-déjeuner.

(sujet terminé !)