Il fait bon aujourd’hui. Je somnole sur un banc, allongée dessus avec un livre sur le visage. Je retire lentement l’ouvrage lascivement pour ne pas être troublée par la lumière du jour. Je regarde le ciel, un peu ailleurs, le bras gauche se balançant en rythme proche du sol tout en tenant mon livre. Mon autre main retient tant bien que mal mon inséparable ombelle. Je plisse un instant les yeux pour m’adapter au rayon du Soleil et j’inspire profondément. Il est temps que je prenne mon médicament. Je me relève lentement pour ne pas être étourdie et dépose le petit ouvrage à côté de moi. Je me dépoussière et vérifie que mes cheveux n’ont pas été salis. Je suis loin d’être coquette ou de me focaliser sur mon apparence mais je n’ai pas envie d’être vue comme une dépravée qui ne sait pas prendre soin d’elle. Bon ok, cela ne me gêne pas aussi d’avoir la gueule de bois ou une tête de six pieds sous terre et aller faire de courses comme si de rien n’était. Passons. Je prends ensuite mon sac alors que des nuages viennent jouer avec l’astre du jour créant des ombres mouvantes, spectacle quotidien que j’ignore et oublie de savourer comme je l’ai fait plus jeune. Je cherche alors une petite boîte que je trouve assez rapidement. Je la sors et l’observe avec lassitude. Mon traitement quotidien commence à devenir pesant. Je dois vraiment dépendre de cela toute ma vie ? J’espère que non, même si les médecins semblent peu favorables à cette solution… Je l’ouvre et y prend un petit cachet rouge et l’avale sans rien boire.

Une fois ma tâche journalière faite, je regarde les alentours si calmes et agréables à vivre. Pendant l’autonme, c’est là qu’on voit le plus d’activité de la nature. Les arbres changent de couleur, déployant leur couverture feuillue pour protéger et nourrir les fruits qu’ils possèdent. Des fleurs se fanent d’autres ne sont encore que bourgeons. Même un enfant qui s’attarderait sur cette vision comprendrait que la vie est un cycle. Je dérive. Je regarde un dernière un Papillusion se délecter du nectar de fleur en fleur avant de constater que des personnes arrivent dans les jardins. Je souris. Prendre l’air dans cet havre de paix est souvent ce qui attire les pensionnaires à quitter l’établissement. Changer d’air est toujours agréable. J’en ferme même les yeux pour savourer la brise, tout en entendant les personnes courir. J’esquisse un sourire triste en contemplant à nouveau la voûte claire et céleste. Je ne pourrais jamais réellement courir au risque de réveiller ma faiblesse. Mes anémies répétitives sont des chaînes dont je ne pourrais réellement me libérer. Mais je fais avec et je ne déteste pas mon corps et ses défauts. Personne ne peut être parfait après tout. Je me mets à rire. En ce moment, j’ai l’impression d’être une auter personne. Je suis moins Lychnis, moins bagarreuse, je cherche les mots… J’ai changé et je n’aime pas ça. Quelle ironie… Mon rire mue de la joie à un rire jaune. J’ignore les passants qui doivent me voir comme folle. Cela M’étonnerait beaucoup si jamais quelqu’un oserait m’aborder.

Bien que j’ignore les personnes qui m’entourent et qui ont eu le plaisir de m’entendre rire, je sens la fameuse ride du lion se former alors que je fronce les sourcils. Mon dieu, leur hypocrisie me répugne. Leur fausse discrétion me donne l’envie de régurgiter mon encas. Les gens, voyons, osez me critiquer en face au lieu de jouer des petits chiots la queue entre les pattes qui mordent dans le vide. Leur critique ne me touche guère plus que cela. Je me fous largement de ma réputation, de mon apparence, du regard qu’ont les énergumènes sur moi. Juste que les sarcasmes, les messes basses non assumées créent un bourdonnement désagréable. Mes oreilles n’ont même pas besoin de siffler tellement ils sont bruyants. Je basse le regard, faisant claquer fortement mon livre faisant retourner le regard d’une poignée de passants vers moi ou la disparition soudaine d’autres comme s’ils se sentent coupable et/ou effrayé par ma réaction. Je souris, amusée.

Je soupire fortement, observant les feuilles des arbres qui se déversaient sur le petit étang qui se tient devant moi. Mon esprit s’éclaire un peu bien que je suis toujours amère. Un Poissirène remonte à la surface remonte à la surface pour voir ce qui se passe. Pendant que le pokemon disparait de mon champ de vision. J’entends un bruissement, des pas crissant légèrement sur le gravier. Je ne m’y serais pas intéressée si la proximité du son ne m’a pas interpellé. Je pose l’ouvrage sur mes genoux et lève à la fois mon ombelle et mon visage en direction de la personne qui semble se diriger vers moi. Mon regard interrogateur se mue ensuite en une expression quelque peu interloquée en réalisant qu’il s’agissait d’une des jumelles Iwasuru. Laquelle ? Ne me demandez pas, je ne les côtoie pas assez pour le savoir. Pas que je ne veuille pas les connaître au contraire.

Je me demande pourquoi elle vient m’aborder. Mais sa remarque froide me fait deviner de qui il s’agit. Sayuri… Je suis étonnée de la voir m’approcher. Alors qu’habituellement, on s’évite si on le peut. Or nous nous croisons rarement et nous allons comment dire des divergences sans que cela ait un lien avec nos maisons d’ailleurs. Bon ok, je résume. Elle ne me supporte pas et je ne peux pas la piffrer et cela nous le montrons plus que bien. Les confrontations ont lieu seulement quand nous sommes obligés de croiser comme lors des sorties des élèves des salles de cours ou lors d’activités entre maisons. Bien que je la déprécie, je la connais suffisamment pour me douter qu’elle n’est pas du genre à me faire chier gratuitement alors qu’elle peut préserver sa journée en me dédaignant. Je tapote l’axe de mon ombelle pour faire tomber les feuilles au dessus et répond d’une voix plus accueillante. Je n’ai pas envie de me lancer dans une joute véhémente.

« - Bonjour Sayuri. Oh surement. De toute façon, je ne suis pas à cela près vu les rumeurs qui traînent par ci par là. Que me vaut ta venue ?», je demande la curiosité plus forte que tout.

Ah oui, je l’appelle par son prénom ni pour la provoquer, ni pour montrer que je l’ai reconnu, ni pour la différencier de sa sœur. Il s’agit juste de politesse et de respect que j’ai tout de même pour elle, pour la personne qu’elle est. Si je le lui dirais un jour ? Plutôt mourir. Je m’écarte doucement de ma place pour laisser une place sur le banc mais en faisant en sorte que nous syons éloignées l’une de l’autre.

« - Installe-toi le temps de discuter un peu, si tu le permets. Te voir dresser devant moi n’est pas très engageant. »

Je dis cela en désignant la place libre. Je dois paraître dans un état peu commun. Je me montre polie, trop polie avec elle. Mais je n’ai pas la tête à me crêper le chignon avec elle. Si elle le veut elle le peut mais pour une fois, je ne répliquerais pas. Je caresse la couverture du livre toujours sur mes genoux et pose mon visage sur l’une de mes paumes. Une enfant me montre du doigt surement intéressée par l’ombelle. Je le salue d’une geste de la main avant de reprendre la conversation, le regard dans le vague :

« - En fait oui, je suis folle ou plutôt le je suis davantage. »

Oh ? J’entends alors une réplique digne de Sayuri, digne d’une Menthae. Je suis quelque peu étonnée par l’absence de véhémence dans son ton. Je me tourne vers elle, croisant son regard scrutateur. Ai-je l’air si étrange ? Au point qu’elle-même utilise une hargne plus modérée à mon égard. C’est à la fois agréable et dérangeant. Je dois ressembler à ses vieilles personnes qui n’aiment pas voir leur routine changer. Des enfants s’amusent avec un ballon non loin de nous alors que je sens que sa réplique est aussi une sorte d’avertissement. Je ne tomberais pas dans le gouffre de la démence même si cela est parfois tentant. Je prends mon livre et le range dans mon sac posé sur le rebord du banc.

Une autre tirade me titille comme essayant de me faire sortir de cette bulle qui m’empêchait d’exprimer mes sentiments, d’être comme je suis habituellement. Oui, je suis devenue insipide, oui je me suis transformer en coquille vide. Je ne suis plus qu’un pauvre livre dont les pages s’effritent, dont le texte s’efface. Je ne suis plus que ma moitié de moins même et encore… Des roucoulements de pokemon vol nous interrompent un moment notre discussion, attirant mon attention vers eux. Si j’évite de répondre ? Pas tellement. Sayuri constate juste que je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je ne peux pas nier cela non plus. Je passe ma main sur ma nuque pour relaxer mes muscles. J’affiche une moue alors que je suis que je suis énormément tendue.

Mes gestes s’arrêtent brusquement alors que mon interlocutrice du jour continue de discuter avec moi alors que je semble être aussi muette qu’un Magicarpe. Je me retourne vivement vers elle, un sourcil levé. Sa voix était teintée d’une certaine empathie. C’est ce qui brisa un barreau de ma cage, pas suffisamment pour me libérer mais assez pour allumer une petite flamme. Je ne vois pas ce que je peux lui dire. Nous n’avons jamais eu l’occasion ni de discuter ainsi, ni d’avoir enterré la hache de guerre de la paix. Je me demande si j’ai envie de lui dire tout ce que j’ai en moi. En fait même si je le veux, je ne peux point tout dire… Mon cœur se serre un peu. Je soupire et esquisse un premier sourire mais me semble qu’il est crispé :

« - Les récents évènements sur l’académie me touche plus que prévu, tout simplement. »

Une seule habitude vient interrompre notre discussion. Mon ventre. Un horrible grondement. A croire que j’ai l’esprit qui me taraude trop au point de m’affamer. Oh, sur ce point-là je pense que je ne changerai pas. Je parvins à sourire sincèrement et fouille dans mon sac pour sortir deux Paris-Brest avec de la crème à la baie pêcha donnant une saveur sucrée et fruitée. J’en prends un et le tend vers Sayuri, tel un calumet de la paix. Je penche mon visage légèrement plus joyeux. Oui, un petit plaisir du genre est une sorte de rayon de soleil pour moi. Oh, me jeter sur de la nourriture en cas de baisse de moral n’est pas très bon mais j’arrive à garder une certaine ligne même en me goinfrant alors j’en profite.

« - En veux-tu ? Ah au fait, pourquoi m’abordes-tu ? D’habitude, je t’insupporte et je te le rendais bien… » Je termine avec un brin d’intérêt sans que cela soit une curiosité malsaine.

Tiens, Sayuri se sent concernée par les commentaires qui nous surplombent, à la fois à cause de mon rire de folle furieuse et maintenant du à notre discussion sans la moindre insulte ? C’est amusant, déroutant et quelque part rassurant. Je n’ai pas souvent l’habitude de l’empathie de la part de la Menthae vu que nous avons tendance à transformer les alentours en un champ de ruine bombardés de répliques cinglantes. Je ne préfère pas souligner ce point avec ma vis-à-vis ni montrer que cela me touche un peu. Je mords presque voracement dans ma pâtisserie à la fois par gourmandise et par gêne. Oh je ne cherche pas non plus de la pitié de la compagnie mais je sais me montrer reconnaissante et ne jette pas la pierre vers les personnes qui m’adressent la parole, même envers les personnes qui ont tendance à m’irriter comme Sayuri ici présente.

Des arbres pleurent, leur feuillage s’envolant et atterrissant au sol ou à la surface d’eau tels des petits bateaux. Il ne manquait plus qu’une musique d’ambiance et je serais détendue. Alors que j’avale ma première bouchée, Sayuri révèle d’une manière subtile ou maladroite, à vous de voir, qu’elle n’aime pas me voir ainsi. Etrangement, elle me ressemble sur ce point-là. Ne jamais dire ce qui peut nous trahir, ce qui peut nous rapprocher de quelqu’un, ce qui peut flatter l’ego du tiers qui nous fait face. Je souris et parvient à croquer à nouveau dans mon petit encas. La Menthae, alors que mon regard glisse vers elle, la vue de l’étang me lassant, semble s’entêter à fixer justement le point d’eau. Mon tic revient. Je pense mon visage comme si ce geste me permettait de deviner ce qu’elle pense. J’esquisse un dernier sourire et essaye de répliquer de la même manière qu’elle. Ce n’est pas pour la taquiner, ni pour la provoquer, il s’agit juste de lui donner aussi mon avis sur elle en ce moment :

« - Je pense que oui. Mon imagination veut me faire croire qu’en fait je te suis reconnaissante et qu’il y ait possibilité qu’on s’entende tout compte fait. »

Je finis ensuite le gâteau d’une bouchée tout en restant soignée, un exploit pour ma part avec un sourire plus joyeux. D’ailleurs je viens de me souvenir de quelques détails auxquels je tiens à discuter avec elle. Pour une fois qu’on ne passe pas notre temps à s’égosiller autant en profiter. Je plie le sachet qui a contenu les Paris-Brest et vise une corbeille au loin et … Bingo, j’ai réussi mon lancer. Quelques jeunes sifflent ou esquissent des applaudissements. Je n’y prends pas garde. Puis je réplique d’une voix plus chaleureuse :

« - Félicitations pour ton poste de préfète, Sayuri. Je pense qu’on va se croiser souvent maintenant. J’avoue aussi que ta victoire contre Drake Eastwood est méritée. J’aurais aimé voir le match. »

J’ai envie de la défier bien sur, juste par défi, juste par jeu. Mais ce n’est pas le moment. Je ne suis pas assez d’humeur pour et je préfère laisser mes amis pokemon se reposer. Je me redresse doucement me dirigeant vers l’étang et sort de nos sacs un paquet de nourriture pokemon. Je m’éloigne un peu de Sayuri. Je ne veux pas être trop proche d’elle. J’aimerais pas bien que nos discussions se déroulent souvent ainsi mais chassez le naturel il revient au galop. Je n’ai nul envie de retrouver mon habitude de la provoquer. De plus, je n’aime pas déranger quelqu’un pendant qu’il mange. Seuls quelques Couaneton et un Canarticho sont assez téméraires pour se rapprocher de moi et se délecter des friandises pokemon. Je ris avant de me retourner vers ma camarade et lui dire une seule et unique fois ce que je ne répéterais jamais :

« - Tu as un bon fond, je n’en ai jamais douté. Juste dommage que nous ayons des divergences trop nombreuses pour vraiment nous entendre.»

Je m’amuse encore avec les pokemons au bord de l’étang, détournant mon regard de Sayuri encore quelque peu gênée par mon aveu. J’ai l’esprit complètement déglingué pour lui dire ce genre de choses. Je mérite des baffes parfois. Seule la réplique de Sayuri me fait sortir de mes pensées qui débutaient à partir dans le drame. Je me retourne lentement sans pourtant pouvoir empêcher les pokemon de sursauter et de s’éloigner de la berge pour vaquer à leur ancienne occupation. Même Sayrui s’y mettait. J’écarquille les yeux et penche mon visage sur le côté complètement interloquée par sa réplique. Je remarque alors son hésitation. A-t-elle autre chose à me dire ? La voix de la sagesse a parlé, faites sonner le gong ai-je failli répondre mais encore cette fois, je ne suis pas moi-même et j’ai retenu ses paroles qui ne désiraient qu’une chose que nos disputes reviennent. Je n’aime pas monter que je peux être humaine, avoir des moments de doute. Mais il est trop tard. Je le regarde sans rien dire avant de murmurer en le regardant s’éloigner :

« - Tu l’as dit ma chère. »

Je rejoins le banc tout en disant que la Menthae avait réussi à me faire sortir de ma torpeur, de ma décadence dans la folie. Je ressens une sensation étrange comme si la préfète des intello de service avait été ma bouée de sauvetage m’empêchant de couler dans des abysses prêtes à me dévorer. Je souris et remarque un papier dépassant du libre que j’ai déposé tout à l’heure. Curieuse, j’aperçois une numéro et comprit que Sayuri avait fait un autre pas vers moi pour me sauver de la noyade. J’éclata de rire, étonnée par la tournure des évènements. Tout compte fait, je remonte à la surface.