Un centre commercial dans le mois précédant Noël ressemblait à une ruche. Les gens y semblaient aussi affairés que des abeilles, circulant dans tous les sens. Ils se croisaient, se heurtaient parfois. Et c'était pour cela qu'Anya détestait encore plus – si c'était possible- aller faire des courses en cette période. Trop de monde, trop de bruit, trop de stress ; ce n'était pas une nouveauté que la Narcissus n'était vraiment à l'aise qu'en petit comité. Mais bon, il fallait qu'elle achète de la nourriture pour ses pokémons, ses réserves s'épuisant. Oh bien sûr, ils n'étaient pas sur le point de mourir de faim, elle ne l'aurait pas permis, mais vu que ses cours se terminaient plus tôt ce jour-là, il était judicieux d'en profiter pour faire ce qu'elle devait : elle n'en aurait sûrement pas l'occasion avant la fin de la semaine. D'autant plus qu'il continuait de pleuvoir. Autant dire que pour entraîner ses pokémons face à des pokémons sauvages – et la blonde pensait qu'il s'agissait là de la seule sorte d'entraînement qui fut vraiment efficace-, cela restait légèrement compliqué ; elle n'avait pas envie de mener un match sous la pluie. Tandis que pour aller faire des courses, eh bien, il suffisait simplement de s'équiper en conséquence ; ce qu'elle avait fait, en revêtant un pantalon- une fois n'était pas coutume, mais une robe sous la pluie n'était pas exactement ce qu'il y avait de plus pratique-, des hautes bottes ainsi qu'un long manteau gris sombre et s'armant d'un parapluie. Cette tenue pouvait passer pour passe-partout, mais c' était aussi un des buts recherchés, en plus d'avoir bien chaud. Ne jamais attirer l'attention en portant des couleurs voyantes – sûrement au grand dam de Sarah, qui elle, privilégiait les vêtements colorés, comme Anya pouvait le voir, chaque fois que, ô joie, les vêtements de la brune se trouvaient éparpillés.

Là s'arrêtèrent ses vagues réflexions ; un espace de grand échalas venait de manquer de la heurter, et , en plus, se permettait de lui faire une réflexion. La blonde se contenta de lui darder le regard le plus inexpressif qu'elle avait en rayon, lui signifiant bien à quel point cela ne la touchait pas. Voilà où était le problème de ne mesurer qu'un petit mètre soixante : on risquait de se faire malmener par des plus grands que soi. De plus, elle détestait que ses interlocuteurs aient à baisser le regard pour lui parler. C'était comme s'ils la regardaient de haut pour la mépriser, et cela, elle ne le supportait pas. Elle ne s'excusa pas : au nom de quoi l'aurait-elle dû ? Elle faisait tranquillement son chemin, et c'était lui qui ne s'était pas écarté. Elle, s'écarter pour éviter de heurter quelqu'un ; quelle blague. Cet imbécile avait vu qu'elle n'allait pas dévier de sa route ; pourquoi n'avait-il pas agi en conséquence ? Mais l'incident fut oublié à peine quelques minutes plus tard, et son humeur, maîtrisée.

Elle acheta rapidement la nourriture pokémon dont elle avait besoin. Le magasin était, comme elle aurait du se douter, plus que bondé. Elle doutait cependant que la situation eût été différente si elle était venue plus tôt ou plus tard. C'était la saison qui voulait ça, voilà tout. Raison de plus pour qu'elle n'aime pas particulièrement les fêtes de fin d'année -en plus du côté archi-commercialisé de ces fêtes. Elle ne faisait qu'une exception, pour envoyer un cadeau chaque année à son demi-frère Jonathan : il s'était toujours montré correct et agréable avec elle. Et puis, c'était lui qui lui avait offert Gobou. Malgré sa faiblesse – qui de toute façon n'était que temporaire- elle fondait de grands espoirs sur lui. Peut-être trop. Mais il fallait admettre qu'il y avait de quoi : Laggron, son stade d'évolution finale, était puissant.

A la sortie du magasin, elle entendit clairement une voix connue – et pour cause, puisqu'elle avait vu son propriétaire la veille. Rex. Il se plaignait des prix des objets vendus dans le magasin, et à vrai dire, elle ne pouvait pas lui donner tort. Elle avait beau venir d'une bonne famille, le prix lui faisait quand même mal au porte-monnaie. Peut-être bien qu'elle avait un côté un peu radin, en plus de ses innombrables qualités, en fait. Elle se glissa comme une ombre à travers la foule pour venir près de lui, et lança avec sa délicatesse habituelle :

«Ce sont les fêtes qui veulent ça. Esprit de Noël, mon œil. Si les commerçants n'essaient pas simplement de s'en mettre encore plus plein les poches que d'habitude...»

Allez, un peu de mauvais esprit. C'était tellement plus distrayant.