« Ecoute Lisa ...
- Passe-le moi.
- Sois raisonnable, respecte la décision de ton fr...
- Pourquoi tu te plies à ses ordres, comme ça ?! J'ai besoin de lui parler, qu'il cesse de faire le lâche ! »

Sa voix avait retenti dans la totalité du couloir. Ayant perdu sa quiétude caractéristique, face à un simple coup de fil.

« ...
- ... Au fait, ton père a perdu une grande partie de ses investissements dans une affaire qui a mal tourné. Nous ne pouvons plus t'envoyer d'argent.
- ... Pardon ?
- Ne prends pas ce ton indigné. Dis-toi que ce sera l'occasion pour toi de devenir un peu plus autonome ...
- Ne me fais pas avaler de telles conneries. ... »

Tête baissée, le poing serré, la jeune femme calme et distinguée qu'était Mademoiselle Richards avait rétrogradé au rang de jeune adolescente capricieuse et effrontée. Jamais elle n'avait autant perdu son sang-froid, depuis son arrivée dans cette académie. Quelque chose ne tournait pas rond ; et ça, elle le savait. Qu'en était-il de son jumeau, hein ...

« Vous n'avez pas coupé les vivres d'Andrew, que je sache.
- Tu n'es pas très bien placée pour protester, jeune fille. Trouve-toi un travail et médite sur le pourquoi de ta nouvelle situation. Nous te rappellerons dans quelques mois. »

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C'est ainsi qu'elle s'était retrouvée là, derrière ce bar ; à servir les clients, à empiler et nettoyer les verres pour ne jamais en manquer ... Elle en avait un peu baver, avant d'arriver à ce poste. Elle n'était pas si mal payée que ça et récoltait une quantité de pourboires non négligeable et ce grâce à son joli minois.

Cependant le sourire n'y était pas. Depuis cette altercation téléphonique, la demoiselle était d'une humeur de chien ; elle était redevenue un glaçon. Les sourires polis qu'elle lançait aux clients étaient plus inquiétants qu'autre chose. Du coup, elle préférait jouer la barmaid taciturne et concentrée dans son travail, restant digne, même en ces temps durs. Le bon côté des choses fut certainement son uniforme ; chemise blanche, noeud papillon noir, jupe noire taille haute et talonnettes cirées. Les prolétaires peuvent parfois se montrer classes, oui oui.

Une fête avait lieu, ce soir-là. Elle remarquait beaucoup d'élèves de l'académie mais faisait profil bas, ayant très peu, voire pas du tout envie de parler. Seule derrière son bar, à préparer des cocktails à la chaîne.

Pourtant, elle se fit alerter par un adolescent, ce qui lui valut de relever sa tête afin de le regarder dans les yeux. Elle-même ne savait pas pourquoi elle s'était décidée à se confronter oeil pour oeil à un inconnu. Son travail le demandait bien. Mais ce fut la première fois qu'elle ne fuyait pas, de toute la soirée.

Se tenait devant elle un garçon aux yeux de jade, dôté de cheveux en bataille, le poil lui semblant châtain. Il était visiblement plus petit qu'elle ; de plus, les talons qu'elle portait ainsi que l'estrade du bar empirait le fossé. Détails, détails.

« Excusez-moi Mademoiselle... Bonsoir ! Je voudrais un rhum/mangue s'il-vous-plaît. »

Il était sûrement un étudiant de l'académie. Maintenant qu'elle y réfléchissait, sa tête lui disait quelque chose. De la même maison que la petite Diane, probablement.

« Toute suite, murmura-t-elle, avant d'attraper les bouteilles concernées et de s'exécuter. »

Elisabeth était une jeune femme plutôt adroite, au naturel. Son aisance, que ce fut à l'écrit, au dessin, ou dans tout autre travail où la dextérité peut se trouver fortement remise en question, oeuvrait de telle sorte que presque jamais aucune maladresse n'avait été perçue chez elle ; sauf lorsqu'il s'agit d'un élément pertubateur extérieur à son activité, qui la ferait tomber, ou autre.

Du moins jusqu'à ce jour.

La bouteille glissa de peu, renversant de son contenu sur l'endroit où le jeune homme était appuyé.

« Put ... Mince ! corrigea-t-elle, confuse, rattrapant la bouteille avant de la reposer un peu plus loin sur le bar. Elle se saisit d'un torchon, essuyant la flaque d'alcool sur le plan. Vous n'êtes pas tâché ? »

Le garçon fit une manoeuvre risquée, se perchant sur les deux pieds arrières de sa chaise haute, s'équilibrant à l'aide de ses mains accrochées au comptoir. Il aurait facilement pu glisser sur le parquet ciré puis se casser la figure au milieu de tout le peuple dansant.

Mais il eut la chance de demeurer intact, et d'esquiver le jet d'alcool provenant du bar. Sauvé.

« Il y a pas de problèmes t'inquiète, je n'ai rien sur moi. »

Phrase qui fit échapper un petit soupir de soulagement à la jeune femme. Déjà qu'elle demeurait un peu sur la paille, elle n'allait pas avoir à payer pour la casse - à savoir, une éventuelle chemise tâchée au rhum.

Il avait semblé s'amuser de la réaction de la barmaid, l'espace d'un instant. Chose qui la mit un peu plus confiance, car il ne s'agissait pas là d'un client farouche capable de la traîner en justice pour une telle erreur. Elle lui fit donc un petit sourire gêné, tandis qu'il lui adressait un visage taquin, gratifié par un petit clin d'oeil qui ne lui échappa pas.

« Je reprendrai la même chose, dans le verre s'il-te-plaît !
- Haha ! ... se mit-elle à pouffer nerveusement, se grattant la joue tout en rosissant doucement. Mais quelle honte ...
- Je rigole, c'est pas grave ça arrive à tout le monde les erreurs. »

Elle se mit à cligner des yeux tout en l'observant, surprise. Enfin, tant mieux s'il le prenait de cette manière. Non ? La dresseuse se remit donc à sa tâche, s'emparant d'un nouveau verre et faisant attention à ne pas faire glisser la bouteille, ayant préalablement vérifié si ses mains n'étaient pas moites.

« Contente de vous l'entendre dire. Je n'ai pas très envie de me faire virer, à vrai dire ... insinuait-elle, détournant les yeux vers son patron qui était en train de s'éclater avec quelques jeunes gens plus loin. »

Le fait qu'il organisait régulièrement des fêtes de ce type ne fut pas si étonnant, d'après ce qu'elle était en train de voir. Pourquoi avait-elle si peur dans ce cas ?

Juste de ne plus pouvoir pleinement contrôler sa façon d'être, d'agir. C'était ça, qu'elle craignait.

Devenir l'objet d'une manipulation vicieuse. Comme elle avait eu l'occasion d'en commettre, autrefois ...

Elle sursauta quelque peu lorsque le jeune homme lui glissa ces quelques mots à l'oreille, tandis qu'elle, était perdue en pleine considération à propos de son supérieur.

« Ne t'inquiètes pas, s'il y a le moindre soucis à cause de ça ce soir je dirais que c'est de ma faute et que tu n'y es pour rien. »

La jeune femme l'observait d'un oeil déconcerté. Comment un parfait inconnu pouvait-il se montrer aussi altruiste à son égard ? Elle, ça ne lui viendrait jamais à l'esprit, de venir en aide à quelqu'un qu'elle ne connait pas. Dans des circonstances graves où elle pourrait y tirer son propre profit, oui, pourquoi pas. Mais dans une telle situation ... La barmaid, on devrait s'en foutre un peu quoi.

D'ailleurs, que faisait-il là, à discuter avec elle, alors que la fête battait son plein ?

« Je pense que vous ...
- Je m'appelle Noah, arrêtez de me vouvoyer je n'aime pas ça, ça fait vieux s'il-vous-plaît. Et toi quel est ton nom ?
- ... »

Elle trouva ce garçon bien direct, pour le coup. Et à vrai dire, cela lui plut. Après tout, pourquoi y aller par quatre chemins lorsque le désir d'en savoir plus sur la personne se tenant en face de vous se manifeste ? Elle allait donc lui répondre, lui souriant d'un air amusé.

« Elisabeth. Je disais donc ... je pense que tu devrais boire ton verre puis aller profiter de ta soirée, plutôt que de te soucier des problèmes que pourrait avoir une employée telle que moi. »

Sur ces mots, elle s'empara alors d'un verre vide non loin, commençant à le nettoyer sur le champ, nonchalante. Si seulement il y avait des Pokémons ou quelqu'un d'autre pour la remplacer.

Elle lui jeta cependant un léger coup d'oeil, histoire de ne pas totalement ignorer son client pendant qu'elle s'était mise à l'oeuvre sur un verre propre, l'espace d'un instant. L'intéressé venait de prendre un air enfantin et vexé. La jeune femme haussa les sourcils, se demandant ce que pouvait bien lui valoir une telle expression ... ?

Elle tiqua, lorsqu'elle le vit sortir une cigarette de son paquet.

« Primo' Mademoiselle Elisabeth, mon verre je vais le boire et ma soirée je vais en profiter. Justement je suis très bien sur ce tabouret, je compte bien y rester encore un peu. »

Ses oreilles n'étaient là qu'à moitié, à vrai dire. Avait-on le droit de fumer, ici ? Devait-elle lui dire quelque chose ? Après tout, il avait tellement l'air sûr de lui que, peut-être, était-il au courant de s'il avait l'autorisation. Ou alors, c'était un simple délinquant. Oui, s'ils avaient réellement le droit, Mademoiselle Richards aurait surement été l'une des première à garder la clope au bec. Ce travail peut s'avérer tellement stressant, par moment. Oh la la. Quoiqu'il en fût, l'envie de s'en griller une se décupla à la simple vue de cette petite clope. Clope qu'il alluma, sans qu'elle n'ait eu le temps de répliquer, tant elle était troublée par son apparition.

Elle fit une mine déconfite.

« Secundo' je préfère actuellement discuter avec une jolie serveuse plutôt qu'aller me trémousser sur la piste comme un idiot... Et tertio on peut fumer ici ? »

Un temps de latence se fit sentir. Que devait-elle faire ? Quant à lui, pourquoi lui posait-il la question juste après l'avoir allumée ? Ces jeunes alors. Enfin, elle allait bien lui pardonner son idiotie pour la bouteille renversée du moment.

La jeune femme approcha sa main de l'individu puis s'empara doucement de sa cigarette, effleurant leurs doigts. Elle faucha ensuite un cendrier non loin, puis l'éteignit dedans. Un sourire agréable empreint sur son visage.

« Je ne pense pas qu'on ait le droit, désolée. »

Une barmaid s'accaparant la cigarette d'un client pour l'éteindre sans son autorisation. Un tableau peu commun. Mais qui fut vite épuré par un petit rire narquois de la part de la Spiraea, ayant préalablement sorti sa boîte à tabac.

« Cependant ... lorsque tu auras pleinement profité de ton verre ainsi que de ton tabouret, la jolie serveuse pourrait se résoudre à sortir s'en griller une avec toi. »

Elle rigola de plus belle.

Il ne se fit pas prier ; il vida son verre de rhum cul sec - véritable prouesse que la jeune femme aurait sûrement hésité à effectuer -, avant de lui lancer un étrange sourire, surement raidi par le degré d'alcool qu'il venait tout juste d'ingurgiter sans réfléchir. Elle espéra qu'il tint assez bien la goutte, tout de même. Cela lui éviterait de devoir s'occuper d'un nauséeux pour le reste de sa soirée.

Le garçon se tourna ensuite sur sa chaise haute avant de ... disparaître. Elisabeth fit de grands yeux, effarée. Le Noah venait de se croûter au sol, ayant préalablement glissé sur la flaque d'alcool qui gisait sur le parquet de la salle. Elle sortit immédiatement derrière de son comptoir pour venir aux nouvelles tandis que lui, se relevait.

« ... Ca va ? Fit-elle, retenant une irrésistible envie de pousser un rire bruyant. Les gens autour d'eux s'étaient écartés, rigolant et plaignant le malavisé.
- Tu vois t'es pas la seule à être maladroite... Maintenant on est deux ! »

Elle pouffa, remettant par ailleurs sa boîte à tabac dans sa poche. Elle vint ensuite lui tapoter la tête, geste amical, faisant semblant de le recoiffer ; elle le dépassait clairement d'une tête, perchée sur ses talons hauts - peut-être même pieds plats ? Ce ne fut cependant qu'un détail.

« Alors, on y va ? Questionna-t-il, tout sourire.
- Allez. »

La jeune femme tourna sa tête en direction de l'une de ses collègues, lui indiquant qu'elle allait prendre une petite pause. Elle commença alors à se frayer un chemin à travers les étudiants sur la piste, en direction de l'extérieur du bar. Le regardant en coin tout en lui adressant un sourire taquin :

« C'est pas bien de fumer, tu sais. »

« C'est pas bien de fumer, tu sais.
- Je le sais et pourtant je le fais malgré moi on dira, et puis je ne suis pas sûr que tu sois la meilleure personne pour me le faire remarquer. N'est-ce pas ? »

Réplique ayant animé un petit rictus chez la Spiraea, avant que son interlocuteur ne rigolât de plus belle. Il était clair que là, elle n'était pas vraiment la mieux placée pour lui parler d'une quelconque prévention. Elle qui se plaisait à rire au nez des gens la jugeant trop dépendante de la clope ... Elle l'assumait pleinement. Si l'on peut choisir ses vices, pourquoi ne pas choisir la cigarette ? Pourtant, elle avait bel et bien prononcé cette phrase ; phrase qui n'avait pour seul et unique but de taquiner le garçon, qu'elle estimait un peu plus jeune qu'elle, sans aucun doute. De toute évidence, la jeune femme n'avait pas réellement cherché à le sermonner.

Plus jeune, certes, mais la galanterie était une notion qui ne lui était pas inconnue - ce qui valut à la dresseuse de faire le rapprochement entre son camarade et un certain préfet Narcissus qu'elle côtoyait assez fréquemment. Elle sortit donc du bar pendant que Noah lui tenait la porte ; un petit air frais vint lui caresser les pommettes, ce qui lui fit pousser un petit soupir détendu. L'atmosphère était tellement lourde à l'intérieur, avec tout ce peuple qui dansait, et la musique au volume maximum dans les enceintes.

Tandis qu'elle était en train de ressortir sa boîte à tabac pour s'en rouler une, il l'interrompit en lui tendant une cigarette prélevée de son paquet.

« Je peux t'en offrir une, mais attention c'est pas bien de fumer. »

Commentaire qui lui fit émettre un rire joyeux, avant d'attraper la clope de ses deux doigts en souriant de toutes ses dents, observant d'un oeil distrait le zippo de Noah.

« Je suis peut-être même l'une des pires personnes victime de ce syndrome. Donc effectivement, je n'étais pas la meilleure personne pour te faire la remarque, fit-elle, enjouée, clope au bec. Il est sympa ton feu dis-moi, je peux ? »

Elle tendit la main en direction du briquet, le scrutant avec de grands yeux envieux.

Le garçon lui prêta alors son zippo, lui offrant un énième sourire, par la même occasion. Cependant, il parut à Elisabeth quelque chose de différent. Une certaine ... réticence, oui ? Elle regardait le garçon tout en attrapant délicatement le briquet, se posant quelques questions. Il devait surement y tenir, d'une quelconque manière. Elle allait donc l'utiliser avec attention.

Tandis qu'elle tirait sur sa cigarette pour qu'elle pût s'allumer, soufflant par la suite une fumée translucide, elle perçut les mouvements de Noah, qui était en train de sortir l'une de ses Pokéballs. Tiens ? Quelle drôle d'idée. Bras croisés, clope entre ses doigts, elle l'observait faire, d'un air intéressé, curieux. Après un bref éclat lumineux, un petit Pokémon, inconnu à ses yeux, apparut à leurs pieds. La créature se dirigea d'emblée vers son dresseur, l'interpelant à coups d'os, sur le mollet. Elle esquissa un sourire, s'approchant un peu ; dégainant son Pokédex.

« Ce zippo est un cadeau de mon père. Ah ? Ce devait être pour ça, qu'elle avait senti une certaine hésitation de la part du garçon. Au fait je te présente Osselait, jeune pokémon au fort caractère comme tu as pu voir. »

La Spiraea lut les données défilant sur son Pokédex, jetant de brefs coups d'oeil à l'intéressé, au fur et à mesure qu'elle collectait les informations. Ainsi, il avait un Pokémon Sol ? Mademoiselle Richards était beaucoup plus attirée par l'élégance des Pokémons Glace. Seulement, tant que le dresseur et le Pokémon s'appréciaient, le type n'était pas vraiment important. Non ? L'Osselait était grimpé sur les épaules de Noah, son crâne posé sur sa tête. Ils avaient l'air de vraiment bien s'entendre. Ce qui donna une petite idée à la serveuse ; s'il fallait faire les présentations...

« Alors tu es étudiante toi aussi, à Alcea Rosea ? »

La jeune femme acquiesca, lui souriant, détendue. Elle lui tendit son zippo puis plaça ses mains dans les poches de son chemisier, s'emparant de trois Pokéballs, clope au bec.

« Oui. Puisque tu m'as présenté ton Pokémon, je m'en vais te montrer les miens. »

Les trois sphères s'ouvrirent en même temps, laissant s'échapper trois faisceaux lumineux distincts. La jeune femme s'accroupit, tandis que son Macronium, son Obalie et son Marcacrin émergeaient. Elle tendit les bras vers eux avant qu'ils ne viennent vers elle d'un pas hésitant, voire craintif. Elisabeth fit des yeux ronds. Ses Pokémons avaient peur d'elle ? ...

« Qu'est-ce qui vous arrive ? ... Surry ... murmura-t-elle, couvant son Obalie du regard. Tu ne me reconnais pas ? ... »

Quelque chose clochait. Peut-être que l'entraînement intensif qu'elle leur avait fait suivre ces deux dernières semaines, dans la perspective du tournoi, les rendaient un peu farouches, à son encontre ... Elle ne parlait même pas du Triopikeur ; lui, c'était pire que ça. Il était sa seule et unique chance de vaincre Riley, championne d'Acier. Du coup, il subissait une remise à niveau beaucoup plus intense.

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