La plage s'étendait devant moi, le temps était clair et le soleil radieux... Je souriais légèrement en sirotant mon verre de whisky... J'étais venu m'installer à la terasse du restaurant et profitait de la vue d'une mer calme et dégagée. Si cela n'avait tenu qu'à moi, je serais bien allé naviguer mais... Ce n'était pas possible avec mon Pyronille... Je le regardais d'ailleurs se prélasser à même la table que j'occupais... Il ne se dérangeait jamais... Un sourire se dessina sur mes lèvres en le voyant somnoler, tranquille, à l'ombre du parasol. Il allait finir par s'endormir sur la table ce petit paresseux ! Je pris un air amusé tout en sortant une feuille et un crayon. Je regardais la mer en arrière plan, ainsi que mon petit pokémon à demi endormi.

Je commençais alors à crayonner, traçant rapidement quelques courbes et montant déjá un croquis. La mer et la plage en fond, et Pyronille allongé sur la table au premier plan. Oui, je voyais déja le dessin prendre forme... Je commençais donc mon oeuvre, m'arrêtant quelques minutes plus tard. Oui, j'étais satisfait de la tournure que prenait mon dessin... Je relevais alors la tête et remarquait une demoiselle... Que je connaissais. Lilith Howard... Hum. Cette demoiselle était certes charmante... Elle était tout de même parfois difficile à cerner. Je lui fis tout de même un signe de la main, l'invitant à me rejoindre.

Salut Lilith ! Qu'est ce que tu fais ici dis moi ?

Oui, cela m'intriguait légèrement. Je la connaissais un peu, et je savais qu'elle ne fréquentait habituellement que rarement ce genre d'endroits. Alors pourquoi était- elle ici ? J'allais le savoir très vite...

Laureen Howard était surnommée par tous Lilith. Ce n’était pas un sobriquet qu’elle s’était attribuée elle-même, mais quelque chose de plus profond. La Team Astria avait su dénicher son potentiel de figure neutre et froide, insensible et un peu passe-partout, à l’instar de ses pokémons, de son type fétiche. Elle était devenue Lilith pour à peu près tous les élèves. Cet être diffus, un peu d’ailleurs, qui ne se sentait à l’aise que dans la solitude ou dans l’immatérialité.

Elle avait rencontré William De La Vega près de la bibliothèque. Ils avaient échangé quelques mots, quand elle s’était cognée à son épaule. Il se rendait régulièrement à la bibliothèque, et cela avait étonné la demoiselle. Légèrement, et intérieurement. C’est-à-dire qu’elle avait simplement haussé les épaules et soufflé: “À quoi bon?” William était un garçon très sensible, et il appréciait toutes les formes d’art. Voilà ce que Laureen avait déduit du Menthae de deux ans son aîné.

Elle avait besoin de quelques explications à propos des relations amoureuses. En vérité, elle avait seulement besoin de parler à quelqu’un. Et elle n’avait pas réellement d’amis, de meilleure amie, alors elle s’était dit, en bonne inadaptée, que William ferait l’affaire. Elle ne promettait pas de longues conversations animées, mais qu’il dirait des mots apaisants pour calmer son angoisse tenace.

Où le trouver? À la bibliothèque. Elle avait pourtant fait trois fois le tour, l’air de rien, sans voir le bonhomme. Quel endroit était beau, romantique? Laureen dut demander autour d’elle, des élèves anonymes dans la masse. Ceux qui avaient l’air le plus abrutis, ceux qui étaient en couple. La mer, le restaurant. Un endroit parfait pour un dîner en tête à tête. Laureen ne s’était même pas posée la question: et si William n’était pas seul, s’il se trouvait là-bas? Lilith ne dérangeait personne.

« Salut Lilith! Qu'est ce que tu fais ici dis-moi? »

Laureen sursauta. Alors cette figure était bien celle de William, tout au bout, ici? Si familier... Peu importe, aujourd’hui, c’était plutôt positif.

Elle s’approcha calmement, car, après tout, ce n’était pas intéressant de courir à la rencontre d’un presque inconnu. Laureen se posta derrière l’épaule de William, observant ce qu’il était en train de faire, du dessin. Si artistique...

Elle prit d’une main le dossier de la chaise face au garçon, et demanda:

« Tu n’attends personne? Je peux m’asseoir? »

Puis, plus sèchement, mais aussi, plus doucement:

« Lâche tes gribouillis, et sois attentif à ce que je vais te dire. »

Laureen Howard. Surnommée Lilith, rencontrée dans un couloir. Oui, dans un couloir... Rencontrer la dernière d'Astria dans un couloir. Plutôt amusant comme façon de rencontrer une telle demoiselle. Quoique, entre ça et ma rencontre avec Martha dans les serres... Je n'allais pas faire de sommentaires stupides suplémentaires. Mon doigt était d'ailleurs encore meurtri par la blessure que je m'étais faite cette fois là...

Je regardais alors la demoiselle approcher, prenant son temps. Elle avait d'ailleurs bien raison. Je continuais mon dessin, un peu distraitement. Je la vis venir regarder par dessus mon épaule avant d'aller s'asseoir en face de moi. Je continuais à tracer quelques courbes acquiessant à sa question. Puis, je fus bien obligé de m'arrêter. Alors elle avait à me parler ?

Hum ?

Je posais alors mon crayon, relevant un peu la tête, croisant son regard. Comme d'habitude figé et froid mais... Il y avait quelque chose d'autre. De la détermination ? Du sérieux ? Je ne saurais dire... Un savant mélange des deux. Surement. Je souriais légèrement. Elle qui était si froide et si calme d'habitude... Je ranfeais alors ma feuille et mon crayon avant de reporter toute mon attention sur elle.

Bref, de quoi voulais-tu donc me parler ?

William s’arrêta enfin. Laureen cessa de gratter l’ongle de son index contre le bois de la table, l’air absent. Elle attendit qu’il ait bien tout rangé, qu’il ait l’esprit ouvert, ou du moins ses deux oreilles inoccupées. Laureen avait horreur de parler sans être écoutée, de déblatérer trois mots et de se rendre compte que tout est à recommencer, à redire, parce que la personne en face n’est pas foutue d’être seulement compatissante. Parler n’a jamais été une chose facile, et parler est important. Lilith appréciait ou simplement considérait peu de personnes, mais elle entendait toujours lorsqu’on lui adressait la parole. Ce n’était même pas du respect, juste de l’humanité.

« Hum? »

Il était presque prêt. Laureen croisa ses bras sur la surface de la table. Elle était légèrement tendue, comme à chaque fois qu’elle requérait de l’attention. Elle n’aurait pas fait une bonne oratrice, et c’est pour cela qu’elle n’envisageait pas cette option dans son plan de carrière. Lilith était une dresseuse talentueuse, et extrêmement à l’écoute de ses pokémons. Parce qu’elle les choisissait, peut-être. Les spectres étaient les favoris du numéro douze, mais c’était parce qu’ils étaient ceux qui comprenaient le mieux le caractère un peu étroit de Laureen. Elle n’avait pas à se sentir mal du comportement de ses partenaires: elle avait exactement le même.

Enfin, William laissa tomber son activité. Il regarda Laureen droit dans les yeux. Qu’y voyait-il? Y voyait-il à quel point elle prenait sur elle-même pour rester assise ici et commencer une conversation? Une conversation qu’elle désirait? Voyait-il, dans les méandres de ses pupilles insondables, ce qu’on ne saura deviner? Les muscles tendus, le souffle relâché, la détente qui faisait pression dans tout son corps.

Il sourit.

« Bref, de quoi voulais-tu donc me parler? »

Laureen ouvre la bouche, et, comme un poisson hors de l’eau, elle la referme aussitôt. Elle réfléchit quelques instants, de la meilleure manière pour aborder le sujet.

« Tu es mon aîné, ici, tout le monde semble être si occupé, c’est sûr, mais, dis-moi, comment font les gens pour en fréquenter d’autres? Et puis, qu’est-ce qu’ils font », demanda-t-elle, froidement choquée.

Elle croisa ses doigts et les décroisa.

« C’est que- Je crois bien qu’on m’a faite une telle proposition. Et je ne vois personne d’autre que toi, à ennuyer », soupira-t-elle, presque fatiguée.

Elle semblait mal à l'aise. Vraiment. Je la voyais croiser et décroiser les doigts, tenter de parler avant de refermer la bouche. Je souriais légèrement en la voyant ainsi... Elle avait toujours autant de mal avec le relationnel. Je l'avais remarqué la première fois que je l'avais rencontrée... Mais, moi aussi j'avais parfois du mal à m'approcher ou même à fréquenter les autres... Comment je faisais ? Comment et pourquoi fréquenter les autres ? Intéressante question... Il est vrai que parfois, je n'y voyais pas l'utilité moi non plus. Je réfléchissais quelques secondes, le coude posé sur la table...

Et bien... Tu arrives à côtoyer tes pokémons pas vrai ? Et bien dis toi que c'est la même chose avec les gens... La différence n'est pas grande, ouvre toi un peu et tu comprendras... Et cesse donc de te tracasser ou de te stresser, cela ne t'aidera pas. Détend toi, je ne vais pas te manger.

Elle ajouta ensuite qu'elle n'avait que moi à embêter... Ou du moins, elle le lâcha dans un soupir d'ennui... Pour le moment du moins. Je souriais à ces mots et commençait par lui prendre la main droite avant d'ajouter quelques mots.

Détends toi voyons, cesse de croiser et décroiser les doigts ainsi... Alors comme ça tu n'as que moi à venir ennuyer ? Et si je te disais que tu ne m'ennuie pas ? Enfin, avais-tu d'autres questions ? Si tu n'en as pas, je peux peut être t'offrir à boire, qu'en dis tu ?

Je n'avais pas vraiment d'idée ou de proposition à lui faire... A vrai dire, son arrivée m'avait pris au dépourvu... Que faire désormais ? Je me le demandais... J'allais surement trouver rapidement, mais il me fallait le temps de la réflexion...

« Et bien... Tu arrives à côtoyer tes pokémons pas vrai? (Laureen hocha la tête.) Et bien dis toi que c'est la même chose avec les gens... La différence n'est pas grande, ouvre toi un peu et tu comprendras... Et cesse donc de te tracasser ou de te stresser, cela ne t'aidera pas. Détends-toi, je ne vais pas te manger. »

Laureen posa un coude sur la table et reposa son menton dans sa paume ouverte. Elle gratta de sa main libre le bois de la table, entreprenant finalement de la réduire en un tas d’échardes. Elle leva les yeux sur son aîné.

« Aucun de mes pokémons ne risque de me décevoir. Parce que personne ne les comprend mieux que moi, et j’ai totale confiance en eux. »

Elle tourna entre ses doigts un bout de la table.

« Désolée de ma nervosité. Il faut que je m’occupe les mains, sinon, je n’arrive plus à réfléchir. »

« Je peux peut être t'offrir à boire, qu'en dis-tu? »

Laureen esquissa un sourire calme, et considéra William quelques instants. Elle n’aurait jamais pensé être sincèrement bien, à l’aise, avec quelqu’un. Elle traitait William comme elle imaginait qu’une personne traitait un ami, comme elle se serait comportée si Tenefix ou Minus étaient dotés de la parole. Elle posa son menton entre ses deux mains et ne se départit pas de son sourire fané. La brise légère faisait voleter ses cheveux, et le soleil réchauffait doucement son crâne.

Ce n’était pas une si mauvaise idée de traîner par ici.

« J’accepte le verre, qu’est-ce qu’on propose ici? »

Un ange passa. Le silence n’était pas désagréable.

« Et que comptes-tu faire en sortant d’Alcea? Devenir le premier poète à muses pokémons », se moqua-t-elle gentiment.