Depuis que Nayle était à l'académie, elle vivait sur un petit nuage doré, flottant à cinquante mètres au dessus du sol et sur lequel elle avait l'impression que rien ni personne ne pourrait jamais l'atteindre. Accompagnée H24 de son fidèle Caninos, qu'elle chouchoutait beaucoup trop de l'avis des autres (à juste titre), elle se baladait dans le campus, se pavanant comme la Narcissus qu'elle n'était pas. Elle ne touchait plus terre, donc, et sans pour autant se croire au dessus des limites, elle profitait à fond de la liberté que son jeune âge lui permettait. Elle était sans doute la plus jeune dresseuse d'Alcea mais peu lui importait. Il y avait toujours moyen de se faire des amis, malgré les différences d'âge plus ou moins importantes. Après tout, une passion commune réunissait tous les étudiants ici et cela faisait toujours un bon sujet pour démarrer une conversation. Du genre : « Oh mon dieu ! Ton Pikachu est trop mignon ! », phrase souvent accompagnée d'une bonne dizaine d'étoiles dans les yeux et d'un magnifique et immense sourire. Breff. Tout ça pour dire que Nayle ne se préoccupait pour le moment pas de sa vie sociale très peu remplie. Elle avait encore le temps !

Pour couronner le tout, il se trouvait qu'elle n'avait pas cours ce jour et elle décida d'aller faire un tour au centre commercial, histoire d'acheter quelques sucreries à partager avec son Cani' d'amour. Elle avait découvert quelques temps auparavant qu'il adorait les arlequins et malgré sa peur qu'il ne s'étouffe avec, elle ne pouvait s'empêcher de lui en prendre. En outre, puisqu'elle adorait cela également, ils se faisaient plaisir tous les deux. Elle avait cependant laissé son Phanpy dans sa pokéball et même si le traitement paraissait injuste vu la façon dont elle traitait son premier pokémon, Nayle n'avait pas vraiment envie de se balader avec deux pokémons derrière elle, malgré tout l'amour qu'elle leur portait et la fierté qu'elle en tirait.

Quelques instants plus tard, alors qu'elle sortait d'un magasin, des friandises plein les mains et le regard rivé sur ses précieux achats, elle percuta violemment quelqu'un. Surprise, elle lâcha ses bonbons qui se répandirent joyeusement sur le sol et tomba durement sur les fesses. Elle jeta un rapide coup d'oeil à son Caninos mais voyant qu'il n'avait rien, elle leva les yeux vers la personne qu'elle avait heurté.

« Oh ! Howard-san. Excusez-moi, je ne vous avais pas vue ! »

Elle se releva prestement et s'inclina humblement devant l'une des douze chefs de la Team Astria, comme elle l'aurait fait, à vrai dire, devant n'importe qui de plus âgé qu'elle. Elle avait beau être directe et parfois un peu trop impulsive, elle connaissait les bonnes manières. Et Laureen Howard était l'une des personnes devant lesquelles il était plus sûr d'être polie.

Les rues étaient bondées, les restaurants pleins à craquer. Dresseurs, couples satisfaits et touristes inquisiteurs croisaient leurs routes dans l'immensité du village, nuit comme jour.
Le soleil entamait sa brûlante course à travers le ciel quand Laureen se souvenue qu'elle avait des courses à faire. Draby, usuellement silencieux, s'impatientait de ne pas recevoir d'en-cas. Il s'était échappé de sa pokéball au petit matin pour les réclamer et le « non » évasif de sa maîtresse l'avait conduit à s'acharner dangereusement sur un mur de la chambre - dans un élan de solidarité, Griknot avait adopté le même comportement pour les mêmes raisons.

Les deux créatures s'étaient calmées à la promesse de son déplacement au centre-ville : ils attendaient probablement de voir si elle tiendrait sa parole en dorlotant au frais dans son lit. Oui, non, il y a plus urgent que ce cours. Elle s'était levée de sa chaise pour sortir de la classe : le professeur, qui l'observait avec beaucoup d'attention, s'écarta pour la laisser passer - peut-être croyait-il qu'elle avait d'importantes choses à faire.
En réalité, elle voulait juste s'acquitter de cette tâche au plus vite.
C'est en quatrième vitesse qu'elle se rendit au centre commercial, en évitant avec précaution la route de membres de l'équipe pédagogique.

Sur place, alors qu'elle commençait à comparer les prix affichés dans les vitrines (compte-tenu de son budget restreint, les économies étaient de rigueur), une fillette lui rentra dedans avec délicatesse, et avant qu'elle ne puisse réagir...

« Oh ! Howard-san. Excusez-moi, je ne vous avais pas vue ! »

Les enfants, l'innocence qui leur est généralement associée, l'insouciance de l'âge bête ou « l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde cassera » : la championne les aimait autant qu'elle les enviait d'une mélancolique naïveté, pour leur liberté d'esprit dont elle s'est déshabituée.
Jeune, elle suivait son père dans tous ses déplacements et il l'élevait en retour comme un garçon - parce qu'il aurait voulu en avoir un, à la place d'une fille - ainsi, elle apprit davantage à se conformer à ses volontés qu'à exprimer les siennes.
De ce fait, les bonnes manières de Nayle Turner, gagnèrent tellement l'affection de Laureen, que c'est avec un sourire modéré et sincère qu'elle la rassura :

« Ce n'est pas grave. » Ce n'était pas elle qui avait été mis à terre par le choc, mais l'enfant : si quelqu'un devait présenter des excuses, c'était à la jeune femme de le faire : « Tu vas bien ? »

Tout le monde, à l'académie, avait déjà entendu parler de la Team Astria. Tout le monde, car leur arrivée n'avait pas été la plus discrète possible. Douze chefs, douze « champions », à qui il fallait dérober les badges aux prix d'un incroyable combat de pokémons. Et pourtant, les principaux commandants, qui n'étaient pas forcément très âgés, étaient des adolescents relativement normaux et plus ou moins sympathiques. Nayle, pour sa part, en connaissait quelques-uns personnellement mais elle ne s'en vantait pas. La Team Astria n'était pas toujours bien vue et certains étudiants avaient très envie de se rebeller : Mirage en était le parfait exemple.

Breff. Tout ça pour dire que se retrouver face à une l'une des douze chefs imposait automatiquement le respect et Nayle n'était pas assez stupide pour agir comme si c'était sa meilleure amie. (Même si cela pouvait éventuellement le devenir par la suite. Ahem. Ou pas.) En outre, Nayle se considérait comme la seule coupable vu que c'était elle qui était rentrée dans la jeune femme. Trop concentrée sur ses bonbons et sur son Caninos, elle n'avait effectivement pas fait attention à ce qui se passait devant elle. Il en résultait donc une dizaine de bonbons éparpillés sur le sol et une fillette désolée.

Laureen la rassura gentiment, lui adressant par la même occasion un sourire aimable, alors que Nayle se redressait. Celle ci lui retourna un sourire léger et franc, rassérénée.

« Ce n'est pas grave. Tu vas bien ? »
« Oui, oui ! Merci de vous en préoccuper. » acquiesça-t-elle vivement, en hochant la tête prestement. « Qu'en est-il de vous ? J'espère que je ne vous ai pas blessée ! »

La fillette regarda son Caninos, qui l'observait docilement, et le caressa tendrement, appréciant la douceur de son poil tigré. Elle se pencha rapidement et ramassa les bonbons, qu'elle fourra dans la petite besace qu'elle transportait partout avec elle et dans laquelle elle avait toutes sortes de choses plus ou moins utiles : pokéballs, potions, stylos, friandises ... Une fois que tout fut ramassé, elle se retourna face à la jeune femme et lui adresse un nouveau sourire.

« Puis-je vous demander ce que vous faîtes ici, sans vouloir paraître indiscrète ? »

N'était-elle pas censée être en cours ? Après tout, le programme des masters devait être beaucoup plus chargé que celui des premières années ... Une seule solution possible : Laureen séchait sûrement les cours. Mais peut-être que son statut de chef de la Team Astria le lui permettait ? Elle devait sans doute avoir une dispense spéciale. Ou quelque chose du genre. ... Ou pas ?

« Oui, oui ! Merci de vous en préoccuper. » La petite fille acquiesça avec énergie, un ravissant sourire aux lèvres. « Qu'en est-il de vous ? J'espère que je ne vous ai pas blessée ! » Avec quelques billets roulés dans la poche d'une veste qui ne lui seyait pas, cette collision n'avait eut aucune conséquence sur elle.
Au contraire, Nayle qui récupérait ses affaires au sol, était beaucoup plus à plaindre. Laureen lui fit non de la tête, sans répondre, mais en lui portant un regard bienveillant.

L'attention de l'enfant s'était ensuite monopolisée sur son compagnon : un Caninos bien dans ses poils, qu'elle entreprit de dorloter tendrement, avec attention et tendresse. Si seulement ils étaient aussi aimants. Ceci étant, elle non plus n'essayait pas d'arranger les choses : la faute était peut-être à elle.

« Puis-je vous demander ce que vous faîtes ici, sans vouloir paraître indiscrète ? »

Pause. Elle réfléchit : comment répondre à la question sans faire mauvaise impression ? La franchise était-elle une bonne solution ? en tant qu'aînée, elle devait montrer le bon exemple. Puis, si la réputation de la team Astria était médiocre, sa volonté d'y remédier était forte.
Il était hors de question qu'elle lui donne l'impression d'abuser de ses privilèges pour ne pas se conformer au règlement scolaire et se dérober à l'assiduité scolaire demandée aux élèves.
Elle opta finalement pour la plus simple des vérités :

« Mes pokémons refusent souvent de m'écouter si je n'obéis pas aux moindres de leurs caprices - c'est toujours un peu gênant, donc je m'assure de les satisfaire au plus vite, d'où ma présence au centre commercial alors que j'ai habituellement cours à cette heure. »

Lui adressant un sourire aimable et amusé, c'était à son tour de la mettre dans l'embarras d'une taquinerie gentillette : « Je te retourne la question : tu n'as pas cours ? » Son interlocutrice n'avait pas l'air d'être une adepte de l'école buissonnière : elle assuma que c'était effectivement le cas. « As-tu le temps de m'accompagner dans mes emplettes ? Je ne sais jamais quoi acheter et je dois faire vite puisqu'ils m'attendent. »

Une fois qu'elle eut assurée à Laureen qu'elle allait très bien, Nayle lui retourna la question. La jeune femme, sans réellement lui répondre oralement, lui fit signe qu'elle n'était pas blessée et la fillette en profita pour accorder son attention au Caninos derrière elle, qu'elle caressa furtivement avant de ramasser les bonbons répandus sur le sol, que les quelques passants essayaient d'éviter sans trop de mal. Elle demanda ensuite à la Chef ce qu'elle faisait là, restreignant au possible sa curiosité. Celle-ci laissa s'écouler quelques minutes avant de répondre, comme légèrement déstabilisée par la question. Qui avait, somme toute il est vrai, de quoi surprendre de la part d'une gamine de 11 ans un peu trop inquisitrice pour son propre bien. Inconsciente cependant, ou presque, de l'infime trouble dans lequel elle avait plongé Laureen, elle l'observa attentivement, attendant une réponse quelconque.

« Mes pokémons refusent souvent de m'écouter si je n'obéis pas aux moindres de leurs caprices - c'est toujours un peu gênant, donc je m'assure de les satisfaire au plus vite, d'où ma présence au centre commercial alors que j'ai habituellement cours à cette heure. »
« Oh, je vois. J'avoue que mon Phanpy apprécie beaucoup également quand je satisfais ses désirs en temps et en heure ! Mon Caninos est beaucoup moins intransigeant la dessus ... »
« Je te retourne la question : tu n'as pas cours ? »
« Non, pas aujourd'hui ! Alors j'en profite pour faire mes courses. » Elle eut un petit rire amusé. « Ou plutôt ... Leurs courses. »
« As-tu le temps de m'accompagner dans mes emplettes ? Je ne sais jamais quoi acheter et je dois faire vite puisqu'ils m'attendent. »
« Bien sûr ! Avec plaisir, Howard-san ! »

Elle accompagna sa tirade d'un immense et magnifique sourire qui illumina tout son visage, et enjoignit à son Caninos de les suivre. Celui-ci s'exécuta en sautillant, tandis que les deux filles s'engagèrent dans les galeries bordées de magasins en tout genre. Nayle pencha légèrement la tête sur le côté, pensive. Elle ne savait pas vraiment ce que désiraient les pokémons de Laureen et elle se demandait à vrai dire en quoi elle pourrait lui venir en aide. En outre, elle ne connaissait même pas les pokémons de sa vis-à-vis ! Elle hésita pendant trente secondes puis se jeta à l'eau, constante à son caractère direct et franc.

« Huum ... Howard-san. Quels sont vos pokémons ? Je veux dire ... Cela sera sans doute plus simple ensuite pour leur acheter quelque chose qui leur convient. »

Et puis ... Ce n'était jamais que deux pokémons. Pas un secret d'Etat non plus. Il n'y avait donc, normalement, aucune raison que la jeune femme ne lui réponde pas. Nayle avait bien, en une seule phrase, avoué qu'elle possédait également un Phanpy en plus de son Caninos. (Qui n'avait pas eu besoin de l'affirmation pour être révélé, vu qu'il la suivait de partout et qu'il haïssait sa pokéball.) De plus, Nayle n'avait pas l'intention de défier l'adolescente. Pas encore.