Elle déambulait dans les couloirs de l'académie, ses talonnettes balisant son parcours d'échos sonores réguliers et creux, au fur et à mesure qu'elle progressait dans son périple. Sac de cours placé sur son épaule droite, quelques bouquins occupant ses bras, la jeune femme avait cru bon de rendre enfin les ouvrages qu'elle avait jadis empruntés à cette bibliothèque, pour la rédaction de sa thèse. Ses lunettes de vues courbes et ovales décorait son visage d'un petit air de dactylographe qui n'était pas pour lui déplaire. Son corps recouvert par une robe blanche et courte, assez légère pour convenir à la chaleur caniculaire que nous offrait l'été Alcea Roséen. Ses mirettes d'émeraudes aperçurent une végétation parasite emplir les lieux de plus en plus ; elle était arrivée à destination.

Quel dawa pensait-elle, cette librairie. Pourquoi était-elle le seul lieu non entretenu de cette école riche jusqu'au cou ? La Team Astria n'était donc pas intéressée par les choses se rapportant à l'intellect, à la culture générale ? Un vrai groupe de bras cassés, tiens. Surement scotchés sur les ordinateurs du quartier des Lychnis pour mener leurs recherches scolaires. Véritable décadence, halala cette Katerina .... Ses réflexions se firent plus troubles, plus sombres. Alors qu'elle était partie l'esprit clair et joyeux, pour restituer ses livres. Pourquoi devait-elle penser à cette bande de ploucs ? Décidément. Documents remis, enregistrés, puis rangés, la Narcissus se décida à aller faire un tour dans les très hauts rayonnages de cette bibliothèque qui ressemblait de plus en plus à une serre. Elle repartirait avec de la lecture, c'était certain.

Cependant, au détour d'un croisement, ses yeux s'arrêtèrent sur le dos d'un garçon. Un jeune homme, installé sur le sol accompagné de quatre ou cinq bouquins ainsi que de quelques bouts de papiers. Le brun semblait très absorbé. Tellement noyé dans ses propres réflexions, qu'elles s'élevaient telles de minuscules murmures, dans le silence ambiant. Elisabeth s'approcha de plus en plus, de manière furtive. Le dos de cette personne lui rappelait qu'elle chose. Et la voix qu'elle perçut, était un son qu'elle avait déjà entendu. N'était-ce pas Caël ? Le Menthae de la serre ? ...

Ses derniers doutes s'échappèrent au moment où elle aperçut le Caninos du garçon. Elias, non ? Ce dernier n'avait surement pas fait fi de sa présence, la regardant d'un air contenté. Son dresseur, lui, eut un temps de réaction un peu plus long. Secondes fatales, qui permirent aux yeux végétaux de Mademoiselle Richards de déduire rapidement à propos de quoi ses recherches étaient portées. Des Pokémons légendaires ? Elle émit un petit sourire narquois, trouvant ça presque mignon.

Sa main se faufila sur l'un de ses bouts de papiers, de manière fugace et prédatrice, tandis qu'elle s'était baissée silencieusement afin d'attraper sa proie. La durée de battement fut terminée ; le concerné s'était tourné vers elle. Ses doigts déposèrent les notes dans l'une des poches de sa robe, l'air de rien. Regard planté dans le sien, son petit sourire perdurait, plein d'intérêt et de curiosité mal placée quant à la nature et à la cause de ce genre de recherches. Pourquoi avait-il l'air si troublé ? Pourquoi ne gardait-il pas plus de contenance ? Plutôt suspect, ne trouvez-vous pas ? Le petit Caël gardait-il un ... secret ? Qui fut en rapport avec toute cette paperasse ?

« E-Euh... B-Bonjour.
- Bonjour. Répondit-elle d'un ton légèrement malicieux. Eh bien, voilà que le tourment l'empêchait de parler correctement ? »

Le garçon semblait perturbé. Quelque chose lui manquait. Il le notifia clairement, par ces propos.

« O-Où qu'elle est, où qu'elle est !
- Hm ... »

La main de la jeune femme vint sortir les notes précieuses de la poche de sa robe. La dévoilant d'un mouvement lent et provocant, penchant sa tête sur le côté.

« Tu parles de ça ? ... Fit-elle, à voix basse, ses yeux plissés et luisant d'un éclat amusé. »

Ses pupilles de céladon se posèrent d'ailleurs sur le bout de papier, en lisant rapidement le contenu. Il s'agissait de notes vives, de lieux, de paroles, de témoignages. De preuves, en somme. A propos de quoi ? D'un certain Pokémon légendaire. Dont elle ne put pas deviner l'identité, cependant. Elle ramena donc son regard sur le garçon, gardant son sourire félin.

« Mènerais-tu des enquêtes à propos du Père Noël, mon petit Caël ? Susurra-t-elle, joueuse, baladant l'objet convoité sous son nez. »

Son sourire s'étira quelque peu, lorsqu'elle aperçut le Menthae commencer à froncer les sourcils tout en se relevant, afin de lui faire face. Sa réplique fut nette et bien ciblée. Heureuse surprise qu'elle ressentit alors, se rendant alors compte que ce garçon était toujours dôtée d'une certaine répartie, bien qu'il fût visiblement troublé par la toute nouvelle découverte de notre préfet Narcissus. Elle, ne se posait pas trop de question, à propos de la nature de ses recherches ; il faisait ce qu'il voulait de son temps libre, chacun ses hobbies, après tout ! Ses réflexions étaient plutôt dirigées vers le trouble ressenti par le jeune homme. Peut-être serait-elle amenée à jouer la psychologue improvisée, par la suite. Pour l'instant, elle s'amusait vraiment bien, des réactions de ce dénommé Caël.

« C'est plus intéressant de chercher des seigneurs, des protecteurs. De mon point de vue. »

Elle haussa alors légèrement les épaules, croisant ses bras en dessous de sa poitrine, levant ses émeraudes binoclées vers le haut. Tic de réflexion et de prise de part au débat, chez elle. Elle se décida à écouter les arguments du monsieur, arborant alors des positions neutres, sur le sujet ; elle ne considérait pas cette passion pour les Pokémons légendaires comme quelque chose de futile ou de honteux. Bien qu'elle fût quelqu'un de plutôt réaliste, elle n'en avait cure, de ce genre de choses, à vrai dire. Se laissant bercer par l'avis du Menthae sur le sujet, silencieuse. Bien que l'attitude qu'elle adoptait alors pouvait laisser penser à ce que la jeune femme se moquât ouvertement de lui. Mais, ce n'était pas le cas, contre toute attente. Cette pose était là pour faire partie du jeu.

Il s'empara alors d'un livre, commençant à lui expliquer le mythe des trois oiseaux légendaires, Sulfura, Elekthor et Artikodin. Oh, elle en avait entendu parlé, de ces trois-là ; et il semblerait qu'ils existent réellement, comme il était d'ailleurs en train de le lui notifier, grâce à son ouvrage. Artikodin, l'oiseau de l'île de Glace, sur l'Archipel Orange. Pour sûr, qu'il l'intéressait, celui-là.

« Donc, si ces trois-là peuvent exister, pourquoi pas eux ? Posa-t-il, tout en tournant la page afin de lui montrer un autre trio, celui des chiens légendaires. Elle constata alors que ses recherches étaient vers ces trois-là. Voire, vers l'un des trois. »

Elle hocha une seconde fois la tête, observant attentivement les dessins du bouquin. Avant de retenir un éclat de rire contraint, suite à la réplique qu'il sortit peu après.

« Imagine un peu. Toi, face à Suicune. On a beau dire qu'il contrôle l'eau, d'autres racontent aussi qu'il gouverne la glace. Tu serais pas reconnue comme étant la plus grande dresseuse de pokémons de type glace du monde ? »

Incroyable. La pensait-il aussi ambitieuse ? Que nenni. L'intérêt d'Elisabeth était porté sur la notion du contrôle. Pas sur un trône mondialement reconnu. Elle se sentait destinée à oeuvrer et tisser sa toile dans l'ombre, telle une veuve noire furtive et mortelle, contrôlant le système d'un point inatteignable ; voire jamais soupçonné. Son ascension ... elle ne crachait pas dessus, c'était clair et net. Mais elle ne la cherchait pas réellement. Son but était tout autre. Si son potentiel était reconnu de tous, pourquoi pas. Cependant, sa véritable aspiration se devait de rester secrète. Pour son propre profit. Pour son propre jeu.

Elle fixait donc Caël, souriant toujours, n'ayant rien répondu à sa dernière recommandation. A vrai dire, elle se retenait vraiment, de pousser un rire cinglant. Mais il porta le coup fatal.

« Alors ouais. Si seulement y avait la moindre possibilité que le père noël puisse exister. Je ferais des recherches dessus. Pour toi. Finit-il, avant de récupérer ses notes d'un geste vif. »

Elisabeth porta une main à son propre front, faisant un non de la tête incrédule, les lèvres tremblantes. Devait-elle se sentir touchée ? Ou se moquer littéralement de ses bonnes intentions ? Elle ne put se retenir davantage. Une clameur résonna dans les rayonnages de la bibliothèque, de plus en plus ample. Elle détourna sa tête dans une autre direction, pour éviter de trop le regarder. Quelques secondes passèrent, puis elle finit par se calmer, reprenant son souffle. Essuyant un début de larme, en dessous de sa lunette gauche. Le garçon réafficha son tourment. D'une voix hâchée.

« T-Tu peux me traiter de fou, miss préfète. »

Tout ce qu'elle put en conclure, fut certainement le fait que ce sujet lui tenait vraiment à coeur. Mais, qu'il ne l'assumait clairement pas. Conservant un sourire plutôt joyeux, elle se râcla la gorge avant d'attraper le précédent livre afin de le feuilleter, réajustant ses lunettes sur son nez.

« Désolée, pour le rire. Fou, dis-tu ? Tous les passionnés sont des fous, dans ce cas. »

Elle s'arrêta sur une page où une illustration du dit Suicine était dessinée. Elle glissa doucement ses doigts sur le livre, avant de relever ses prunelles végétales vers le garçon.

« Cependant, tu te trompes, à mon propos. Je ne recherche pas le trône du monde. Ni le trône de cette école, d'ailleurs. Insinua-t-elle tout en repensant à Atios, poussant un petit rire nerveux. Elle reprit. Mon but est tout autre. »

Puis, elle referma l'ouvrage, le lui tendant. Affichant un minois aimable, animé d'un sourire doux.

« Tu n'as pas à avoir honte de cette passion, je pense. Sinon, merci, pour ta proposition. Mais j'arriverai à trouver mon Père Noël toute seule. »

Elle le vit sortir une cigarette, à proximité de l'une des fenêtres de la bibliothèque, adossé contre la paroi de pierre. Elle tiqua quelque peu, surprise que ce garçon fut frappé par la même addiction que sa personne ; à savoir, celle de la nicotine. Malheureusement pour elle, elle avait oublié sa boîte à tabac dans sa chambre, ayant désiré se plier au règlement intérieur de l'école ; à savoir, ne pas fumer dans les locaux publics. Elle esquissa un léger sourire, prête à mordre.

« T'es vraiment adorable, je t'assure. Mais tu sais, je tiens juste à te dire que ta façon de faire est bien chiante et je vais être cash, tiens. T'es sexy à souhait, mais en contrepartie, tu possèdes une personnalité bien difficile à définir. »

Elle s'était approchée d'un pas ou deux, pendant qu'il lâchait ces mots impromptus, faisant alors preuve d'une désinvolture dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence, chez ce jeune homme. A moins que ce ne fut un effet de sa cigarette à peine entamée. Eh bien, c'était bien beau. Comment devait-elle le prendre ? Elle le savait déjà, tout ça, après tout. Son caractère instable avait été défini, depuis le jour où elle porta trop de fascination pour son frère ; depuis le jour où la manipulation et le contrôle sont devenus ses activités, ses sujets, ses domaines préférés. Cette personnalité à masque changeant lui permettait d'agir un peu comme elle le voulait ; très peu de failles, existaient en la personne qu'était Mademoiselle Richards. Brèches à double-tranchant, ceci dit ; un simple coup bien placé pouvait lui être fatal.

Seulement, encore faudrait-il trouver les imperfections de cette statue de cristal.

« Devrais-je me sentir flattée ou soulagée par le fait que tu me trouves à ton goût ? Fit-elle, lui lançant un petit sourire empli d'arrogance. Son ton était non sans reproche. Pensait-il pouvoir la faire changer par de simples réflexions à propos de sa "chiantise" ? »

Par la suite, la conversation revint aux aspirations du Menthae, de cette passion précédemment citée. Son ton devenait un peu trop rempli de revendications à son goût. Le personnage se tenant en face d'elle lui parlait de façon crue, de telle sorte qu'elle pensa que sa langue était seulement dirigée par une pulsion de mâle fier ayant envie de toucher ses rêves.

« Tu me parles de passion, moi je te parle d'objectifs. Alors je vais pas faire mon couillon et je vais être direct. Eh bien dites donc. Fichtre. Je veux voir cette bestiole de mes yeux depuis que j'suis gosse. Je veux déglinguer toutes les créatures légendaires, sans pour autant les capturer. C'est tout. »

Cette suffisance. Voilà qui fit élargir son sourire, sans qu'elle ne put rien dire. Son expression en disait long, quant à ses pensées. L'assurance dont il faisait preuve ici, était superflue. Les étudier, oui. Les rencontrer, pourquoi pas. Les déglinguer ? N'en faisait-il pas un peu trop ? Ces créatures n'étaient-elles pas réputées non seulement pour le mythe qu'elles engendraient, mais aussi pour leur puissance, hors de notre portée à nous, humains ? « C'est tout. », disait-il. C'est tout ...

Un petit rire s'échappa. Elle retint la suite tant bien que mal, évitant alors un second fou rire. Cependant, l'expression joyeuse et narquoise avec laquelle elle contemplait son interlocuteur l'exprimait bien.

« D'ailleurs, je sais même pas ce qui se passe ici. Je sais même pas c'est quoi la team Astria. Je sais même pas pourquoi est-ce qu'on nous embête avec ça, ils vont plus nous embêter après qu'on soit parti d'ici. »

Ouhla, le garçon lui sembla s'embrouiller quelque peu dans le déroulement de sa parole. Pourquoi, de son objectif, passait-il d'un coup au problème qu'engendre la Team Astria par le biais du lien logique « D'ailleurs » ? Si la nicotine engendrait de telles incohérences au sein de son système d'agencement rhétorique, il ferait bien d'arrêter la cigarette, pensa-t-elle. Elle pencha alors sa tête sur le côté, le fixant dans les yeux. En tant que préfet - surtout Narcissus -, elle devait sûrement passer pour une pro-Astria. Un problème tactique se posa. Devait-elle passer comme telle ? Ou affirmer ses valeurs et rester fidèle à la franchise qui lui était propre ?

« Ne te pose pas plus de question, dans ce cas. Fit-elle, croisant ses bras contre sa poitrine. Réponse neutre, ne laissant pas présager son opinion personnelle à ce sujet. »

La suite de la conversation la rendit on ne peut plus perplexe. Tendant sa cigarette vers la jeune femme, il prononça.

« Sinon, enchanté. Je m'appelle Cael, encore puceau et rien à battre de ce qui se passe aux alentours. »

Elle fit une tête indescriptible. Déconfite, stupéfaite, le rictus eut bien du mal à s'inscrire sur son visage. C'était quoi ce garçon ? Elle poussa un énième rire, tandis que ses doigts vinrent s'emparer de la clope du Menthae, sans préavis. Elle l'éteignit contre la paroi puis la jeta par la fenêtre, conservant ce sourire désagréable, rempli de moqueries.

« Je sais déjà qui tu es, Caël le puceau. Peut-être aurais-tu dû omettre ce détail-ci, avec une fille qui ne te connaît pas tant que ça. Susurrait-elle, malicieuse. Ta vie sexuelle ne m'intéresse pas, tu sais. Oh et la cigarette est interdite. »

Petit regard condescendant. Toujours ce sourire espiègle. Elle lui jeta un dernier coup d'oeil puis s'éloigna de quelques pas, enlevant ses lunettes de son nez.

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