Il y avait des moments où la connerie reprenait le dessus, et ceux-ci étaient nettement plus fréquents lorsqu’on venait des Lychnis. Feleen, immature et solitaire, avait eu la bonne idée d’aller inonder les douches des filles en fin de soirée, se faufilant discrètement hors de sa chambre avant de galoper jusqu’à celles-ci. La jeunette, en effet, avait quelque chose contre l’autorité. Elle trouvait jouissive l'idée de voir ces pauvres surveillants racler le sol pendant des heures par sa faute, en sachant que ceux-ci abusaient de leur pouvoir sans cesse. Secrètement, l’adolescente aimait faire des conneries puériles, échappant au personnel de justesse tout en dégustant leurs lamentations. Ce qu’elle ignorait, c’était qu’elle allait tomber sur la nouvelle recrue, un peu moins tâche, un peu plus volontaire.

Une fois sur les lieux, la blonde appuya sur l‘interrupteur. Ses mouvements avaient une mauvaise coordination dans la pénombre, car son ataxie l’empêchait de bouger normalement sans pouvoir suivre ses gestes du regard. Skitty, dont la tête dépassait de son vieux sac à dos bordeaux, gesticula avant de sortir, tout aussi enthousiaste qu’elle à l’idée d’inonder la salle de bain des filles. Caratroc, s’éjectant tout seul de sa pokéball, remuait lourdement sans trop savoir que faire.

La jeune fille alluma tous les robinets ainsi que tous les pommeaux de douche, mettant leur pression au maximum. Une fois les trous bouchés, elle vida le distributeur de gel douche sur le sol. En quelques minutes, la mousse atteint une hauteur intéressante, et la Lychnis, fière de son coup, savonna la coquille à son second pokémon pour l’envoyer valser/glisser, aux quatre coins de la pièce. Skitty, trouvant cela amusant, monta au dessus de la carapace du pauvre Caratroc, surfant dans un bain de mousse.
Au bout de quelques minutes de jeu, la dresseuse commença à s‘inquiéter. Elle déclara d’une voix autoritaire à ses camarades :

- Bon, faut dégager.

Malheureusement, c’était trop tard. Vu les bruits de pas, les lumières avaient du attirer quelqu’un. La blonde, choisissant l’assurance à la peur, resta plantée là, accueillant d’un sourire mesquin l’inconnu.

La nuit avait bien débuté, avec la douce berceuse du vent nocturne venant caresser la pelouse, avec ce fin voile lunaire recouvrant mon visage. Je croyais être suffisamment apaisé pour dormir tranquillement dans ma chambre. Même si j’avais laissé la fenêtre ouverte, ce n’était pas comme s’il pouvait m’arriver quelque chose. Ou alors ce serait le fait d’un inconscient, d’un ignorant. J’avais rapidement acquis une réputation de bagarreur, j’en étais assez fier d’ailleurs. Et ce n’était pas cette petite masse qui dormait à mes côtés qui allait changer ces constatations. Boxer, un Machoc avec qui je me suis lié il y a peu. Vu qu’il aimait la baston, tout comme moi, on s’est rapidement entendu. Ça me faisait toujours rire de le voir réagir comme si j’étais son prof de combat. Et puis il y a Tsubasa, mon cher Furaiglon. Lui, c’est vraiment quelqu’un d’important pour moi. Je ne sais pas comment il fait pour rester droit comme un pic en dormant mais peu importe, du moment qu’il reste près de moi. Je me sentirais mal de ne pas l’avoir à mes côtés. Bref, toutes les conditions étaient réunies pour que je m’endorme paisiblement.

Mais encore une fois, ce semblant de tranquillité n’arrivait pas à convaincre mon subconscient. Le moindre bruit suspect et je me réveillais illico, le cœur battant la chamade… Je détestais la nuit pour ça. Ce n’est pas que je suis peureux (non, je ne l'admettrais jamais) mais je n’aime pas les ambiances qui font flipper. Et la nuit, il faut avouer, c’est facile de paniquer. Un rien suffit à provoquer ce frisson glacial qui me paralyse totalement. Alors comme à mon habitude, je me levais pour me promener, histoire de me changer les idées. De me défouler suffisamment pour que je ne puisse plus tenir éveillé. Tsubasa savait, il se réveilla sans sourciller et me suivit sans un mot, connaissait parfaitement mon problème. Cette phobie des bruits suspects. Boxer, lui, j’aurais pu le secouer de toutes mes forces, qu'il n'aurait pas bronché. Enfin, si, il se serait réveillé mais il serait resté à l’état de zombie jusqu’à ce qu’il puisse se recoucher.

Donc me voilà en train d’observer mes admiratrices secrètes, que je connaissais par cœur. Ces étoiles qui pétillaient à ma vue. Difficile d’être une star. J’aimais repérer mes petites fans, surtout la Vierge, à côté du Lion et de la Balance. Elle s’était faite toute belle pour moi ce soir. J’allais limite en rougir quand j’entendis quelque chose au loin… C’était un bruit sourd, comme si on avait frappé dans un mur. Après avoir sauté dans un buisson par réflexe, je me suis dit qu’il fallait que j’aille jeter un œil. Époussetant ma chemise et bombant le torse, je m’approchais lentement de cette perturbation dans la Force. Ça venait des douches de l’espace sportif… Personne ne devrait y être à cette heure tardive…

Heureusement pour mon pauvre petit cœur pas rassuré, mes pensées perverses prirent le dessus sur ma peur. Je me suis mis à imaginer un groupe d’élèves (uniquement des filles bien entendu) en train de prendre un bain de minuit ! Me faufilant sans un bruit jusqu’à la porte d’entrée, je l’entrouvris délicatement pour prendre la température, si on peut dire… Tandis que mon regard lubrique commençait à saisir les formes qui se mouvaient à l’intérieur de la pièce humide, je fus pris par surprise ! Par un Caratroc ! Qui arrivait à fond les ballons dans ma direction, venant percuter mon visage à une vitesse inouïe. Je me retrouvais donc sur le dos, assommé, du sang coulant de mon nez comme si je venais de me rincer l’œil. Alors que ce n’était pas du tout le cas ! Je n’avais même pas aperçu l'ombre d'une dresseuse en petite tenue...

Me relevant avec une jolie bosse sur le front, je me sentais… trempé ! Un torrent s’échappait de la salle d’eau ! Les robinets étaient tous ouverts !! Me relevant immédiatement, j’ordonnais à Tsubasa de repérer les coupables pendant que je me dépêchais de tout refermer. Une fois cela fait, fou de rage, j’étais prêt à défoncer celui qui avait eu ce délire un peu trop moussant à mon goût.

« Bon maintenant, et si on s’amusait à faire avaler toutes ces bulles à notre cher ami nocturne ? »