Le planetarium est souvent presque vide, c'est pour ça que j'aimais m'y rendre assez régulièrement. Je ne savais pas pourquoi, mais cela me rappelait cet endroit étrange où je me rendais en skateboard quand j'étais tout gosse. J'évitais de trop y traîner tard, car c'était à un bout de chemin de chez moi, et rouler la nuit, avec un destrier aussi fourbe et imprévisible que sont les planches à roulettes, ce n'était vraiment pas recommandé. Puis, je me souvins. J'avais ce rituel de fixer le ciel de Lavanville, en fin d'après-midi, en même temps que je lisais ou que je parlais à Miel et inventais des tonnes d'histoires dans ma tête. Et dés que mon oeil apercevait la première étoile, je me dépêchais de rentrer. Maintenant, je sais que la notion de "première étoile" n'est pas vraiment fiable... Et pourquoi j'étais si souvent en retard.

Oui, cet endroit, par la simple présence des étoiles me rappelait donc mes escapades à la ville-fantôme. Miel était venue s'asseoir à coté de moi, légère et diffuse, comme une fumée d'encens. Elle ne parlais pas parce que je n'étais pas assez concentré pour imaginer une discussion tout de suite avec elle, mais je sentais qu'elle souriait. Je n'avais pas beaucoup dormis, notamment à cause de mon bain de minuit de la nuit dernière, et comme toutes les fois où je dormais peu plusieurs jours d'affilés, j'avais cette espèce de buée lourde et cette nostalgie douce-amère qui s'installaient dans le jus de mon cerveau, et me donnais l'impression d'être sous stupéfiant.

"- Sérieux, regard ta tête, on dirais qu'ta fumé. Si les gens te voient comme ça... "
Me souffla ma charmante conscience à cheveux roses.

Je ne répondis rien, j'enlevais juste mon écharpe pour en faire une boule qui constituait le parfait oreiller du mec qui fait sa sieste un peu n'importe-où, et tentais tant bien que mal de trouver une position confortable et à peu près discrète... Surtout confortable en fait, tant pis pour le reste.
Je restais ainsi à penser à tout et à rien dans mon petit coin, en essayant de prendre le moins de place possible. C'était assez dur car je n'avais pas encore vraiment conscience de mon mètre 85. J'avais grandi plutôt vite, et j'étais une crevette qui logeait dans les casiers de cours, lors de mes deux premières années à l'académie.

Puis je sombrais pour de bon, la salle se renversa sur elle même, une ou deux fois, Miel se rapprocha, se coucha sur moi telle une succube fidèle, et je sentais dans mon dos sa chaleur immatérielle qui semblait s'enfoncer lentement en moi, pour se concentrer dans ma poitrine. Je dormais.

Il pleut. Il fait moche, il fait gris. La flotte tombe comme en automne et moi, je suis malade malade. En même temps, je savais bien que c'était une mauvaise idée de dormir avec la fenêtre ouverte. Je savais bien aussi que c'était une mauvaise idée de faire un tour en ville alors qu'il pleuvait des cordes. Je savais bien que c'était une mauvaise idée de ne pas retirer mes vêtements et mon chapeau mouillés en rentrant. Bref, je savais bien que j'allais tomber malade et pourtant je n'avais rien fait. À croire que je n'avais eu que ce que je méritais. Résultat des course, une infection à je ne sais trop quel microbe. Prions les dieux pour que cela ne soit pas trop dangereux et prions encore une fois ces derniers afin que ma maladie se dissipe vite. Car comme tout les grands gaillards de ce monde, je tombais rarement malade néanmoins quand c'était le cas et bien j'étais salement touché. En effet, l'expérience prouve que plus on est costaud, moins la maladie nous touche. Cependant notre susceptibilité est bien plus grande que la normale puisque notre pauvre corps, bien que fort et puissant, n'est pas habitué à supporter les effets d'un vilain microbe.

Bref, afin de me soigner du mieux que je le pouvais, je partis à la première heure, direction l'infirmerie d'Alcea Rosea. Certes les médecins là-bas étaient plus doués pour soigner des Pokémons que des êtres humains toutefois j'avais la flemme d'aller dans un établissement spécialisé. Par ailleurs, payer un maudit toubib pour que celui-ci me dise que j'avais une grippe – car j'étais quasiment sûr d'être atteint de cette maladie – ne m'enchantait pas des masses. Quitte à recevoir une ordonnance et des instructions pour une maladie aussi commune que la grippe, autant que cela soit gratos. Autant que cela soit pris en charge par l'école en somme. Oui, je sais, je sais. Je suis radin et tout le blabla. Ne vous en faites pas, je suis au courant ! Mais toujours est-il que même si je n'étais pas médecin, j'avais bien eu raison. Effectivement, le garçon de l'infirmerie décela chez moi les symptômes classiques de la grippe. Je vous l'avais bien dis ! En même temps, avec un père médecin, j'avais appris toute ma vie à détecter les maladies les plus communes. D'autant que mon paternel, désirant de moi que je suive la même voie que lui, c'est à dire la voie médicale, m'avait plus ou moins briffer sur toute les maladies communes et sur les moyens de lutter face à elles. Si mes souvenirs étaient bons, là, le toubib allait me filer un masque histoire que je ne contamine personne et des médocs'.

Sans grande surprise, je sortis de l'infirmerie avec un masque et une ordonnance pour – attention roulement de tambours – ...Des médocs' ! Si si, je vous jure. Les médecins étaient tellement prévisibles, c'en était presque triste. Dans tout les cas, j'avais besoin de me décontracter moi. C'est pourquoi, après être allé chercher mes cachets, je pris la décision de me rendre au Planétarium. Je n'y étais venu qu'une seule fois avec Laureen cependant j'affectionnais énormément cet endroit. Il avait d'étranges effets sur ma personne. Notamment celui de me calmer – sauf quand vient le moment de la supernova bien entendu –. Bref, masque à la bouche, j'entrais dans le fameux planétarium, lieu où aimaient beaucoup se rendre certain étudiants afin de méditer tranquillement en regardant les étoiles factices. D'ailleurs, en voilà d'étudiant, pensais-je. Étant relativement loin de lui, je m'approchais afin de voir de qui il s'agissait. Hum...Un blondinet, type caucasien avec des yeux aux couleurs de saphir, des boucles d'oreilles à droite et à gauche et un accoutrement de « jeune ». Bon, saluons cet étudiant comme tout bon gentleman se devait de le faire :

« Bonjour. Sale temps dehors hein ? Je suppose que c'est pour ça que tu es ici. Je suis Eric Leak et toi ? »

Mes paroles étaient vaines. Je ne le savais pas encore toutefois ce garçon avait une audition presque aussi mauvaise que celle de mon arrière grande tante. Si seulement j'avais su qu'il ne pouvait pas m'entendre, j'aurai parlé bien plus fort. Ou alors, j'aurai enlevé mon masque au risque de l'infecter. Car oui, ce que je ne savais pas aussi était que le blondinet était en mesure de lire sur mes lèvres. Chose qu'il allait avoir quelques difficultés à faire vu que ma bouche était cachée par ce maudit masque blanc qui couvrait toute la partie inférieur de mon visage, du menton jusqu'au nez.