Le soleil se levait timidement dans les hauteurs du ciel, parsemant progressivement dans l'espace les couleurs splendides et chatoyantes de l'aube. Sous les cieux dégagés du petit matin, les élèves se déplaçaient allégrement à travers tout le campus. Pour gagner le bâtiment de l'administration et mettre au défi un champion. Pour prendre la route du terrain d'entraînement. Autant de possibilités pour remplir ses journées que la liberté de l'académie permettait.

Laureen préférait l'intérieur frais et ombragé de la bibliothèque aux landes soumises au soleil brûlant.

Elle avait passé une grande partie de son adolescence dans les revues de lettres, les périodiques des années antérieures et les publications scientifiques, sous la tutelle du professeur Pokémon. Ces livres qui respiraient le café étaient un refuge pour son imagination et la végétation qui recouvrait entièrement presque tout le domaine donnait au lieu un aspect fantastique et enchanteur. Refermant la quatrième de couverture sur la dernière page de son roman, un sourire mesuré à la commissure des lèvres, nul doute qu'elle revenait d'un monde lointain, fait de songes.

Il y a un peu plus d'une heure, elle avait trouvé ce coin d'ombre pour profiter pleinement de la sérénité du site, et des récits en prose, contant les aventures d'héros idéalisés. Elle ne voulait pas qu'on la repère ; tous les dimanches, elle avait la coutume de se réfugier ici, afin d'oublier ses responsabilités de championne d'arène - et plus globalement, la team Astria.

Oui, loin des tracas quotidiens, ce septième jour de semaine démarrait sur une excellente note.
Sauf si un élément perturbateur venait à bouleverser tragiquement l'équilibre de ce serein matin.
Mais il ne fallait pas se leurrer : les chances pour étaient minimes. Tout du moins, c'est ce qu'elle tenta de se persuader, après avoir reconnu la silhouette d'une camarade au loin.

La journée se levait tout juste, mais Reina était quant à elle debout depuis quelques heures. Non pas qu’elle n’arrivait pas à dormir, mais disons juste qu’elle n’en avait pas envie, la fatigue ne se faisait pas sentir ces derniers temps, ainsi, elle passait ses nuits dehors, allongée on ne sait où, ou alors à faire passer le temps avec deux ou trois garçons (voir des filles) quand elle le voulait. Bref, elle vivait sa vie au fil de ses envies donc. En cet instant, elle était simplement sur l’herbe, en train de regarder les étoiles disparaître, laissant ses pensées aller.

On aurait pu croire qu’elle était l’une de ces filles innocente et rêveuse à ce moment-là, mais la vérité était tout autre. Elle se releva à moitié, et soupira. Encore une journée qui s’annonçait, maintenant allait-elle être bonne ou mauvaise ? C’était une question que beaucoup devait se poser, mais bon, on n’y prêtait pas beaucoup d’importance, vu qu’on avait la réponse seulement quand le soleil se levait de nouveau, le lendemain.

Reprenant ses esprits, elle regardait le bâtiment en face d’elle. La blonde avança vers ce dernier, sachant déjà ce qu’elle voulait faire. Traversant la cour qui accueillait déjà quelques élèves, elle les ignora royalement, n’y prêtant aucune attention, et pénétra dans le couloir d’entrée du bâtiment, continuant son chemin dans les sombres allées de la bibliothèque. Cette dernière était assez mal entretenue, mais pourquoi après…. Elle s’en fichait.

C’était silencieux, mais cela ne la faisait pas peur, car elle savait que si la personne qu’elle cherchait était bien dans un coin, cela ne pouvait être qu’ici. Dans un lieu éloigné des autres, calme, comme cet endroit. Elle s’arrêta face aux étagères qui se faisaient de plus en plus nombreuse, et elle tourna la tête. Son regard se posa sur elle du premier coup, et elle ne fut ravie. Au moins, elle n’aurait pas à la chercher.

Elle avança vers elle, qui l’avait remarquée sans aucun doute, ses pas silencieux se frayant un chemin vers l’une des autres filles de la Team. Une fois près d’elle, Reina lui fit un de ses sourires moqueurs qu’elle savait si bien faire, et prit la parole.

« Tiiens, mais qui voilà ! Laureen ! Comment ça va aujourd’hui ? Toujours dans tes livres, y’a pas à dire ! »

En fait, elle se foutait bien de savoir comment elle allait, et si fichait toujours de savoir pourquoi elle était ici. Elle voulait savoir une chose, une chose qu’elle seule pouvait lui dire. Et elle ne la lâcherait pas tant qu’elle n’aura pas eu ce qu’elle voulait.

Comme tout ce qu’elle voulait d’ailleurs.

Le sourire condescendant qui se dessinait petit à petit sur le visage de son aînée voulait, à lui seul, dire bien des choses. Laureen pressentait déjà, que faute de fuir son interlocutrice au plus vite, ce serait en silence qu'elle devrait endurer les railleries pénibles de Reina.
Celle-ci n'était probablement pas une mauvaise personne de cœur ; oh non, c'était un modèle de liberté, exempt du concept flou de la morale. Mais, quand on ne sent pas quelqu'un, il n'y a malheureusement peu à faire contre cela. Elles s'opposaient sur absolument tous les points - Laureen l'eut comprit dès que les présentations furent faites et elle ne douta pas de la réciprocité de l'impression.
L'une était libre de toutes règles et contraintes et l'autre était la première à appliquer les ordres de supérieurs : un contraste saisissant.

« Tiiens, mais qui voilà ! Laureen ! Comment ça va aujourd’hui ? Toujours dans tes livres, y’a pas à dire ! »

Par formalité, elle prenait de ses nouvelles. C'était bien aimable de sa part de le faire, même si elle n'allait pas prendre sa réponse en compte. Laureen s'interrogea sur les véritables raisons amenant cette femme, qui ne la calculait habituellement pas, à venir troubler sa matinée. Mais par politesse, c'est en maintenant péniblement son regard, qu'elle lui répondit avec un sourire - bien sûr, crispé :

« ... bien et vous donc, Senpai ? »

Son cerveau réfléchit sur la meilleure voie à suivre dans la situation présente, et il jugea qu'il lui fallait déserter la bibliothèque pour regagner la civilisation, là où elle se confondrait avec la foule, jusqu'à que Reina oublie ce qu'elle avait à lui faire part - pas qu'elle la prenait pour une idiote, mais elle n'avait pas envie de se confronter à elle aujourd'hui.

Elle se releva, ramassa ses livres et se tourna vers sa camarade :

« Sauf urgence, je vous prierai de m'excuser, j'ai à faire. »

Elle souriait toujours, alors même qu’elle voyait qu’elle la dérangeait. Mais qu’importe, c’était le but de la déranger, parce qu’elle voulait la déranger. Elle voulait qu’elle lui dise une chose. Et si elle ne la dérangeait pas, elle n’aurait rien. Une chose qu’elle ne supportait pas.

« ... Bien et vous donc, Senpai ? »

« Je vais bien merci. »

Elle ne rajouta rien, laissant le silence s’installer. Elle savait pertinemment que Laureen ne voulait pas rester, qu’elle voulait partir, ne pas rester auprès d’elle. Car elles étaient contraires. Reina était du genre indépendant, elle faisait ce qu’elle voulait, alors que Laureen elle, obéissait sans rien dire. Une poupée, une marionnette contrôlée par les ficelles d’en haut. Mais la blonde était moins manipulable que ça.

Laureen ramassa ses livres et se releva, faisant face ensuite à la blonde.

« Sauf urgence, je vous prierai de m'excuser, j'ai à faire. »

« Tu vas pas déjà partir voyons… Je viens juste d’arriver. »

Sur ces mots, elle lui barra le passage et planta ses yeux dans les siens. Elle n’allait pas la laisser partir, pas sans avoir eu ce qu’elle voulait. Hors de question, elle ne le permettrait pas. Restant sur place, ne cessant de la regarder, elle changea d’expression. Cette dernière qui avait été moqueuse devint d’un coup sérieuse, avec un petit sourire narquois.

Elle avait un air de prédateur. Et les informations que détenait la fille en face d’elle étaient ce qu’elle voulait. Des informations. Elle était certes la plus manipulable, mais justement, par ce fait, elle con-naissait certaines choses que les autres ignoraient. Et le fait qu’elle lui soit supérieur de ce côté ne lui plaisait pas. Reina n’était pas stupide, et était certaine que les gens d’en haut leur cachaient des choses. Choses qu’elle voulait savoir, car elle ne voulait pas combattre à l’aveuglette, ou même agir à l’aveuglette.

Elle détestait ça, ignorer des informations que d’autres savaient, c’était juste horripilant. Comme si après, on allait on profiter pour leur poignarder dans le dos. Trahison. Une chose qu’elle ne cautionnait pas non plus.

« J’ai l’impression que t’en sais plus sur ce qu’il se passe qu’on peut le penser. Et c’est une chose que je ne peux pas laisser passer. »

Toujours les yeux plantés dans les siens, on pouvait y lire de la détermination et de la volonté. Elle le lâcherait rien. Pas avant qu’elle ait crachée le morceau.

Oh, elle aurait dû se douter qu'il n'aurait pas été aussi évident pour elle d'échapper à la toile de l'araignée.

« Tu vas pas déjà partir voyons… Je viens juste d’arriver. »

Elle lui fit obstacle, planta ses yeux intimidants dans les siens. Se posant comme la meneuse de jeu et réaffirmant une fois de plus leurs différences. Ce regard qui ne dit rien mais qui pense tant, qui vous suit partout et semble attendre de vous une réponse. Et cette tête de lynx, affublée d'un sourire narquois, qui attendait patiemment d'avoir toute son attention pour prendre la parole.
Laureen ne se souvenait pas avoir fait quoique ce soit qui serait allé à l'encontre de ses intérêts.
Alors, dans le silence, elle attendit qu'elle s'explique - serrant fort ses livres contre elle - puisque partir n'était plus une option.

« J’ai l’impression que t’en sais plus sur ce qu’il se passe qu’on peut le penser. Et c’est une chose que je ne peux pas laisser passer. »

Laureen savait qu'elle n'était pas une bonne menteuse. On pouvait lire en elle comme un livre ouvert et un froncement de sourcil trahit un léger tracas chez elle. Savait-elle pour son père ? Si oui, comment. Elle n'était pas censé en parler aux autres.
Ou parlait-elle d'autre chose ? Elle préféra jouer la carte de la prudence ici : une maladresse de sa part et c'était sa fin.

« Je n'ai aucune idée de quoi vous parlez, Senpai. Il n'y a pas de raison non plus que j'en sache plus sur vous sur quoique ce soit. » Ce n'était pas totalement exact, mais loin d'être faux, car elle était tenue dans l'ignorance au même titre que ses compagnons.

Reina ne bougeait pas d’un millimètre. Elle restait face à la jeune fille, attendant sa réponse. Car elle était certaine de ce qu’elle avançait. Rien ne lui ferait changer d’avis. Son froncement soudain de sourcils ne fit que confirmer ce qu’elle pensait. Elle savait quelque chose, c’était plus que certain maintenant. Serrant les livres un peu plus contre elle, la blonde ne lâcha pas prise pour autant.

« Je n'ai aucune idée de quoi vous parlez, Senpai. Il n'y a pas de raison non plus que j'en sache plus sur vous sur quoique ce soit. »

« Il n’y a pas de raison dis-tu… »

Son sourire s’agrandit. Ainsi, il n’y avait pas de raisons pour elle. Seulement, c’était le contraire. Si, il y en avait justement. Penchant la tête sur le côté, elle fit une fausse moue réfléchis.

« Il n’y a pas de raison… Tu en es bien sûre ? Parce que j’ai des doutes sur le sujet. »

Elle avait des doutes, beaucoup, vraiment beaucoup. C’était pour ça qu’elle était ici. A cause de son intuition. Elle leva une main sous son menton, appuyant l’autre sous son coude, et fixa de nouveau la jeune fille. Elle ne mentait pas, mais elle éludait. Ce qui revenait à la même chose, vu qu’elle ne disait pas la vérité dans tous les cas.

« Dans ce cas, tu vas me dire que ta petite grimace n’était dû qu’au fait que je sois là ? Arrêtes de me prendre pour une débile. Je suis certaine que t’en sais plus que nous. Les raisons ? Je les ignore. Mais ça sera une chose de plus à savoir… »

Elle arqua un sourcil, avant de croiser ses bras sur son ventre. Mais elle l’a prenait vraiment pour une débile ou quoi cette fille ? Pour qui elle se prenait ? Ne cillant pas une seconde, elle se demandait jusqu’où elle irait pour nier ce qu’elle savait. Car Reina elle, était prête à aller très loin. Beaucoup plus loin qu’elle, c’était certain.

« Dans ce cas, tu vas me dire que ta petite grimace n’était dû qu’au fait que je sois là ? Arrêtes de me prendre pour une débile. Je suis certaine que t’en sais plus que nous. Les raisons ? Je les ignore. Mais ça sera une chose de plus à savoir… »

Tel un poisson pris dans la nasse, elle était scrupuleusement observée par son interlocutrice qui rebondissait sur le moindre petit détail pour lancer toute une histoire : d'ailleurs, cette petite grimace avait complètement échappé à la jeune fille, car complètement inconsciente. Reina ne trouverait probablement satisfaction qu'une fois que sa cadette lui remettra l'objet de ses convoitises : une réponse claire et précise. Malheureusement pour la blonde, elle aussi était obstinée.

« Senpai, il y a beaucoup de choses que nous ignorons. » commença-t-elle en prenant le temps de peser tous ses mots. « Pourquoi nous qui n'avons de profil commun avons été réuni sous une même bannière à suivre la même stratégie, par exemple, alors que les motivations diffèrent d'un membre à l'autre. » Pause. « Vous vous adressez à la mauvaise personne si c'est des réponses que vous voulez. J'ai rejoint la team Astria en acceptant de demeurer dans le noir et je n'espère pas apporter un peu de lumière à vos interrogations. »

C'était partiellement vrai. Elle savait que son père avait des affinités dans l'organisation, que cette entreprise avait des projets à grande échelle - mais elle n'avait jamais voulu en savoir plus, par peur de marcher sur un terrain miné. Elle avait accepté d'être un pion, une ignorante, et cela devait être inconcevable pour Reina, qui aimait la vérité, la liberté, jusqu'au scrupule.

« ... vous n'avez probablement plus de temps à perdre avec moi, je me trompe ? Pourrais-je disposer ?» redemanda-t-elle.

Il y eu un silence pendant un moment, mais Reina ne s’en souciait pas. Quoi qu’elle dise, elle arriverait à ses fins, car la blonde était têtue, mais apparemment, son interlocutrice aussi l’était. Mais cela ne changera rien. Surtout qu’elle avait un plan. Elle savait exactement quoi dire pour lui faire parler. C’était simple, et surtout, efficace. Elle était presque certaine que cela lui ferait parler. Ou pas. Il y avait un taux de réussite égal à celui de l’échec. Mais elle n’accepterait pas la défaite.

« Senpai, il y a beaucoup de choses que nous ignorons. …Pourquoi nous qui n'avons de profil commun avons été réuni sous une même bannière à suivre la même stratégie, par exemple, alors que les motivations diffèrent d'un membre à l'autre. … Vous vous adressez à la mauvaise personne si c'est des réponses que vous voulez. J'ai rejoint la team Astria en acceptant de demeurer dans le noir et je n'espère pas apporter un peu de lumière à vos interrogations. »

Elle n’avait pas totalement tort, elle devait l’admettre. Cependant, elle n’allait pas perdre la manche aussi facilement. Moqueuse, elle attendit alors qu’elle continue, sachant très bien qu’elle allait de-mander à partir. Elle était si prévisible et imprévisible cette fille…

« ... vous n'avez probablement plus de temps à perdre avec moi, je me trompe ? Pourrais-je disposer ? »

Qu’est-ce qu’elle disait… Lui tournant à moitié le dos, elle reprit la parole sur un ton moqueur, mais on pouvait cependant lire la menace dans son regard.

« Tu devrais faire attention à ta réputation ma chère. Sache qu’on raconte pas mal de choses à ton sujet dans l’établissement. Voir même en dehors. Je sais pas si c’est vrai, mais une chose est clair maintenant… »

Plantant ses yeux dans les siens, elle laissa un silence pesant s’installer. Bien entendue, ce n’était que du bluff. Il y avait peu de choses qui circulaient sur la jeune fille, mais il y en avait quand même. Et maintenant, elle allait se renseigner sur elle, c’était clair. Elle allait la percer à jour, et découvrir ce qu’elle cachait. Car elle cachait quelque chose, c’était clair et net. Passant une main sur dans sa longue chevelure blonde, elle reprit la parole.

« Tu caches quelque chose, j’en suis certaine. Et tu peux être sûre que je finirais par découvrir quoi. Que tu le veuille ou non. Et quand je saurais ton secret… Tu auras des ennuis. Je peux te le certifier. »

Elle lui lança un regard remplie de mépris, puis se détourna et partit en dehors de la bibliothèque. Elle savait ce qu’elle allait faire maintenant. Se renseigner auprès de tout le monde pour savoir. Même à ses supérieurs (Cela la dégoutait d’avance de devoir demander de l’aide à ces espèces de… Bref.), mais allait savoir. Elle saurait tôt ou tard.