Elle avait pris sa main. Elle s’était relevée. Voilà. Rien de plus simple. C’était enfantin. Pourtant, les gestes les plus anodins étaient toujours les plus lourds de conséquences. Un psychopathe n’éprouvait rien lorsqu’il triple-assassinait. Mais Laureen détestait ce sentiment de confier quelque chose à quelqu’un. Un inconnu. Une connaissance. N’importe qui, en fait, fut-ce père ou mère.

De toute l’école, Eric Leak était l’unique personne en laquelle Laureen pouvait avoir confiance. De toute l’école? De toutes les foutues personnes que Laureen avait pu rencontrer, en fait. Eric avait beau être son professeur, il n’en restait pas moins la personne qui était le plus à son écoute. Et Laureen avait l’habitude de détester tous ses profs, sans exception. Jusqu’à aujourd’hui, donc.

« Installons-nous là », marmotta-t-elle.

Laureen n’avait pas l’habitude de donner des ordres. Elle avait plutôt l’habitude de détourner les motivations des uns et des autres pour qu’ils agissent selon son désir, mais employer l’impératif n’était pas quelque chose qui lui arrivait souvent. Pas plus que de boire un café avec un de ses professeurs. Avec n’importe qui, en réalité. Laureen ne sortait jamais.

« Je vous offre un café, et vous partagez une de vos cigarettes avec moi? »

Une cigarette? Laureen Howard, une cigarette? C’était plus en accord avec Lilith, mais ces derniers temps, Laureen agissait différemment. Elle ne voulait plus être cette gamine qui traînait derrière Astria. Elle voulait qu’on la remarque.

Elle tortilla une de ses mèches entre ses doigts. Rose, rose, rose.

« Je crois que je vais me reteindre les cheveux. Retrouver ma vraie couleur. »

Elle posa ses coudes sur la table, et son menton entre ses paumes. Un serveur arrivait.

« Qu’en pensez-vous, monsieur? »

Un sourire léger se dessina sur ses lèvres.