Ailleurs
Le besoin d'aller plus loin


___Il faisait trop froid pour faire du surf, trop chaud pour faire du snow, trop sombre pour faire du skate. Bref, c’était minuit passé et Ryüko sortait d'une fête où, pour la première fois, elle ne s'y sentait pas à sa place. Cela la troublait encore plus qu'elle ne l'était déjà. Elle cherchait désespérément un endroit où se changer les idées. Arrêter de réfléchir. Échapper à son cerveau en constante activité.

Déambuler dans le campus comme un fantôme ne l’avait pas tellement aidé, douée pour se faire des films qu’elle était. Elle avait finalement été attirée par le panneau « Complexe Sportif », qui offrait non seulement l'assurance de pouvoir se dépenser sans limite, mais aussi celle d'être seule - bien qu'en plein milieu de la nuit, le risque n'est déjà pas très élevé.

La patinoire, en outre, était l'endroit parfait. A l'intérieur du bâtiment, elle avait réussi à allumer quelques lumières, mais pas toutes, évitant d'éclairer les gradins autour de la piste, et la puissante luminosité des réverbères au haut plafond. Elle regrettait seulement que celui-ci ne laisse pas voir les étoiles.

La jeune femme troqua ses escarpins contre des patins à glace, et s'élança. La robe qu'elle avait enfilé pour la soirée était restée sur ses épaules, et faisait comme une tâche rouge sang au milieu de la glace. Pas très pratique, d’accord, mais elle n'avait rien d'autre, et puis il ne faisait pas aussi froid que cela. Elle détacha ses cheveux de ces épingles qui lui faisaient mal, et les laissa, avec sa robe, suivre ses mouvements. Elle avait fait du patinage artistique, il y a bien longtemps. Dans une autre vie, peut-être.

Dans ses pensées aussi nombreuses que confuses, elle ne remarqua pas la silhouette entrant dans les gradins.

Surprise !
Il a le don d'arriver à l'impro, suila ..


___Ryüko se retourna sur ses patins, et croisa le regard de la silhouette tranquillement assise dans les gradins, entrain de l’observer. Elle s’approcha du bord de la piste pendant que Clive descendait. Elle restait septique face à ce mec. Il aimait faire des conneries, il était drôle et beau gosse, okok. Et peut-être même intelligent. Mais Ryüko savait qu'on ne pouvait pas tout avoir. A ce genre de personne, elle aimait s’atteler à la recherche les défauts qu'il cachait. La surprise de le voir ne passa pas de suite car elle ne s’était pas attendue à voir quiconque ici. Mais son compliment lui fit chasser ses pensées, et elle lui offrit un grand sourire.

- Merci. J'en ai fait, plus jeune. Mais les filles de mon groupe voulaient mettre des tutus pour le spectacle de fin d'année. Alors j'ai arrêté.

Elle, mettre des tutus ? Cette idée lui avait toujours semblé totalement ridicule. Ce ne fut que lorsqu’elle s’approcha pour s'assurer qu'il ne la mélange pas avec sa sœur, qu’elle sentit l’odeur de l’alcool. Elle fronça le nez, et jeta la tête en arrière comme à chaque fois qu’elle éclatait de rire.

- Ouhlàlà, toi tu sors de la fête au dortoir Spiraea. Qu’est ce que tu fais là ?

Le grand sourire de son visage convaincu Ryüko qu’il n’était pas en parfait état. Elle glissa jusqu’à une paire de patins à glace qu’elle avait sortit sans ranger et qui avaient été trop grandes pour elle. Elle les lança au beau brun en reculant de la bordure. Elle était curieuse de savoir comment il se débrouillait sur la glace, surtout dans cet état là.

- Montres-moi comment t’es trop fort.

Elle le regarda avec un petit sourire moqueur aux lèvres. Etait-il du genre à se défier ?

La glace
C'est froid et ça mouille ..


___Clive éclata de rire rien qu'à l'évocation des tutus. Lui, voir ça ? Il était déjà assez capable de se foutre de sa gueule comme ça. Elle essaya de se remémorer le nombre de cassettes des évènements de son enfance qu'elle avait laissé dans la maison de son père. Sans succès. Aucune, certainement.

Le jeune homme se justifia alors de son état. Ils venaient de la même soirée ? Il avait l'air de s'être bien plus amusé qu'elle. Les conneries à la fiesta l'avaient plus fait fuir qu'autre chose, ce soir là.

- Aha, alors comme ça c'est ta marque de fabrique ?

Ryüko repensa à l'alerte d’inondation qui allait être donné dans les dortoirs lorsqu'elle partait. Puis, elle secoua la tête pour chasser cette pensée. Nan, ça pouvait pas être lui.

Le jeune homme enfila tant bien que mal ses patins et la rejoint sur la piste. Elle le regardait avec le plus grand sérieux possible, car au fond d'elle, elle était totalement morte de rire. Il s'accrocha d'abord au rebord comme un petit enfant dans l'eau à sa bouée de sauvetage. Puis, s'approcha d'elle, le visage fier mais la démarche carrément incertaine. Elle ne fit que pivoter sur elle-même lorsque le Lychnis reprit sa route après être passé à côté d'elle, tout joyeux. Il essaya de tourner mais ne faillit que se casser la gueule.

Le voir entrain de secouer les bras pour retrouver l'équilibre fut l'image de trop. Elle explosa de rire de faillit tomber elle aussi.

- Ouais! C'est super cool ahah ! J'crois que j'ai un peu d'mal !

Son exclamation lui fit reprendre ses esprits.

- T'as intérêt à ne pas tomber, parce qu'il est hors de question que je t'aides. Dans l'était où t'es, tu ne mérites que ce qui t'arrive.

Elle recommença à glisser sur la piste.

- Bien qu'il soit très étonnant que tu ne soit pas encore tombé.

Elle avait parlé trop vite. Le jeune homme avait lâché le bord, et s'était élancé trop vite. Il tomba direct sur la glace froide. Elle recommença à rire et croisa les bras pour le regarder se débattre sur la glace froide. Puis, soupira. Elle ne pouvait se résoudre à le laisser ainsi, et le rejoint pour l'aider à se relever. Elle lui tendit la main.

Fortich
Et Bim ! par terre ..


___Le jeune homme s'était à peine levé qu'il rejetait déjà la faute sur elle. Elle en rit.

- Une malédiction ? Aha, comment t'as deviné ?

Le brun se redressa et se tapota le derrière d'une manière extrêmement classe. Puis, repartit de plus belle. Elle soupira d’exaspération. Il était comme un enfant dans un monde merveilleux qui découvrait les joies de la glisse pour la première fois. Néanmoins, elle imaginait comment cela se passait dans sa tête avec tout l'alcool qu'il avait du boire, et le sol de glace qui défilait sous ses pieds à une vitesse toujours trop grande. Ryüko se demandait vraiment comment il faisait pour ne pas se vautrer la tête la première à chaque pas. Elle-même, dans son état, en aurait été totalement incapable.

Il arriva finalement à faire un tour de piste. Ryüko n'avait pas bouger, et le regardait faire avec presque autant d'inquiétude que d'amusement. Ce ne fut que lorsqu'il arriva à pleine vitesse qu'elle s’inquiéta vraiment. Pour elle, cette fois. La Lychnis le regarda foncer sur elle sans rien faire pour l'éviter.

Mais c'était qui, ce malade ?

Il voulait peut-être l'éviter au dernier moment, ou tenter un dérapage. Ce qui était totalement impossible dans son état. Bref, il la percuta de plein fouet.

Un cri échappa à la jeune fille lorsqu'il se vautra dans ses bras. Si elle avait eu un mince espoir de rester debout pour éviter la glace froide, elle fut bien déçu, et ils tombèrent tout les deux comme un véritable gros sac à patate.

En effet, la glace était horriblement froide. Elle gela ses membres et mouilla sa robe, en plus des vêtements du jeune homme qui étaient déjà trempés. Ils glissèrent sur quelques mètres, avant de s'arrêter enfin. Ryüko desserra peu à peu ses bras qui exerçaient une étreinte vitale sur Clive et se mit à genoux, encore étonnée d'être entière.

- Ahaha! Désolé ça fait quelques années que j'en ai pas fais alors j'ai du perdre la main.

Les excuses du jeune homme encore allongé sur le dos et à moitié mort de rire mit la jeune fille dans tout ses états. D'abord, la colère.

- S'pess de singlé !

Son exclamation résonna et couvrit le bruit de la tape qu'elle ne put s’empêcher de lui mettre sur ventre. Puis, l'exaspération, avant l'amusement. Elle le poussa de toute ses forces et il dériva encore d'un mètre. Elle voulut en profiter pour se lever, mais malheureusement, les rires incessants du jeune homme étaient contagieux, et un énorme fou-rire monta dans sa gorge. Elle ne savait pas sur qui elle était encore tombé - ou qui était tombé sur elle, dans ce cas-la - mais elle avait rarement connu de mec aussi barge.

Son rire fut interrompu par le bruit des portes s'ouvrant, de la patinoire, qui résonna. Une voix peu chaleureuse cria.

- Qui est là ?!

Un surveillant. Qui chassait les personnes qui n'avaient pas à être là où ils étaient. En effet, ils étaient en plein milieu de la nuit et utilisaient le matériel scolaire sans aucune autorisation.

Fuck.

En espérant que le surveillant ne courrait pas aussi vite que les élèves.

Fuir
Un kilomètre à pied, ça use, ça use ..


___Les pokémon. Pourquoi Ryüko n'y pensait jamais ? Le plan du Lychnis semblait si simplet et efficace, bien qu'elle doutait des capacités actuelle du jeune homme. Il glissa pourtant rapidement sur la glace pour rejoindre son sac, et sortir son Galifeu sans encombre. Avait-il une once de sobriété ? Mais il lança ses ordres trop tôt, car Ryüko était encore sur la glace. Elle se jeta sur le sol près de Clive au moment ou le pokémon crachait ses flemmes.

Elle avait eu chaud.

- Eh, vous, là bas !

Son cœur rata un battement lorsque le surveillant hurla de colère. Il commença à progresser - trop - rapidement vers eux. La brunette eu juste le temps d'enlever ses patins, que les flemmes faisaient déjà effet. La glace fondait à vue d’œil, la vapeur envahit la patinoire, et la silhouette menaçante du surveillant à quelques dizaines de mètres d'eux devint de plus en plus floue.

- Maintenant, on s'arrache !

L'exclamation du jeune homme sortit la Lychnis de sa torpeur, et elle se releva d'un bon. Ryüko et Clive détalèrent comme des lapins. Les gradins n'étant pas éclairés, il fut difficile de repérer la sortie, qu'ils faillirent rater. Ils passèrent devant, firent un dérapage spectaculaire et dévalèrent les marches. Ils ouvrirent brutalement les portes, et coururent à toute allure dans la nuit, sous la pluie battante.

Ce ne fut que dehors que Ryüko se rendit compte qu'elle avait oublié ses chaussures, de l'autre côté des gradins. Hors de question de faire demi-tour, elle continua donc de courir à en pleine halène, sans se soucier du goudron qui martelait ses pieds nus. Elle eu de la chance que ça ne soit pas simplement de la terre, avec la boue qui vas avec.

Elle ne se retourna pas une seule fois, ne pensant juste à aller le plus loin possible. Se faire prendre ainsi pendant sa toute première semaine de cours serait vraiment débile. Elle entendit Clive courir à ses côtés, et faillit se casser la gueule plus d'une fois, ses pieds nus heurtant quelques obstacles horriblement dur. Mais ils continuèrent encore un moment qui sembla durer une éternité.

Ils devaient être assez loin de la patinoire, maintenant. La jeune fille repéra un petit abris, non loin, sur les marches d'un autre bâtiment, et s'y dirigea en continuant à courir.

Ils s'arrêtèrent enfin avec soulagement. Ryüko se pencha en avant, les mains sur les genoux, essoufflée comme un éléphant s’entrainant pour le marathon. Sa robe et ses cheveux, déjà trempés par la glace, lui donnaient maintenant l'air de sortir de sous la douche.

- Plus .. jamais, réussit-elle à placer entre deux respirations.

Elle s'assit sur les marches et calma son poux. Lorsque cela fut fait, elle essora ses cheveux comme elle le pue, et les attacha avec un bâtonnet. Bordel, il était environ une heure du matin, elle était trempée, et mourrait de froid. Elle regarda le Lychnis et prit de ses nouvelles.

- Ça va ?

Puis, se tordit le cou pour regarda l'écriteau sur la porte en haut des marches.

« PISCINE »

Bon, elle venait de dire plus jamais, mais ils avaient le choix entre rentrer sous la pluie battante, rester ici à se geler jusqu'à l’hypothermie ou entrer là-dedans. Et la piscine, elle, était chauffée. Elle hésitait. Le mieux était de demander à son compère.

- On rentre au quartier ou on attends qu'il arrête de pleuvoir, là dedans ?