Elle le regarda partir, conservant contre toute attente son visage froid, joue appuyée contre la paume de sa main. Puis elle finit par sourire en coin, avant de pouffer doucement. Seule à sa table. Pour sûr qu'elle était une fille blasée, à cet instant-là. Elle se releva puis débarrassa son plateau, avant d'aller prendre un café au comptoir. Infect, lui aussi. Mais qui sut la réveiller quelque peu.

La plus longue journée de sa semaine passa. Elle ne fut libérée qu'à dix-huit heures.

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Enroulée dans sa serviette, dix-neuf heures trente. Elle aurait sûrement préféré pouvoir dormir un peu, avant de se charger de cette histoire. Cependant, elle eût peur de ne pas se réveiller, malgré la sonnerie de son Pokématos. Contemplation dans le miroir enduit de buée. La fatigue lui rendait le regard trouble, les pupilles toujours dilatées par une substance qu'elle aura eu l'erreur de rouler, pour sa détente personnelle. Une simple tisane aurait suffi ; elle s'en rendait compte un peu trop tard. Elle eut cependant la chance de ne pas avoir de cernes trop creuses, facilement dissimulables avec une petite touche de maquillage. La migraine commençait à poindre. Ce n'était que l'affaire d'une visite guidée des lieux. Une affaire de deux ou trois heures. C'est tout.

Elle prit néanmoins deux cachets accompagnés d'un verre d'eau, afin d'y voir plus clair. Seulement, herbe et médicaments faisaient-ils bon ménage ? Oh, tant pis, ce qui était fait, est fait. Elle enfila une tunique courte, ainsi qu'un petit short et une paire de sandales. La nuit estivale était chaude, ici. Elle ne cherchait pas à faire quelque chose de superflu ; elle était même plutôt décontractée. A quoi bon. Il s'agissait d'une simple visite. Pas d'un rencard. Ou alors, elle s'était mal faite comprendre, auprès du nouvel élève. La jeune femme s'empara d'un sac, y mit ses Pokéballs, son portefeuille, sa boîte à tabac, son feu, ses clés, et son insigne, puis partit de sa chambre, le ventre vide. Tant pis. Elle n'avait plus le temps.

Elle se sentit lanciner quelque peu, sur le chemin. Avait-elle chopé un truc ? Ridicule. Elle reprit de sa contenance, tandis qu'elle s'approchait de la silhouette concernée. Sa vue se fit plus précise. Ses yeux se firent un peu ronds. Le Kimi était habillé de façon plutôt soignée. Soit, c'était à son habitude. Soit, il s'agissait d'une mauvaise blague. Soit ... peut-être que la visite se révèlerait un peu plus intéressante, que ce qu'elle prévoyait. Pensée qui fit apparaître un petit sourire narquois, sur son minois. Elle se posa devant lui, tout en le fixant.

« Eh bien, ponctuelle, bonsoir, tu es bien jolie dans cette tenue. »

La jeune femme cligna des yeux. Avant d'émettre un rire surpris, l'information ayant tout d'abord du mal à monter jusqu'à sa tête. Son esprit n'était pas clair, elle le savait que trop bien. Elle avait vraiment besoin de se coucher, puis de récupérer. Cependant, comment devait-elle réagir, face à ça ? Il s'agissait ici d'une tenue décontractée, presque choisie au hasard sans titiller dessus pendant une demie-heure !

« Il est de mon devoir, d'être quelqu'un de ponctuel. Merci pour le compliment. Prononça-t-elle avec une ironie non dissimulée, clairement amusée par l'attitude du garçon. A quoi jouait-il ? »

Elle se doutait bien que, désormais, en tant que préfet Narcissus, bon nombre de gens cherchait à lui graisser la patte d'une quelconque manière afin de s'attirer ses faveurs. Cependant, cela n'avait pas tendance à porter ses fruits, du moins avec elle. Elisabeth savait choisir ses gens, et n'accordait sa confiance qu'à seulement quelques élus. Néanmoins, elle laissait les flatteries couler sans protester. Ca la faisait rire. Car elle était consciente du potentiel qu'elle possédait. En tous points.

Mais n'en disait rien. Comme d'habitude.

« Alors ma belle ? Qu'est-ce que tu m'réserves ce soir, où vas-tu m'emmener ? Disait-il, tout en arquant son bras, l'invitant à l'attraper. »

Oh d'accord. Elle n'allait pas dire non à un minimum de courtoisie. Surtout que, Monsieur semblait être quelqu'un de plutôt sulfureux. D'après l'heure de colle qu'elle serait en charge de lui assigner, lue sur le rapport de la maison quotidien. La jeune femme s'accrocha à son bras, lui lançant un sourire poli.

« Tu connais notre domaine, les salles de cours ... Je suppose qu'un petit tour dans les quartiers des autres maisons ne serait pas plus mal, tout d'abord. Réfléchissait-elle, yeux levés vers le ciel, commençant à avancer. Les Spiraea sont les plus proches de nous. »

Elle ne put retenir un baillement contraint, ne l'ayant pas du tout prédestiné. Elle fronça les sourcils, exaspérée par son état. Puis elle sortit sa boîte à tabac, s'emparant d'une cigarette déjà roulée, l'air de rien. Essayant de paraître la moins engourdie possible.

Une fois en possession de son briquet, elle alluma la cigarette qu'elle tenait alors entre ses lèvres, avant de soupirer un nuage gris et toxique, s'évaporant dans l'environnement nocturne. Son hôte sembla alors la dévisager quelque peu, lorsqu'elle s'était accrochée à son bras ; peut-être ne s'attendait-il pas à ce qu'elle fût d'accord, de partager un tel geste. Pourtant, elle, ça la soulageait quelque peu. Elle s'appuyait d'ailleurs un peu contre le garçon, sans vraiment s'en rendre compte. La fatigue, encore. Pour sûr, qu'elle serait peu encline à lâcher ce bras, ce soutien, pour le moment. Elle avait presque l'impression d'oeuvrer comme une vieille femme, ici. Tout ce qu'elle pouvait désormais faire, fut de paraître la moins souffrante possible, aux yeux de cet inconnu. Elisabeth Richards ne devait pas donner la première impression d'une faible femme ; car les premières vues sont toujours celles sur lesquelles on se base, pour se faire une idée de la personne.

« Une petite incursion au pavillon ? Ouais, ça m'semble une bonne idée d'aller voir à quoi ça r'ssemble chez eux. »

Elle prit alors une seconde bouffée de nicotine, le regardant en coin tout en souriant doucement. Peut-être devrait-elle lui parler de son heure de colle, afin de paraître la plus professionnelle possible. Ou alors, partir sur quelque chose de plus humain, afin de plus facilement oublier le bon lit qui lui faisait de l'oeil, dès lors qu'elle rentrerait. De toute façon, elle n'eut pas vraiment le choix. Car son camarade sut prendre les devants.

« Tiens, pendant qu'on va s'taper une visite de courtoisie chez les boulets, si tu m'parlais un peu d'toi ? »

Son minois prit alors une expression plus malicieuse, ses prunelles en coin plantées dans les rubis de Kimi, narquoise. Elisabeth n'était pas quelqu'un qui appréciait vraiment parler d'elle. Que dire, à propos de sa vie. Elle était l'une de ces personnes qui ont des secrets à cacher. Ce qu'elle était, avant d'avoir été envoyée dans cette académie ; il vaudrait mieux que personne ne le sache. Ses principales faiblesses se trouvaient dans les faits familiaux, après tout.

« De moi ? Hm ... Alors, j'ai été répartie chez ces dits "boulets", à mon arrivée ... fit-elle mine de commencer sur un ton moqueur, incitant à la culpabilité. Elle rigola doucement puis cendra sa clope au sol, continuant de marcher. Plus sérieusement, je ne sais pas. Que voudrais-tu savoir ? »

(Suite : www)